Tu Mendieras Tant !, bientôt la 100ème …..
Comme souvent au théâtre, l’excellence peut survenir des endroits les plus inattendus. Ainsi, c’est avec une réelle stupéfaction que j’ai découvert la pièce «Tu Mendieras Tant ! », présentée par la troupe du Brigadier dans le cadre intimiste et follement original de la scène du café-théâtre Le Flibustier, à Aix-en-Provence, au printemps 2013. Ecrite et mise en scène par Hervé Fassy (qui tient le premier rôle), cette comédie entrelace harmonieusement un humour décapant et parfois trivial à l’émotion sincère et l’érudition la plus complète. Un véritable mélange des genres !
La situation est des plus simples et pourtant déjà tellement savoureuse : le mendiant Clovis Richard (interprété par Hervé Fassy) est un ancien grand acteur de théâtre tombé dans la déchéance et l’oubli suite à une déception amoureuse. Depuis, il traîne sa peine et ses bouteilles dans le square où il a péniblement élu domicile (le square Molière évidemment !), jusqu’à ce que quelqu’un vienne buter contre son banc et bousculer son quotidien. Cette personne, c’est Prudence (jouée par Laurence Preve), une jeune provinciale un peu naïve et idéaliste récemment montée à Paris pour trouver un emploi et aider les plus démunis. Par sa fraicheur et sa joie de vivre naturelle, mais aussi par son caractère ingénu, elle va provoquer le pauvre clochard et finalement réveiller l’acteur qui dort en lui. Chacun se nourrit de l’autre et en sort grandit. C’est la rencontre fortuite de ces deux êtres que tout oppose, entre un homme brisé et effroyablement cynique et une jeune femme irrésistiblement optimiste, qui donne naissance à cette pièce magique.
L’organisation de l’espace scénique, minimaliste, permet au spectateur de se recentrer pleinement sur les personnages, et de rester attentif à leurs moindres mouvements. On se trouve littéralement devant le square Molière, juste de l’autre côté de la rue. Toute l’histoire se déroule d’ailleurs sur cette place, entre un banc et un pan de mur, sous le regard presque tendre de Jean-Baptiste Poquelin. De subtils effets d’éclairage et de bruits sonores viennent compléter cette fresque sociale. Ainsi, la nuit est rouge sombre, comme le désespoir de cet homme noyant son chagrin dans le vin, tandis que le jour s’éclaire brusquement et gagne en éclat lorsque survient Prudence. Le jeu des acteurs est empreint d’un naturel bluffant : Clovis soupire, grimace, ricane, pleure et manque d’uriner sur les spectateurs ! La gouaille et le caractère de Gainsbourg et Belmondo réunis ! Prudence, véritable détonateur de l’histoire, ne manque jamais une occasion de titiller son comparse. Elle se fâche, cajole, pouffe et raconte sa vie avec une telle fraîcheur qu’il serait incongru de ne pas la croire sur parole. Les bons mots et les citations littéraires Cyrano bien sûr !) côtoient l’argot et les onomatopées. Le public, souvent interpellé et pris à témoin par le comédien, est lui-même acteur de l’évènement. A juste titre, celui-ci fait lui aussi parti de l’histoire.
Plusieurs représentions de cette création ont déjà été données à Marseille, notamment au Théâtre de Tatie (printemps 2014) avant le marathon du Festival d’Avignon Off, rencontrant à chaque fois le même succès. Mais il lui appartient maintenant de prendre son envol. D’autres dates sont prévues tout prochainement dans la région, à St Tropez pour la centième, avant de peut-être pouvoir la monter à Paris. Souhaitons-leur le même triomphe. Cette comédie intelligente et un brin romantique est une parenthèse merveilleusement rafraîchissante dans une actualité parfois trop triste.
Q.R.
En tournée : Du 7 au 9 novembre 2014 au Divadlo Théâtre à Marseille puis en 2015 : Le dimanche 15 février à St Tropez (83); Du mardi 24 mars (Festival Le Printemps du Rire) au Vendredi 27 mars au Festival Le Printemps du Rire à Toulouse (31) ; Le vendredi 03 avril à l’Atelier des Arts à Marseille (9ème)
Plus d’infos sur les représentations au Divadlo Théâtre
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.