Retour aux sources du théâtre avec Catherine Marnas et Pippo Delbono
A écouter sur Radio Grenouille (plus d’infos) cette semaine : Interview de Catherine Marnas autour de la reprise aux Salins de sa dernière création, les 7 et 8 janvier, intitulée le retour au désert de Koltès (plus d’infos), et rencontre avec Pippo Delbono autour de son œuvre présentée par le Merlan et la Criée jusqu’au 16 janvier (plus d’infos) …
Ah, quel bonheur que de recevoir des artistes dont le discours n’est pas emprunté, ni pétri de ces digressions « intellectualisantes » servant à flatter leur égo ! Et même si l’on peut être sceptique face à leur création comme je le fut face à « Saint Jeanne des Abattoirs » présenté à la Criée en 2006/2007, mise en scène par Catherine Marnas, j’avoue que cette discussion que nous avons partagée sur les ondes de Grenouille, en compagnie de Lionel Vicari, dans l’émission Qui sont ces serpents ?, m’a remplie de joie… J’ai apprécié la simplicité et l’humilité du discours de Catherine et Pippo…
Car tous deux ont un regard lucide sur le « réel », la vie et la société, ou le « politique » au sens grec du terme de vie dans la cité, et l’humain, la violence, la souffrance mais aussi les joies des hommes ! Dans leurs créations respectives, l’enjeu de l’objet théâtral présenté au regard du spectateur est l’être, la question de l’existence et du vivre, dans une société où le paraître déshumanise les relations humaines et nous fait perdre le sens du réel que grâce à l’imagination et au théâtre nous pouvons réinventer. Tous deux présentent un théâtre où l’émotion est reine et maîtresse du jeu : cette émotion souvent confondue avec le pathos dans les critiques des journaleux s’inscrivant dans la défense de l’art contemporain conceptuel et aseptisé où l’artiste regarde son nombril plutôt que l’autre.
Le tabou de l’émotion et du politique, tel fut l’objet de notre discussion avec Catherine Marnas pour laquelle le théâtre est par essence politique de par son ancrage dans le réel. L’émotion est liée au politique, puisqu’elle touche à l’humain, à ce qui est au plus profond de nous, ce que l’on nomme en anglais « feeling », sentiment, ressenti, vécu…, telle un regard « charnel » porté sur le monde alentour, une ouverture à l’autre… L’émotion, base même de l’art théâtral que l’acteur cherche aux tréfonds de son être, et qui fait cruellement défaut dans la création française à la mode aujourd’hui ! Et ce même lorsqu’il s’agit de parler de mort ou de maladie ou de violence. Pas de complaisance ni de faux semblants.
Et c’est là tout le plaisir que l’on peut avoir à discuter avec Pippo Delbono, un homme au charisme troublant, au discours vrai et sans fards, lorsqu’il nous parle de son travail avec les membres de sa compagnie, des acteurs à part entière, plus acteurs que les élèves sortis des conservatoires, cette fabrique d’acteurs de vernissage comme il les nomme… Pippo ne fait pas du théâtre bourgeois ou de vernissage !!! Il ne fait pas dans la psychologie non plus, il travaille sur l’être (il peut travailler des heures et des heures avec un de ses acteurs sur un geste, à l’image des chanteurs d’opéra chinois dont la gestuelle lente et précise nécessite un immense travail), avec l’être de ses acteurs (qui sont aussi auteurs et créateurs du spectacle qu’il conçoit) et dont il dit être humblement celui qui cherche une harmonie dans le chaos.
Influencé par les rencontres qu’il fait, celle d’une peinture de Bacon ou des hommes et femmes qui partagent sa passion, par la musique qui est fondamentale chez ce créateur à l’intelligence charnelle, son œuvre est d’une lucidité folle (pour reprendre le titre d’un livre à venir intitulé « la lucidité folle de Pippo Delbono »), lucidité qu’il revendique sous toutes ses formes qu’elle soit dans la souffrance ou la folie… Lucidité d’un homme face à la vie, à la mort, à l’humain, à la peur, à la souffrance, à la folie…
Un réel bonheur que de l’écouter parler de son art et que je souhaite partager avec vous… Alors, à vos écouteurs sur radio grenouille. DVDM
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