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Entre humour et tragédie

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Du matin au soir, du soir au matin, les spectacles ne se ressemblent pas… Certains s’affichent joyeux et bienheureux, d’autres plus troublants et tragiques. Une autre journée aux choix délicats s’annonce… Entre histoires de filiations et transmissions, retour sur un poète magnifique en passant par un road movie pour terminer en beauté par un concert ou un strip-tease… Voila de quoi réveiller nos neurones.

11h du matin, après un petit café avalé à la hâte, direction le petit chien, seconde salle du chien qui fume, aux toilettes malodorants, voila que nous est présenté quatre à 4, mis en scène par Marjorie Nakache. Écrite par Michel Garneau, cette pièce raconte les conversations d’une arrière petite fille avec ses ancêtres décédées, l’une une amoureuse de l’amour naïve, la seconde une alcoolique lucide amante du péché et ses rapports conflictuels avec une mère obsédée de la propreté, ayant épousé le désespoir. Pauvre jeune fille qui se cherche et est envahie par les récits entremêlés de ses aînées envahissantes. L’écoute du texte par moment très – trop- cru, est fort agréable avec des envolées sensibles même si il est difficile de l’imaginer avoir été écrit par une femme, tant l’écriture est masculine. La mise en scène, trop lisse, nous surprend agréablement avec de belles trouvailles – l’arrière grand mère au visage serein perchée sur son arbre, la grand-mère métisse, agitée accrochée à sa balançoire, la mère asticotant sans cesse, toutes derrières un rideau de tulle foncé, des images persistantes et belles nimbées de lumières tamisées. Toutes trois sont fort justes dans leur jeu, à noter l’excellence du jeu de Nicole Dogue, la grand-mère, ébouriffante de vérité. Hélas, la jeune comédienne au jolie minois, face à ces trois femmes dans la fleur de l’âge, ne réussit point à nous convaincre : elle sur-joue, grimace outrancièrement, articule péniblement son texte… Or, elle est tout de même le personnage principal de la pièce… S’agit-il d’une erreur de casting ? Ou d’une direction d’acteur malaisée ? Quoiqu’il en soit, c’est bien dommage.

PESSOA

Que voir alors ? Pourquoi ne pas découvrir le Pessoa… 15H40, théâtre du rempart, ‘le mystère Pessoa ou la mort d’un hétéronyme’ nous plonge dans l’univers mystique, désenchanté et enchanteur de Fernando Pessoa, auteur aux multiples facettes et pseudonymes. Le spectateur assiste aux derniers jours du jeune poète matérialiste, un des doubles de Pessoa, Alberto Caeiro, incarné par le jeune et talentueux Florent Dorin. Le spectacle a été créé à partir de plusieurs textes de Pessoa par Stanislas Grassian. Ce dernier est metteur en scène et comédien dans cette création. Il est Fernando Pessoa, l’amoureux incapable de dire son amour pour la belle Ophélia, l’auteur de génie dont la vie quotidienne est perturbée par l’intrusion volontaire de ses doubles – seuls êtres dignes de converser avec lui. Incompris solitaire, ‘intranquile’ aux écrits bouleversants et remarquables dont la vie s’achèvera tristement. Face à lui, se trouvent Ricardo Reis, le poète sobre, personnage attachant et un brin moqueur, interprété avec bien du talent par Raphael Almosni, et Alvaros deCampos, le poète mystique s’enivrant de vin et de femmes, obsédé aux beaux mots, hétéronyme détesté de la belle Ophélia, incarné avec jouissance par Jacques Courtès, tous deux disciples du fringant et pourtant souffreteux Caeiro, son maitre. Pessoa et ses hétéronymes se livrent à des joutes poétiques sans fin, s’affrontant dans un déluge de vers, se liguant les uns contre les autres, chacun révélant la fêlure de Pessoa, ses craintes, ses peurs, ses joies et émerveillements. Une mise en scène efficace mêlant danse et chant, avec une scénographie minimaliste et modulable judicieuse – une table devenant lit ; un panneau de bois se transformant en salle d’eau…, des lumières au clair obscur, une musique superbe, et des acteurs au jeu très charnel, parfois proche du pantomime en ce qui du personnage de Pessoa devenu le pantin de ses créatures, jouet de leurs perversions poétiques . Un spectacle onirique et beau mené tambour battant. Bravo.

