The Cabaret New Burlesque, création 2013
Conception : Kitty Hartl/Collaboration à la mise en scène : Pierrick Sorin
Avec Mimi le Meaux, Dirty Martini, Julie Atlas Muz, Catherine D’Lish, Roky Roulette, Ulysse Klotz et en maitresse de cérémonie Kitten on the Keys.
Spectacle en tournée en Février 2015
Du 3 au 7 – Théâtre du Gymnase, Marseille (13), France puis le 9 – Ergue Gaberic (29), France et enfin les 13 & 14 – Copenhagen, Danemark
Durée : 1h30Réservations pour le théâtre du Gymnase : lestheatres.net
Un cabaret « hors norme » et inclassable
Cette nouvelle création du Cabaret New Burlesque est actuellement présentée au théâtre du Gymnase pour une série de 5 représentations jusqu’au samedi 7 février 2015. Elle intègre les technologies de vidéo en live avec bonheur, offrant un spectacle multipliant les clins d’œil et hommages au cabaret des années 20/30, tout en renouvelant le genre de l’effeuillage avec des numéros originaux, basés sur la culture des « comics » et le goût pour l’« extravagance » (le hors norme) dont sont friands les américains. En correspondance avec l’actualité américaine récente, ce cabaret new burlesque propose ici un show poétique, drôle, sensuel et décalé.
Une nouvelle création plus aboutie du point de vue « théâtral »
Cette création où l’effort de mise en scène des numéros est notable confère une plus grande théâtralité au spectacle ; qu’il s’agisse de l’interprétation plus théâtrale des artistes – le numéro de Dirty Martini avec le cygne en plumes est fort réussi tant elle donne vie à ce cygne pervers aux coups de bec indécents en le manipulant avec une dextérité certaine- mais aussi de la conception artistique du spectacle- la projection de petits décors en carton peints, placés sur une table, filmés en live ou la rétroprojection en live d’élément s, aux effets visuels originaux, sur un écran en fond de scène, au cœur duquel est incrusté la vidéo filmée en live du numéro des artistes s’effeuillant sur scène (principe d’incrustation directe de l’artiste dans la vidéo projetée) donne un aspect plus dramatique au numéro présenté : chaque numéro se déploie à la fois sur scène (avec manipulation à vue par les techniciens des décors) et sur grand écran où les tons sépia de la vidéo rappellent les films muets des années 20/30. Cet aspect technique est fort bien maitrisé et sa conception, ainsi que mise en œuvre par Pierrick Sorin, grandement ingénieuse. Ce dispositif renforce la scénarisation des numéros qui gagnent en onirisme et en puissance évocatrice, le talent des artistes et leur qualité de jeu en étant sublimés.
Des innovations techniques au service de l’esprit cabaret mené tambour battant par Kitty on the Keys
Cette modernité induite par le recours aux nouvelles technologies enrichit certes la création. Néanmoins, cette dernière reste fidèle à la tradition et à l’esprit cabaret avec son enchainement de numéros et ses intermèdes musicaux et chantés où la maitresse de cérémonie fait son show. Ici, Kitty on the Keys, au « franglais » hilarant et à la gouaille intarissable (notamment lorsque celle qui avoue boire comme un trou et adorer le pastis raconte ses virées sur le Vieux Port où on la traite de « marie-couche-toi-là »), nous régale de ses chansons qu’elle interprète à la voix et au piano avec beaucoup de talent. Ses costumes kitch et improbables nous plongent d’avance dans l’univers du numéro à venir, Kitty devient tantôt glamour avec sa robe longue annonçant le numéro de Mimi le Meaux, pin’up sortie des années 50 plus classique dans ses effeuillages, un numéro créé en hommage à Marylin Monroe ; tantôt amusante avec ses caches tétons en forme de tête de biche lors de l’annonce du numéro de Roky Roulette exécutant un rodéo-striptease sur la banquise (en clin d’œil à la lutte de Brigitte Bardot pour la survie des bébés phoques). Une vidéo où elle apparait en professeur de biologie obsédée ou en présentatrice de journal télévisuel (en référence à Claire Chazal) émaille ses interventions, démontrant l’étendue de ses qualités de jeu.
De numéros extravagants, drôles, poétiques, décalés créés par de talentueux artistes
En effet, question décalage, citons le numéro de Roky Roulette où il effeuille son armure de chevalier devant un château en proie des flammes ; voire celui parodique de la très fellinienne Dirty Martini en Batman. Entre les « bam » et les « boum », projetés sur grand écran et les jeux de lumières rappelant la noirceur de Gotham City, sur fond d’un pastiche musical des musiques accompagnant les films de super héros, Dirty Martini fait preuve d’un talent de danseuse impressionnant et d’un comique savoureux, nous faisant rire aux éclats. Une mention spéciale pour les numéros de Catherine D’Lish ; notamment celui dans lequel elle chante une chanson d’amour à un spectateur pris au hasard dans le public (magnifique interprétation) ; et celui où elle prend un bain dans un verre de champagne géant (un symbole de l’accession à l’American Dream). Ces deux numéros servent à merveille toute la sensualité que la doyenne des artistes du show dégage. Puis, entre poésie et provocation, Julie Atlas Muz enchante le public : sa danse en hommage à une artiste de cabaret des Folies Bergères est majestueuse. L’image de tous ces voiles tournoyant autour d’elle est visuellement très poétique. A contrario, dans un registre plus trash, son numéro où elle incarne un policier peut in fine déranger les âmes sensibles. Sur une chanson de rap dénonçant les assassins de flic, elle révèle l’image du policier ripoux, mangeur de donuts et amateur de drogues. Il est vrai que le moment où elle sort de son entrejambe le sachet censé contenir de la drogue peut sembler plus choquant dans une salle de théâtre qu’au cinéma.
Au final, cette création est fort réussie : le talent des stripteaseuses aux formes atypiques est indéniable. Le rythme entrainant du spectacle au cours duquel on ne s’ennuie pas et l’énergie joyeuse, communicative, de sa meneuse de revue, ont ravi le public venu en nombre au Gymnase. La légèreté de ce show détournant et moquant les codes de la culture américaine, néanmoins très américain dans l’âme avec sa création lumière rappelant les shows des magiciens à Las Vegas ou les concerts gigantesques des stars de la Variet’ internationale, est fort bienvenue en ces temps de crise et de peur qui règnent en maître dans notre territoire depuis ce fatal 7 janvier 2015. Un show, un vrai, sans vulgarité aucune, et une création rondement bien menée, alliant humour et beauté, à découvrir pour le plaisir des sens. DVDM
(c) photo Julien Weber
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