Le médecin malgré lui
« C’est intéressant pour nous de travailler dans un espace comme celui là. Un théâtre en plein air, où on renoue complètement avec la tradition de ce que devait être le théâtre au temps de Molière : itinérant et en adaptation immédiate avec l’espace. On arrive d’Avignon où on vient de jouer la pièce dans un tout petit théâtre, on était très près les uns des autres, comme dans une bonbonnière, et quand on est arrivé ici cet après-midi et qu’on s’est retrouvé dans ce grand espace, on s’est dit ouffff, comment est qu’on va faire. Mais, c’est l’avantage d’une mise en scène souple avec peu de décor. On a très vite adapté, on a cavalé d’un côté et de l’autre. Mais, c’était super, et le public nous a surtout super bien accueilli. On est très touchés. » Indiquait Hervé Lavigne, interprète de ce Sganarelle « traine-savate » dirait on aujourd’hui, mauvais mari ivrogne qui bat sa femme, laquelle va vouloir se venger de lui par le biais d’une farce dont l’opportunité lui est amenée sur un plateau par deux voyageurs.
Sganarelle sera médecin, malgré lui, auprès d’un riche bourgeois qui veut marier sa fille devenue soudainement muette, sous peine d’être rossé s’il n’accepte cette charge. L’occasion bien sûr pour le comédien du roi de se moquer encore une fois des médecins : Sganarelle, ignorant patenté, fera ma foi un fort bon médecin armé de son habit, du latin que nul n’entend et de la désespérance des malheureux en souffrance.
« Quand les spectateurs entrent dans la salle, c’est un espace nu qu’ils découvrent… Les comédiens vont emprunter la même voie qu’eux pour entrer en scène et porteront les malles en osier qui contiennent costumes et accessoires qu’ils vont installer sur le plateau mettant en place leur aire de jeu. » Précise Andonis Voyoucas, metteur en scène. « Fidèle à la tradition de la troupe de Molière lors de ses tournées, les comédiens sont tous présents sur le plateau. Martine s’active à son ménage, Sganarelle la querelle, c’est ainsi qu’est improvisée la première scène au cours de laquelle les autres comédiens revêtent leur costume, jouent aux cartes ou lisent. Ainsi, tout au long du spectacle, ils s’habilleront à vue tout en assurant leur rôle. »
Dans des costumes de Fred Sathal qui étend également son travail de haute couture à la conception de costumes pour le théâtre et le ballet à travers les Roméo et Juliette d’Angelin Preljocaj ou encore plus récemment pour la comédie musicale Notre dame de Paris mais aussi les vêtements poétiques de la chanteuse Björk. (Après Liliom et Les larmes amères de Petra Von Kant, le Médecin malgré lui est la troisième collaboration de la célèbre couturière avec le Théâtre Gyptis.)
LA DURE LOI DU THEATRE
« La pièce est écrite en 1666. Molière fait alors face au parti des dévots qui a fait interdire Le Tartuffe en 1664, retirer Dom Juan en 1665 et qui a contribué à l’échec du Misanthrope en 1666.
Molière est malade, touché par les premières atteintes de la tuberculose. C’est pourtant dans la dernière période de sa vie, qu’il donne cette farce, qui semble renouer avec la verve de ses débuts. » Une farce qui est aussi destinée à répondre à un impératif financier. « Certes le comédien du roi était généreusement subventionné par Louis XIV, néanmoins les recettes restaient essentielles, comme encore aujourd’hui, à la survie d’un théâtre. Beaucoup de grandes figures comme Voltaire ou Rousseau lui ont reproché d’avoir écrit une pièce légère après un chef d’oeuvre comme Le Misanthrope. Toutes ces personnalités » ignoraient apparemment « la dure loi du théâtre et son caractère éphémère : les deux premières questions d’un « bon » directeur de théâtre à ses collaborateurs étant : « quel est le montant de la recette d’hier ? », « combien de spectateurs avons-nous aujourd’hui ? » « Souligne encore Andonis Voyoucas alors même que la pièce, déjà donnée deux fois au Theatre Gyptis, fait partie de saison 13 du Conseil Général et part en tournée dans toute la France. Ce qui en contextualise la deuxième actualité.
« C’est très courageux au théâtre Gyptis de faire une pièce où il y a autant de comédiens. On est 9 sur scène. C’est très rare de nos jours de voir des spectacles où il y autant de monde sur scène. Aujourd’hui c’est en général au maximum 4 ou 5 personnes. Un spectacle comme celui –ci, même sans trop de décor, ça coûte cher et il faut le faire tourner » remarque également Hervé Lavigne.
« Le grotesque des situations fera parfois rire aux éclats, mais aussi sourire, car derrière le rire de Molière est toujours présente l’observation terriblement lucide de la réalité : patriarcat violent, révolte non moins virulente des enfants telle que nous la côtoyons encore aujourd’hui, la jeunesse et ses amours, soumission des humbles mais haine profonde des domestiques envers le maître… En résumé, un regard aigu et lucide sur notre humanité, regard qui échappe au temps » conclut Andonis Voyoucas.
Il y a durant la saison des festivals les grands paquebots qui dessinent le large sillon, mais qui ne seraient rien finalement sans la flottille de petits festivals de villages qui les entourent et qui vont au cœur même de l’essence du travail théâtral, à la rencontre du public là où il se trouve. Il en est ainsi des Estivales d’Allauch.
Geneviève CHAPDEVILLE PHILBERT
Le Médecin malgré lui par le Theatre Gyptis / Cie Chatot Voyoucas
Tournée estivale dans toute la France
Les Estivales d’Allauch – 8 juillet 2010
A suivre
12 JUILLET – TEN AQUI « FUSION DU SUD » – musique
16 JUILLET – LE BONHEUR par le CARTOUN SARDINES – Théâtre
18 JUILLET – RECITAL DE PIANO CLAUDE KAKN – Hommage à Chopin
Maison du Tourisme 04 91 10 49 20 – estivales.allauch.com
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