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The culture beyond borders

SCHIZOPHRENIA TAIWAN 2.0

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Dans le cadre de la 27ème édition des Instants Vidéo dont c’est la dixième année à Marseille*, un festival international (non militant) de rencontres autour de la vidéo, cofondé en 1988 à Manosque par Marc Mercier, anciennement artiste de théâtre inspiré de l’école du théâtre pauvre de Grotowski, la Friche Belle de Mai accueille du 7 au 30 novembre 2014 l’exposition Schizophrenia Taiwan 2.0 au sein de la Tour Panorama.

Cette exposition est en Entrée libre comme le fut et le sera toujours le festival, son directeur artistique réitérant son souhait d’un accès libre à la culture et à l’éducation pour tous : «  il n’est pas besoin de rajouter un mur (celui de l’argent) à un mur déjà existant (celui de l’accessibilité de la culture) ** ! » explique celui qui peut être un jour appellera « au boycott des expositions payantes ». En tournée en Europe, cette exposition, conçue par Pierre Bongiovanni, I-Wei Li, Chien-Hung Huang, Ching-Wen Chang, en partenariat avec le gouvernement taiwanais, propose une réflexion sur les schizophrénies contemporaines dans les sociétés occidentales à travers le regard de 14 artistes taïwanais : les vidéos présentées balayent les thématiques de la crise économique, la corruption de la démocratie, le vide politique, les mutations technologiques, le destin des êtres dans un monde mondialisé, les désastres humanitaires de l’immigration, la fascination du virtuel, le désarroi de la jeunesse, le terrorisme. A cet effet, le choix des commissaires s’est porté sur des vidéos aux formes et formats singuliers (certains déroulant le fil d’un récit linéaire, d’autres incluant des collages, des effets spéciaux, voire s’intégrant dans des installations…) de vidéastes venant d’horizons très divers.

Go to Africa

Go to Africa

« Goodbye, Little Factory » de I-Chun CHEN présente la seconde vie des machines industrielles dans les pays pauvres. « Go to Africa » de Yen-Yin Huang traite du délitement des continents et du monde. « The Nuclear Power Plant and the Dog » de Chi-Yu Wu dépeint un monde apocalyptique totalement déserté par les hommes. « Shivering Wall » de Yu-Chin Tseng filme la torpeur des jeunes subissant les effets de la drogue, à l’instar de Taïwan qui a subi les effets de plusieurs colonisations. « The Unconscious Voyage » de Wan-Jen Chen offre à découvrir la vision d’un monde où la vacuité est la norme. « Project David III: David’s Paradise » de Jun-Jieh Wang, au travers d’une installation vidéo HD, propose un voyage entre le passé et l’avenir, la vie et la mort. « Plastic Man » de Yu-Hsien Su relate la vie d’oncle MAO, victime de la mondialisation, dans une décharge de plastiques. « Battle City » de Li-Ren Chang raconte une relation amoureuse mort née, symbole d’une réconciliation jugée impossible entre Taïwan et la Chine. « Good-to-be-home-luggage » de Yen-Yu Lin file la métaphore du temps qui s’écoule lentement au cœur de notre habitat quotidien. « The Adventures in Mountain Yu No.5 — From Michel Foucault to Our Glorious Future » de Pei-Shih Tu expose l’histoire de son pays en usant de collages divers. « The World of Fatigue-The Endless Column |The World of Fatigue-Chiang Kai-Shek & Mao Ze-Dong » de Chao-Tsai Chiu donne à voir des sculptures qui s’affaissent, signe de l’effondrement des idoles et d’une époque. « Dear President » de Yi-Ya Chen (qui a demandé à tous les présidents du monde une reconnaissance officieuse de son pays via une photo dédicacée ou une lettre) en retrace l’amer résultat.  « Daily » de Liang Xuan Chen décrit des scènes de lutte des gens ordinaires contre les pouvoirs en place.  « Floating » de YUAN Goang-Ming fait dériver une barque abandonnée de tous, comme l’a été Taïwan lors de la perte de son siège à l’ONU.

Ces thématiques qui touchent chacun de nous sont ici traitées en regard avec l’histoire fascinante de l’île de Formose à la position géopolitique stratégique, qui fut et est encore l’objet de nombreuses convoitises (lire notre petite histoire de l’île de Formose ci-dessous), en écho à sa propre schizophrénie prise entre tradition et modernité. Découvrez en un extrait sur le site http://www.schizotaiwan.net/ ! DVDM

*Cette année, le festival s’est déroulé du 7 au 11 novembre et la thématique était orientée autour du corps et des désirs, ainsi bien nommée  « pour une libre circulation des corps et des désirs » afin de franchir ces frontières visibles et invisibles de toutes natures qui peuplent notre monde.

