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Le festival d’Avignon Off s’achève en ces derniers instants. Une édition marquée par deux créations fort intéressantes : la première, ‘les anges du péché’, était présentée à l’Alizé à 19h45 ; la seconde, ‘Quartett’ à 23h à la condition des soies. Toutes deux relatent avec minimalisme le récit de personnages fascinants au destin fatal, l’une la vocation religieuse d’une femme poignante, l’autre la vocation libertine de deux créatures diaboliques.

Photo ‘les anges du péché’ copyright M. Kitaievitch

‘Les anges du péché’, mis en scène par Laurent Lebras, ayant opté pour un jeu frontal suite à de nombreuses lectures, est un spectacle issu d’un travail de longue haleine ; tant dans la recherche des comédiennes dont l’interprétation voulue évite le cliché des bonnes sœurs qui s’effacent derrière leur habits uniformes, chacune ayant un physique des plus disparates et un caractère propre sous leur habit de religieuse, tant dans l’épuration de la mise à la scène du récit tiré du film de Robert Bresson avec pour seul décor des panneaux de couleur sombre et un travail de lumière précis avec poursuites bleutées et éclairages tamisés. Les costumes à la ligne fluide et épurée, aux couleurs gris anthracite, évoquent ceux des religieuses en toute simplicité ; ce qui permet d’éviter de sombrer dans une illustration trop religieuse du sujet et permet au spectateur de découvrir l’universalité qui se cache derrière cette histoire d’une vocation. L’histoire relate l’entrée au couvent d’Anne-Marie, une femme élue par Dieu, abandonnant tout pour se consacrer entièrement aux détenues réhabilitées vivant au couvent. Exaltée, passionnée, à la Foi orgueilleuse et maladroite, naïve et innocente, Anne Marie consacre toute son énergie à tenter d’aider contre sa volonté sœur Thérèse, une ancienne détenue s’étant vengée de son ex petit ami l’ayant dénoncée pour un crime qu’elle n’avait pas commis. A mi- chemin entre intrigue policière et récit du quotidien des religieuses –avec leurs rituels, chants et habitudes, leurs querelles, jalousies et hypocrisies en tout genre-, cette création repose essentiellement sur le jeu des comédiens – la scène de l’achat de l’arme meurtrière est fort bien vue. Si l’on peut regretter le jeu maladroit de David Macquart lorsqu’il interprète le gardien de prison ou le policier, il est à remarquer le travail fourni par les comédiennes sur le plateau : Chantal Peninon incarne avec rigueur et sensibilité la mère prieure, Magaly Godenaire dont le phrasé parfois tend à sonner étrangement à nos oreilles devient au fil du récit très convaincante dans son rôle, l’image de sa mort n’est pas sans rappeler celle de la mort de Sygne de Coufontaine, incarnée par Evelyne Bouix, dans ‘l’Otage’ de Claudel mis en scène par Maréchal en 96. Dominique Isnard et Sophie Colon sont toutes deux très justes dans leur interprétation de Thérèse et Madeleine. Les autres comédiennes et le second comédien offrent quant à eux une belle prestation. Le spectacle d’une durée d’une heure trente mérite le coup d’œil tant de par sa thématique fort bien traitée que du point de vue de l’honnêteté et qualité d’un travail fourni toute en retenue et humilité.

Le Quartett de Muller revisitée à la sauce fétichiste par la compagnie Roland Furieux est une belle réussite, respectant et révélant tout la puissance jouissive du texte dans toute sa crudité, cruauté et beauté. Sur fond de décors ultra minimalistes, seuls un hautparleur et une table serviront de support à nos deux héros libertins, le spectacle proposé ici repose sur une création musicale des plus originales : le musicien, Lionel Marchetti, offre à entendre des sons inquiétants, grinçants, aux aigus perçants et graves amples, en accord parfait avec l’acoustique merveilleuse de la salle ronde du théâtre. Le travail de sonorisation, d’amplification sans micro de la voix rocailleuse de la comédienne lorsqu’elle interprète la Merteuil, est remarquable : il accompagne avec justesse et précision le fil du récit des derniers instants de vie du Vicomte, les jeux pervers de nos deux libertins en fin de règne. Laetitia Pizt dont la tessiture vocale passe de graves caverneux à des aigus enfantins lorsqu’elle imite à merveille la jeune Volange, apparait derrière un rideau de film plastique sous des lumières d’un bleu électrique telle le fantôme d’une beauté fanée, engoncée dans sa crinoline verte couvrant son corps nu entièrement pris dans du film plastique. Sa gestuelle saccadée et raide, à l’image de celle d’un pantin, sa démarche lente et précieuse font d’elle une Merteuil des plus convaincantes. La Marquise qui refuse de vieillir ne souhaite qu’une chose : dominer les hommes, notamment son ancien amant pour lequel elle voue une haine féroce. Ce pauvre Valmont, à l’ironie savoureuse mais inutile, son seul rempart contre les attaques de son amante, est manipulé par cette dernière avec une facilité déconcertante. Elle l’amène là où elle sait qu’il signera son arrêt de mort. Nous est alors dévoilé le musée des amours de Merteuil et Valmont, sous la forme de jeux de rôle cruels. Valmont, bête féroce esclave du corps, à l’élégance et au phrasé raffiné, est ici fort justement incarné par Valery Plancke dont la mise en scène a le mérite de montrer dans toute sa nudité vraie la perversité des rapports humains, régis par une volonté farouche de détruire l’autre ; le tout sans voyeurisme. En effet, le metteur en scène évite de tomber dans le piège du porno cheap au sadomasochisme d’Épinal. Sa création, toute en sobriété et subtilité, repose sur un jeu d’acteur où la violence est toute en retenue dans les mots des personnages ; ce qui a pour effet d’être bien plus efficace qu’un déchainement de violence physique gratuite. La scène où il devient Madame de Tourvel – cette dernière lui demandant êtes vous capable de voir une femme sans être un homme ?-, enchainée à ses espoirs illusoires d’un amour pur et d’une rédemption possible du vicomte, est fort juste ; la Merteuil se transformant avec délectation en Valmont pour l’occasion. Au final, le temps passe sans que le spectateur ne s’ennuie de leurs joutes verbales. Ce spectacle mettant le théâtre à l’honneur au travers d’un abyme de jeux de rôles nous poussant à réfléchir sur la responsabilité même du théâtre contemporain est à saluer. DVDM

avignon off 2011

Rmt News Int • 31 juillet 2011


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