CORAUX ET CORSAIRES DE NOTRE MER MÉDITERRANÉE
Du 6 novembre au 17 décembre 2014, à l’occasion du Semestre de Présidence Italienne du Conseil de l’Union Européenne, l’Institut Culturel Italien consacre à la Méditerranée une triple exposition autour des corsaires et des coraux. Roberta Alberotanza, nouvelle directrice du centre culturel italien, est l’instigatrice de ces expositions et il faut avouer que depuis son arrivée à la tête de cette institution, elle a réussi avec brio à impulser une dynamique forte à ce lieu, en proposant de nombreux concerts et projections gratuits. Mais revenons-en aux expositions autour de la Mare Nostra, notre chère mer Méditerranée.
Cette dernière n’est pas seulement la voie d’accès principale à l’immigration en Europe, problématique migratoire évoquée au cours d’une réflexion sur l’après Lampedusa (avec projection de documentaires et exposition de photographies) lors de la rencontre organisée le 3 octobre dernier (thème : journée des migrants et de l’accueil) et qui, hélas, fait couler beaucoup d’encre dans les médias, mais aussi un carrefour de cultures et de peuples témoignant d’un passé fascinant et parfois méconnu comme en atteste l’exposition « Corsaires de notre mer » conçue par Davide Gnola, directeur du Musée Maritime de Cesenatico, exposition qui a, par ailleurs, reçu le prix du concours de la Fédération du Patrimoine Marin. Au travers de documents d’archives, de cartes navales, de reproductions d’ex-voto et de peintures, d’écrits d’esclaves ou de chants et proverbes populaires italiens et siciliens qui sont autant de témoignages architecturaux, historiques et culturels, le spectateur voyage du XVIème au XIXème siècle, découvrant les diverses facettes de la vie des corsaires dont l’emprise prit fin au XIXème. Le spectateur entrevoit ici la richesse et diversité culturelle de cette époque où la femme orientale fascine les peintres mais aussi les compositeurs d’Opéra (« l’italienne à Alger » de ROSSINI), où les pirates protègent les « pêcheurs » de coraux -contre rétribution bien entendu-, apprenons-nous des bouches de Filomena Maria Sardella et Caterina Ascione, toutes deux curateurs de la double exposition sur les coraux dont la pêche en Méditerranée comme dans les Caraïbes remonte au XVème siècle…. A Torre, les « pêcheurs » utilisaient une grosse croix en bois entourée de filets qu’ils jetaient au fond de la mer, puis en remontant la croix, cette dernière arrachait des morceaux de corail qui s’emmêlaient dans les filets. Les « coralline », bateaux des pêcheurs de corail, traversaient la mer et atteignaient Marseille, capitale de la Méditerranée, où les pêcheurs vendaient le produit de leur pêche aux artisans marseillais. Aujourd’hui, le corail s’est raréfié et les méthodes de pêche sont fort différentes, des plongeurs spécialisés, armés de bouteilles d’azote et d’oxygène, recueillant le précieux matériau à de très grandes profondeurs.
Nous découvrons que le travail du corail – où le matériau était utilisé en pendentif ou ornement par la Cour, la bourgeoisie puis les classes populaires-, a été importé de Marseille à Torre Del Greco, seconde grande ville du Royaume de Naples, au début du XIXème, par Paul Barthélémy Martin : ce dernier avait demandé au Roi Ferdinand puis à son successeur, Napoléon et au Roi de Naples, Joachim Murat, époux de Caroline Bonaparte, de créer la première fabrique de coraux à Torre Del Greco, appelée aussi Fabrique Martin ; ce qui fut fait en 1808. Sous son impulsion, à Torre, la technique du travail du corail s’est alors améliorée et affinée : la création artisanale s’est muée en création artistique pour satisfaire aux désirs de bijoux des dames de la Cour entre le XIX ème et XX ème siècle, notamment ceux de Caroline Murat Bonaparte, sœur de Napoléon passionnée par ce matériau. De nombreuses et magnifiques parures (prêtées par le Musée du Corail Ascione) ainsi que des reproductions picturales présentant les procédés de travail du corail imaginés par M. Martin sont exposés derrière les vitrines à l’entrée de l’institut. C’est l’occasion d’en savoir plus sur la tradition de l’artisanat du corail et de sa pêche : en Méditerranée, cette double tradition est originaire de Trapani, ville située au Nord Ouest de la Sicile, en bordure de mer, à environ une heure et demie de Palerme, où se trouvaient les meilleurs artisans de corail : elle fut transmise par les Hébreux migrant de Trapani à Naples aux alentours du XVème siècle. Il s’agissait essentiellement de la production d’objets sacrés comme des chapelets et jusqu’au XIXème, le corail n’était pas considéré comme un matériau de référence pour la création de bijoux.
Le prix du corail selon sa provenance peut varier de 1€ à 60€ le gramme, le plus cher étant le corail de notre mer méditerranée nous apprend Isabella Astengo, créatrice de bijoux mêlant métaux précieux (argent, or ou bronze) et corail, mais surtout pierres coralines (encore plus couteuses que le corail mais bien plus légères à porter). Ces dernières sont ici présentées via l’exposition des créations contemporaines proposées par Loredana Boboli, productrice de documentaires pour la télévision, consacrés à l’art, à la décoration, au monde de la mode et des bijoux, et Isabella Astengo, réalisatrice de documentaires sur l’archéologie et l’art, qui travaillent ce matériau marin dans le respect le plus total de la nature qui l’a produit. Isabella, originaire de Rome et vivant près de la capitale italienne, utilise des pierres coralines blanches importées des Bahamas (il est bon de savoir que l’importation et la pêche du corail font l’objet d’une réglementation très stricte). Ces pierres sculptées sont mises en valeur dans ses bijoux, se mêlant aux métaux fondus dans des moules uniques. Un travail, une passion dirions-nous, qu’elle effectue en parallèle avec son métier de réalisatrice.
Ces expositions –même s’il est à regretter l’absence de traduction en français pour celle sur les corsaires (entièrement présentée en italien)- sont néanmoins à découvrir pour la beauté des objets et reproductions présentés et l’histoire qu’ils nous racontent. Amoureux des camais et autres sautoirs, boucles d’oreilles et bracelets ornés de coraux allant du rouge foncé au rose acidulé, datant de la Renaissance à nos jours en passant par les années 20 ; Amoureux d’aventures, de mystères et de piraterie, n’hésitez pas à faire un saut à l’Institut Culturel Italien, vous en ressortirez agréablement surpris. Qui plus est, c’est gratuit ! Alors pourquoi s’en priver ? A noter dans vos agendas, une soirée dédiée à Puccini à l’occasion des 90 ans de sa mort, soirée intitulée CANTO D’ANIME avec Ombretta Macchi, Soprano et Filippo Bulfamante, Piano, le 9 décembre à 19h (entrée libre sur réservation). DVDM
Découvrez ici en images la triple exposition du centre culturel italien:
Pour plus d’informations : Institut Culturel Italien 6, rue Fernand Pauriol – 13005 Marseille Tél: 04 91921286
Les expos seront ouvertes jusqu’au 17 décembre 2014; horaires: lundi – jeudi 9.30 – 12.30 et 14.30 – 17.30, vendredi 9.30 – 12.30. Entrée Libre
Site internet : www.iicmarsiglia.esteri.it/
Pour en savoir plus sur la maison Astendo de Lama: seacret collection, www.astengodelama.com
Photo d’une corallina, coll. Bruno Veronese
Comments
Comments are closed.