**D’où le partenariat avec l’ADPEI, structure d’insertion économique et sociale accompagnant des publics en difficulté, qu’il s’agisse d’étrangers ou de bénéficiaires des minima sociaux, qui organise des ateliers d’éducation populaire pour une culture accessible à tous (les ateliers palabra) et propose sa salle multimédia à ses bénéficiaires en y organisant des formations.

Featured image: Shivering Wall

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 PETITE HISTOIRE DE TAIWAN

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Taïwan, ou l’histoire d’une île ayant connu une succession d’invasions

L’île a connu un destin si particulier que les taïwanais eux-mêmes peinent à retrouver leurs racines tant leur identité est complexe. L’île était occupée essentiellement par les aborigènes jusqu’au XVème siècle : elle compte encore aujourd’hui de nombreuses tributs (un peu moins d’une vingtaine dont les langues sont encore parlées) mais sa population est désormais composée de 2% d’aborigènes pour 98% de chinois Han, dont une grande partie des ancêtres sont issus de la province de Fujian, à l’Est de la Chine continentale.

Lorsqu’elle fut découverte, l’île fut surnommée par les marins portugais Formosa pour sa beauté, puis les Hollandais l’occupèrent fin XVIème/début XVIIème : l’île prit alors le nom de Taïwan. Les hollandais encouragèrent alors la migration des chinois, essentiellement venus du sud-est de la Chine Continentale, pour la culture de la terre mais furent chassés par les Zheng, fidèles à la dynastie chinoise Ming. Zheng luttait contre la dynastie Qing, soutenue par les mandchous : ces derniers lui ravirent l’île en 1683 avant de la céder aux Japonais en 1895, suite à la guerre sino-japonaise. Après 50 ans d’occupation pendant lesquelles Taïwan connut quelques belles avancées (industrialisation, réforme agraire, patrimoine…), les japonais abandonnèrent l’île à l’issue de leur défaite en 1945. Elle fut rétrocédée à la Chine. En 1949, les troupes du Kuomintang et Tchang Kaï-chek, mis en déroute par les troupes communistes en Chine continentale, s’installèrent sur l’île. La venue du Kuomintang et la gouvernance de Taïwan par la République de Chine provoquèrent des émeutes et révoltes de la part du peuple taïwanais : c’est alors que fut instaurée la loi martiale. La dictature de Tchang Kai Chek prît réellement fin en 1996 lorsque fut organisée par Lee Teng-hui, successeur du fils de Tchang Kai Chek, la première élection présidentielle au suffrage universel direct. Le président actuel, Ma Ying Jeou, tente, depuis sa première élection en 2008, de précipiter le rapprochement de l’île avec la Chine, au grand damne des taïwanais. La signature le 29 juin 2010 de l’accord-cadre de coopération économique avec la Chine (ECFA) prévoyait la négociation de plusieurs accords économiques entre les deux pays et la grogne a commencé à envahir l’île : cet accord est considéré comme une cession de Taiwan à la Chine. La révolte spontanée des Taïwanais (notamment des jeunes et des étudiants rejoints par des milliers de personnes) contre le gouvernement de Ma appelée « la révolution des tournesols » (le tournesol est un symbole pacifiste utilisé par les militants antinucléaires taiwanais) s’est intensifiée au printemps 2014, suite au projet de signature d’un accord commercial sur les services en mars. Car cet accord de libre-échange a de fortes chances de porter encore plus atteinte à l’économie taiwanaise (de nombreuses entreprises ont déjà quitté l’île pour s’installer en Chine, fragilisant ainsi l‘économie du pays) et il est fort à craindre qu’il rende Taïwan vulnérable aux pressions politiques de Pékin dont l’objectif est clairement d’annexer Taïwan à la Chine, en lui ôtant toute souveraineté par quelque moyen que cela soit.

Il est aujourd’hui avéré que les taïwanais, ayant vécu une succession de vagues d’invasions par le passé, en manifestant si massivement leur désapprobation au gouvernement taïwanais actuel veulent aujourd’hui rester libres et indépendants face au dragon chinois. Ils tiennent à leur identité aussi complexe soit-elle et leur production artistique porte très haut les couleurs de cette mobilisation. DVDM

Rmt News Int • 13 novembre 2014


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