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The culture beyond borders

« Hééé Mariamou »

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« Hééé Mariamou !» hurle M’ma (Kathy Manyongo) en boubou coloré, mains sur les hanches. Son cri strident résonne dans tout l’appartement.  Mariamou, apparaît enfin : jogging rouge, bouche ouverte en mâchant son chewing-gum, et l’air nonchalant d’une adolescente qu’on dérange en pleine « non » activité. M’ma veut des explications, elle sort de son soutien-gorge un paquet de cigarettes trouvé dans les affaires de sa fille. Mariamou raconte qu’on le lui a donné à l’école «pour qu’on apprenne le cancer et qu’on ne fume pas, t’as vu !». M’ma fouille de nouveau  dans son boubou  et en sort un préservatif «Et ça ? […] Quoi tu apprends le sexe à l’école des Français ? ». 

Mariamou a 15 ans, elle grandit en banlieue parisienne et n’a qu’un rêve : danser ! Elle espère avec ses copines- Sabrina (Sarah Zabout) et La suiveuse (Peggy Deluce)- présenter leurs chorégraphies de danses urbaines à New York. Mais sa mère ne voit pas cela d’un très bon œil et songe à la marier. C’est Maïmouna Coulibaly qui campe le rôle de Mariamou, rôle qu’elle a elle-même écrit et mis en scène puisque l’histoire de cette adolescente de banlieue s’inspire de sa propre vie. Comme son personnage Maïmouna a grandi en cité, entre deux cultures, celle du Mali dont ses parents sont originaires et celle de la France qui l’a vue naître, avec tout ce que cela comporte de difficultés à se positionner et à contourner les traditions et la religion. « Mais j’ai eu la chance d’avoir un père qui a toujours réfléchi avec son cœur c’est ce qui m’a sauvée », précise- MaÏmouna. Lycéenne, c’est dans le théâtre et la danse qu’elle forge son espace de liberté, mettant un point d’honneur à faire tomber les barrières une à une.

La pièce a été créée en 1998 à la demande d’une formatrice de la Prévention judiciaire de la jeunesse, qui voulait montrer aux éducateurs en formation les difficultés auxquelles les enfants d’immigrés sont confrontés en rapport avec leur double culture. En 2005, lors des émeutes dans les banlieues, suite aux propos de Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, qui voulait « nettoyer les cités au Karcher », Maïmouna décide de rejouer la pièce : « parce que j’en avais marre de l’image que l’on donnait des jeunes de banlieue que l’on jugeait sans comprendre, et je me suis aperçue que mon texte n’était pas périmé, bien au contraire… », note-t-elle. Puis après l’avoir jouée en 2009 à San Francisco, Maïmouna décide de faire une pause et se consacre à d’autres projets chorégraphiques comme Shake that Sin présenté l’an dernier en Avignon : « J’ai un peu laissé Mariamou dans les cartons, j’en avais besoin car c’est ma propre histoire et qu’au bout d’un moment c’est assez lourd à porter », précise-t-elle. Et puis à la demande générale elle décide de reprendre la pièce au festival OFF 2013 avec moins de comédiens, puisqu’ils sont cinq sur scène au lieu de onze initialement. Une troupe allégée généreuse, pleine de talent et complice qui fonctionne parfaitement. Gros coup de cœur pour Kathy Manyongo remarquable dans le rôle de la mère et que l’on aimerait voir sur les planches plus souvent. Côté scénographie, le décor est sommaire – une chaise  pour signifier le foyer familial, un banc pour les scènes d’extérieur et une table pour le bureau du proviseur-mais se suffit à lui-même. Au trois quart du spectacle, au moment où Mariamou est envoyée au pays pour se marier, des images d’Afrique sont projetées sur le lointain,  une pause réflexive nécessaire au milieu de la comédie satirique. Afin que le rire ne fasse pas oublier l’importance du propos car même si la pièce a été écrite il y a quinze ans, elle reste pour certains jeunes – et surtout des jeunes filles- toujours d’actualité.

Compagnie les Ambianceuses, avec Maïmouna Coulibaly, Kathy Manyongo, Sarah Zabout, Peggy Deluce et Hervé-Claude lin. Mise en scène et chhorégraphie : Maïmouna Coulibaly. Jusqu’au 31 juillet  à 22h au Théâtre de l’Ange (15-17 rue des teinturiers). Durée 1H20.Tarif : de 8/12/17euros. Réservations : 04 32 40 04 35.

 

Par Samantha Rouchard

Rmt News Int • 25 juillet 2013


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