Une semaine dédiée aux femmes
Un pari gagné par le Théâtre des Chartreux
Le 8 mars, le petit théâtre arborant fièrement un chat sur son fronton accueillait le public marseillais venu en foule pour une soirée consacrée aux femmes : vernissage d’une exposition de photographies prises pendant une marche internationale des femmes, des portraits de femmes, d’enfants, d’hommes mobilisés pour la cause féminine et non féministe. Quiconque lit la charte mondiale des femmes pour l’humanité -rédigée lors de la marche de 2004 au RWANDA- ne peut qu’apprécier l’universalité des affirmations. Ces dernières dépassent de loin les revendications purement féministes : les principes d’égalité, de liberté, de solidarité, justice et paix concernent tous les êtres humains auxquels s’adresse cet appel pour une vraie démocratie mondiale.
Calamity … Louise (du 8 au 12 mars aux Chartreux)
Ce propos rappelant l’utopie anarchiste est celui-là même du spectacle proposé par Gisèle Martinez de la Compagnie Eponyme. Gisèle, le temps d’un spectacle, a troqué ses habits de clown pour revêtir le masque d’une narratrice, fervente admiratrice de la célèbre Louis Michel décédée à 75 ans en notre belle ville de Marseille en 1905. Elle nous offre le récit épique d’une héroïne des temps modernes en lutte constante pour une anarchie où tous seraient libres, égaux et frères, sans un état au-dessus de leur tête les asservissant à devenir des bêtes avides de pouvoir sur l’autre. Institutrice passionnée, chercheuses curieuse de découvertes, femme de tête, Calamity Louise n’a de cesse de se battre tout au long de sa vie : elle est une des chevilles ouvrières de la Commune, une défenseuse des droits des indigènes de Nouvelle Calédonie, une féministe crainte pour ses incitations à la rébellion par un gouvernement impérialiste qui la condamna à la prison à plusieurs reprises. Cette vierge rouge, fille née d’une liaison entre un châtelain et une servante, laideron bâtard ayant connu l’opulence d’une vie de château, sauvageonne aimant la solitude et le silence, avait le verbe haut: ‘ esclave entre tous sont les femmes des prolétaires’.
Gisèle nous fait ainsi le portrait de cette femme forte de ses convictions, incorrigible, aimant l’humanité plus qu’elle-même avec un talent fou, ayant pour seule alliée une conduite lumière subtile : chantonnant ‘le temps des cerises’, elle incarne cette sœur de charité laïque avec tant de vivacité et d’énergie que le spectateur est transporté par son récit, sous les feux de la commune ou dans les bagnes de nouvelle Calédonie, voire en prison ou devant un tribunal. Ayant pour seul élément de décor une chaise et pour seul accessoire une écharpe rouge, symbole de son combat, Gisèle fait vivre l’espace scénique qu’elle occupe avec intelligence : la chaise devenant tribunal ou champs de bataille. Sa diction est parfaite, elle projette fort bien sa voix, audible par tous. Son regard est expressif à souhait et corporellement, elle est très juste ; il est amusant de noter que lors des improvisations calculées de Gisèle, le clown reprend le dessus et s’invite à la narration. Chose fort agréable dans la mesure où le seul en scène dure près d’une heure et trente minutes – ce qui est fort long pour un solo- et que le récit trop détaillé de la vie de la mère Michel, adoratrice des chats, tend à noyer le spectateur qui hélas par moments décroche son regard de la scène. Ce spectacle, néanmoins de belle facture, fut suivi d’un débat.
A suivre au Théâtre cette semaine
Une seconde soirée est prévue pour le 10 mars – 20h30- avec la présentation du spectacle ‘Femmes Déchirées’, de Naky Sy Savane, star ivoirienne, directrice du seul théâtre africain de Marseille, l’Afriki Djigui Theatri, un petit lieu proposant contes et festival de films africains, situé rue d’Anvers à découvrir au détour de Longchamp. La création de Naky traite entre autres choses d’un sujet hautement tabou en nos sociétés : l’excision qui touche non seulement l’Afrique mais aussi l’Europe, notamment de nombreuses femmes en France. Plusieurs milliers de cas annuels sont à déplorer chez nous. Pour parler de ces femmes déchirées, Naky, militante de toujours, a convoquée une maghrébine, une africaine et deux françaises afin d’expliquer comment les traditions d’un pays -et le rapport entre l’homme dit majeur et la femme dite mineure- influent sur la pensée de ces femmes soumises à une tradition forte et pesante. Elle montre comment pour certaines femmes, il est difficile de considérer la domination masculine et plus précisément, l’excision ou le mariage forcé, comme une mauvaise chose, au grand damne des européennes bien pensantes, et combien il est délicat de les faire changer d’avis : il faut s’armer de patience pour convaincre ces femmes du mal qu’elles subissent, il s’agit d’une question d’éducation culturelle et de sensibilisation, à réaliser avec douceur. Cette problématique des violences faites aux femmes de tous les pays est abordée au travers d’un spectacle joyeusement emmené par Naky elle-même. Nous vous conseillons de vous rendre en ce petit théâtre des Chartreux pour rencontrer une femme extraordinaire et un texte bouleversant. Un débat suivra le spectacle. DVDM
Réservation : Théâtre des Chartreux 105 avenue des Chartreux 13004 Marseille Tel : 0491501890. Site internet : theatredeschartreux.free.fr/
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