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La lesbienne invisible

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La lesbienne invisible
De et avec Océane Michel
Mise en scène par Murielle Magellan
Produit par Adeline Ferrante
A découvrir jusqu’au 30 juin
A Paris, théâtre ‘Les feux de la rampe’
Tous les mercredis à 20h
Durée 1h 15

La lesbienne invisible, spectacle d’humour mêlant stand up, one woman show et chansons sur le thème de l’homosexualité féminine, a fait escale à Marseille le 7 mai à l’occasion du festival Reflets 2010 au cinéma les Variétés pour le plus grand plaisir du public marseillais venu en nombre voir Océane Rose Marie. Océane Michel, plus connue sous son nom de chanteuse, Oshen, a joué à guichet fermé ce jour-là malgré l’heure tardive du spectacle. Mais qui est donc cette lesbienne dite invisible ? Une jeune femme aux attirances homosexuelles qui ne renie en rien sa féminité… Hélas, personne dans son entourage ne croit à sa lesbianitude du fait que son dress code ne correspond pas à celui communément admis dans le milieu lesbien….

Après de nombreuses tentatives pour se faire accepter des homosexuelles de son club de foot, ses tentatives naïves de drague de la DJ en vogue au Pulp (boite de nuit pour filles à Paris, anciennement appelée l’entr’acte) l’ont blacklistée jusqu’à l’Enfer (autre boite de nuit homosexuelle parisienne) : en effet, pour être une lesbienne branchée, il faut faire la gueule or, elle, Océane Rose Marie de nature enjouée et vive, aimant danser, ne la savait point… Une façon ludique de dénoncer les stéréotypes lesbiens qui, hélas!, restent encore ancrés dans la tête de certaines femmes homosexuelles et dans l’imagerie que s’en font les hétéros. Donc, après des péripéties drolatiques à souhait qui reflètent assez justement le monde lesbien Français (entre les camionneuses et autres lesbiennes plus fermées que des huitres), Océane Rose Marie nous raconte ses amitiés avec les femmes hétérosexuelles (Bérénice le laideron qui lui fait une déclaration, l’allumeuse hétéro de service qui joue avec elle comme elle le ferait avec un homme…) puis son histoire d’amour. C’est l’occasion pour la comédienne de parler des effets pervers de la télévision au sein d’un couple : à force de passer leurs soirées devant les séries américaines, les couples ne font plus l’amour et se délitent… L’intérêt de ce passage est qu’il s’adresse autant aux couples hétéros qu’aux couples homos.

Puis vient sa découverte de LWord, série culte chez les homos et hétéros : Océane admire le personnage de Betty tout en imitant Shane en devenant une droguée du sexe… C’est l’occasion de parler des codes qui permettent aux homos de se reconnaître dans les bars hétéros (le picon bière par exemple) et de s’en moquer (notamment l’exemple de l’achat des magazines biba et cheval passion qui peut conduire à passer à côté de belles rencontres). Au travers de son spectacle, Océane décrypte avec intelligence, lucidité et humour, voire ironie, le monde lesbien, notamment ces choses qui font que de nombreuses homosexuelles ne le fréquentent pas. Car en effet, les lesbiennes invisibles sont légions. Elles n’en sont pas moins lesbiennes. L’humour ici s’avère être un bon médium pour critiquer et dénoncer les stéréotypes d’un monde souvent renfermé sur lui-même, clichés hétérosexuels souvent entretenus par les homos eux-mêmes. Le spectacle d’Océane révèle ici à juste titre qu’être lesbienne, c’est aimer les femmes, et qu’assumer sa lesbianitude n’implique pas de revêtir des habits masculins ; c’est être. Tout simplement.

Une création originale donc ; un show bien écrit (avec des jeux de mots et passages écrits à la sauce Sorbonne délicieux, imitant les tragédies grecques ou les étudiants participant de l’élite intellectuelle française) même si parfois Océane use trop dans son texte du comique de répétition ; mis en scène avec finesse et un sens du rythme (notamment les scènes où Océane imite les personnages rencontrés dans sa vie, scènes entrecoupées de passages chantés, clin d’œil à son métier de chanteuse) bien que le début du spectacle verse trop dans le stand up et qu’un flottement de rythme se fasse ressentir, très vite effacé par le récit et l’énergie généreuse d’Océane qui sait s’attirer la sympathie de son public (on sent qu’elle a été rodée aux concerts et sait comment chauffer la salle) ; interprété avec justesse en dépit de certains moments au cours desquels Océane a tendance à ne pas pousser ses gestes jusqu’au bout, se relâchant un peu (ex la scène du bras de fer) ; auréolé d’un travail son et lumière tenant plus du concert qui vient envelopper le spectacle d’un halo rouge carmin, symbole de cette lesbienne invisible.

Océane Michel a présenté ici un spectacle de qualité professionnelle, ludique et drôle, léger et profond à la fois. Un grand bravo pour cette jeune femme… en espérant qu’un théâtre d’humour en Paca ait le courage de programmer son spectacle qui ne s’adresse pas qu’à un public homosexuel, et ce, même si Océane ne peut s’empêcher de faire quelques private jokes ou apostrophes savoureuses et tentantes pour un public homo. Car son spectacle permet d’offrir un autre visage de l’homosexualité féminine, une sexualité comme une autre en somme… DVDM

Plus d’infos sur http://oceanerosemarie.yagg.com ou www.lalesbienneinvisible.com

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Rmt News Int • 9 mai 2010


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Comments

  1. Seal 10 mai 2010 - 14 h 21 min

    Quel bonheur ce spectacle, nous sommes venu de Nice pour la voir, on à presque pas dormis et la route fut longue. Mais je le savais au fond de moi, que je n’allais pas être déçu, même les gays hommes, comme moi, se sont éclatés. Je conseille ce spectacle à tout le monde et j’espère que les parisiens savourent le fait de l’avoir tout les soirs rien que pour eux. Vivement son passage sur Nice, si elle ne trouve pas de théâtre, mon bar lui sera grandement ouvert. A bientôt tout le monde et vive la lesbienne invisible.
    Seal

  2. ysengrimus 16 mai 2010 - 0 h 06 min

    Les lesbiennes authentiques auront leur visibilité culturelle un jour.

    http://ysengrimus.wordpress.com/2010/05/15/pourquoi-l%E2%80%99implicite-lesbien-cinematographique-continue-t-il-de-rester-justement-si%E2%80%A6-implicite/

    Cela s’en vient. Dans la douleur et la colère, cela s’en vient…
    Paul Laurendeau

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