La Bataille de H. Müller (Avignon Off)
Titre de la pièce : La Bataille
Troupe : Storm (de Corée)
Date : du 5 au 27 juillet 2014 à 20h15
Durée : 55 min
Lieu : Théâtre des amants, 1 place du Grand Paradis Avignon
Spectacle joué en coréen et surtitré en français
Réadaptation coréenne du dramaturge allemand Heiner Müller
A l’occasion de la présentation en Avignon de la pièce de théâtre « La Bataille » du dramaturge allemand Heiner Müller, réinterprétée dans l’esprit coréen sous la forme d’un spectacle total mêlant performance, chant, musique et danse, nous avons rencontré Kiryong Son, le metteur en scène de la production, et Younki Lee, l’un des artistes interprètes principaux de ce drame, chanteur lyrique reconnu en Asie du Sud Est. Tous deux sont originaires de Busan, la seconde ville de Corée du Sud, « un port et une capitale de la culture comme Marseille » pour reprendre les mots de Younki Lee.
La pièce dont le titre original est « Die Schlacht » est traduite par le mot « Massacre » en Coréen, une traduction plus en rapport avec l’horreur et la cruauté de ce qui est décrit dans le texte originel. Le texte raconte en partie l’histoire de deux enfants issus d’une même fratrie mais séparés par la division du pays et qui n’ont hélas jamais pu se connaître. Un des tableaux montre ainsi la mort d’un des personnages principaux assassiné par sa sœur. Cette dernière ne se rend compte de l’horreur de son geste qu’après avoir commis son forfait ! Le metteur en scène s’est ici réapproprié le récit d’une Allemagne scindée en deux par le nazisme en le transposant à l’histoire de la Corée, une Corée divisée en deux, entre le Nord où règne une dictature sans nom et le Sud, plus démocratique mais fort libérale.
Selon lui, le texte de Müller est profondément actuel et les problématiques sociale et politique dont il traite sont en résonance parfaites avec ce que vit la Corée aujourd’hui et ce qu’ont vécu les coréens. « Les pièces de Müller analysent avec justesse les phénomènes sociaux du siècle dernier ». Kiryong Son, fidèle à l’auteur, nous explique que derrière l’opposition apparente entre Nationalisme et Ultracapitalisme, se cache une réalité similaire, le dicktat d’une minorité. « Dans une dictature, un seul homme est au sommet de l’échelle sociale, dans un pays capitaliste, c’est une minorité de gens riches qui dirigent la société ! » Il continue ainsi : « la dictature engendre le capitalisme », ce qui n’est pas sans rappeler la situation de la Chine actuelle où le communisme n’a pas empêcher l’éclosion d’un ultracapitalisme inquiétant. Le but de cette création est ainsi « de dénoncer l’idéologie ultracapitaliste de notre époque qui soumet le(s) peuple(s) ».
Cette pièce traite des thèmes de sacrifices humains du fascisme et des dictatures, de l’esclavage sexuel par l’armée japonaise et de la perversité du régime nord-coréen. Mais elle n’en est pas pour autant « noire » : le metteur en scène a choisi afin d’alléger la douleur des thèmes abordés d’intégrer des éléments comiques, humoristiques et de la danse Milyang, une danse profonde et spirituelle provenant de la région du même nom en Corée et qu’il a pratiqué. Cette danse traditionnelle fait partie de cette culture coréenne qu’il aimerait transmettre et faire découvrir au public occidental.
Nous vous conseillons vivement cette création produite par une jeune compagnie née en janvier 2013 et dont la plupart des membres – une dizaine – sont issus du théâtre, opéra, danse, spectacle de rue, chants traditionnels et composition. Ce projet montré en association avec le Théâtre National de Corée a reçu un accueil des plus favorables par la presse lors de sa création en Corée. Gageons qu’il en soit ainsi en Avignon. Diane Vandermolina
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