Après cette parenthèse enchantée, direction le théâtre Golovine pour le road movie cabaret, succès off 2010….à 20h20. Et la, quelle déception… C’est l’histoire d’une troupe de saltimbanques sans abris en quête de liberté qui offre à entendre une compilation de tubes musicaux des dernières décennies entrecoupée de morceaux de Brégovic et autres compositeurs aux inspirations tziganes. Bien que les comédiens fassent un effort de jeu, qu’ils investissent sincèrement dans leur road movie aux personnages attachants, leur chant pour la plupart se révèle peu juste, ce qui pour un spectacle de cabaret est fort ennuyeux. Si le parti pris du grotesque et du décalé eut été mieux assumé, le spectacle eut gagné en qualité, surtout qu’il se révèle être plutôt un spectacle de type jeune public. Après cela, pour 22h30, au choix : chêne noir pour Strip-Tease ou la Manufacture pour le Fantasia Orchestra ?

STRIPTEASE PHOTO DE F.IOVINO

Nous vous conseillons de découvrir les deux spectacles, tous deux très différents. Avec humour, une jeune comédienne nous raconte sa tentation de stripteaseuse. Céline Milliat-Baumgartner, mise en scène par Cédric Orain, propose un striptease inattendu et irrévérencieux, tout en pudeur et dans la bonne humeur. La jeune femme entre en scène, imitant les stripteaseuses professionnelles, dans leurs bas résilles, affublées d’un boa noir de jais, une voix caverneuse non dénuée de sensualité. Elle se raconte, en toute simplicité, frémissante se dévoile à nous. Une mise à nue au sens propre comme au figuré, qui se cache derrière une langue crue, sans fard, aux vérités assenées telles des aiguillons doucereux au public attentif. Striptease burlesque, entrecoupé de chansons décalées, pour vaincre la peur de sa nudité qu’elle souhaite pourtant exhiber… jusqu’à la petite mort autour de la barre de pole dance, un numéro qu’elle exécute jusqu’à épuisement, tournoyant de plus en plus vite, ralentissant pour reprendre un peu de souffle avant la chute finale. Au travers de ce spectacle dans lequel toute grossièreté est évacuée, elle nous interroge sur notre nudité, la nudité de notre être, notre être fait de chair et de sang. Osant utiliser une couleur bannie au théâtre, le vert des boites de strip, elle interroge l’acteur, et l’homme ou la femme qui se cache sous ses habits de comédien. Un spectacle de belle facture, servie par une belle comédienne, qui mériterait de gagner en notoriété.

Le fantasia orchestra, quant à lui, nous propose un concert sans pareil : le Mauresk SONG, librement inspiré d’une relecture d’Othello de Shakespeare. Mauresk Song parle d’amour et de haine relatant l’histoire d’Ahmadou, noir et pauvre, et Lisa, riche et blanche qui s’aiment et se marient en secret… sur fond d’orchestre de bal d’inspiration tzigane, aux couleurs vives et enjouées, à mi chemin entre Kusturica et Charlelie Couture. Le leader, costard et borsalino façon mafieux repenti, tout droit sorti de l’époque de la prohibition, a le verbe haut et l’humour au bord des lèvres. Charismatique et généreux, une voix à large tessiture allant de l’aigu au grave profond, il nous régale de ses chansons engagées contre les esclavages et les racismes, à la poésie digne d’un grand. De textes sérieux et militants en fantaisies drolatiques, de l’afro beat en mesures à la gainsbarre, il nous embarque dans son univers baroque, un brin farfelu, assurément décalé avec bonne humeur. L’accordéon, les cuivres et autres trompettes des bals musettes d’un autre temps donnent envie de sauter sur la piste et esquisser un pas de danse. Un concert au cours duquel émotion et bonheur sont au rendez vous, un moment de joie partagée avec des artistes de talent. A découvrir absolument. DVDM

avignon off 2011

Rmt News Int • 26 juillet 2011


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