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Trio Sudaméris

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Son concert impromptu du 6 février, en remplacement de Clémentine Coppolani, malade, donne l’occasion de reparler aujourd’hui du Trio Sudaméris de Marseille et de rappeler la sortie de son quatrième album, FRENCH TOUCH’S , c’est-à-dire, ‘la touche française’, au double sens bien sûr, de ’la manière française’, mais aussi les touches de piano français, représenté ici brillamment par Robert Rossignol au piano, avec ses complices et compères Jean-Christophe Gautier à la contrebasse avec le cœur battant  des percussions de Farid Boukhalfa.

 

Dans leurs autres enregistrements, Sudameris Quartet, trio élargi, et Sudameris live, on avait goûté  leurs savoureuses et inventives transcriptions pour trio jazz de grands thèmes de musique dite classique, de l’époque baroque  à la musique du XXe siècle. Ainsi, Le Carnaval de Schumann, le 2e concerto de Rachmaninov, le concerto d’Aranjuez  de Joaquín Rodrigo, mais aussi des morceaux de Chopin, Bach, Bizet, Debussy, pourtant si connus, retrouvaient sous leurs doigts divers une vie inconnue, nouvelle, palpitante et pourtant toujours reconnaissable et délectable… Ce mélange, ce cocktail de classique et de jazz, ces thèmes servent de trame à des arrangements originaux, des fusions avec des standards célèbres et des improvisations baignées de rythmes du pourtour méditerranéen : c’est devenu littéralement la « touche », la manière, l’identité, du Trio Sudaméris.

Le Trio nous revient donc avec son dernier opus French Touch’s, enregistré en public les 8 et 7 juillet à Marseille, dans la vivacité du spectacle vivant, qu’on préférera à « live » puisqu’il s’agit de musique française, enfin presque. De  Rameau à Ravel, du XVIIIe siècle baroque  au XXe, ce CD embrasse un bel éventail de musiciens français, de Marc-Antoine Charpentier (son fameux Te deum), Couperin et Rameau du Siècle des lumières, à Offenbach, Saint-Saëns, Fauré, Ravel, Satie, Poulenc, mais aussi Gainsbourg avec des incartades et incursions européennes chez  Richard Wagner, Jean Sibélius (le presque), mais touchés de cette touche française.

Mais ne croyons pas, que, ce panel d’illustres musiciens nommé, ces facétieux interprètes fantasques nous disent qui est qui et qui est où au fil des morceaux. Ils nous invitent à un jeu de piste où le mélomane averti se plaît à démêler, sous des improvisations, des paysages musicaux parfois lointains, la soudain terre et terrain connus du thème traité, à l’identifier. Ainsi, on peut apprécier comment, des vagues préalables du jazz surgit le motif bien connu du bercement de la barcarolle des Contes d’Hoffmann d’Offenbach (plage 1).

Robert Rossignol

Mais quelques mots d’abord sur le fondateur, en 1990, du Trio Sudaméris, Robert Rossignol. Un sympathique oiseau, ce Robert Rossignol, nom prédestiné pour la musique. On le voit d’abord plus qu’on ne l’entend, au milieu d’une nichée, d’une volée de piano, ces drôles d’oiseaux à l’aile fermée avant qu’elle ne s’ouvre et se déploie pour s’envoler avec la musique.

Robert Rossignol est chez lui dans les pianos et les pianos sont chez lui, dans son nid, sa demeure première, son atelier. Car notre homme-oiseau est facteur de pianos depuis 1979, c’est-à-dire qu’il les fabrique, les répare, qu’il les vend. Il se trouve désormais à la tête d’une escadrille impressionnante de pianos, d’un des ateliers les plus  cotés et réputés de la région Provence—Alpes —Côte d’Azur. Accordeur reconnu, très demandé, c’est par ses réglages de pianos de concert qu’il se fait d’abord un nom sur toutes les scènes du Sud de la France. Et vous l’avez peut-être vu, avant un concert ou pendant l’entracte, dialoguer avec les sons, les écouter, les tester, les diagnostiquer, les caresser ensuite, c’est-à-dire, accorder un piano aux cordes malmenées par les variations de température du plein air souvent et prodiguer ses soins, touche par touche, note par note, d’une oreille absolue, pour faire entrer l’instrument malade ou blessé, la note indocile dans le juste diapason.

Baignant dans l’univers du clavier pianistique, Robert Rossignol rejoint en 1995 l’Ecole des Jeunes Solistes pour y travailler le répertoire classique fondamental avec  Helena Cesaro.

C’est avec ravissement qu’on l’écoute, avec les scansions percussives de Farid Boukhalfa et les grandes ondes pincées de la contrebasse de Jean-Christophe Gautier, se lancer dans la reconnaissable « Danse des sauvages » ou du « calumet de la paix » des Indes Galantes de Rameau, dans ce morceau rebaptisé plaisamment le « Rondeau du dindon », car notre pianiste Rossignol n’a sans doute pas oublié le célèbre morceau pour clavier, clavecin de Rameau, « La poule », mais dans ces Indes-là, le dindon est la poule indigène (plage 3).

Avec tout son bagage classique, Robert Rossignol se passionne pour le jazz, et, dans cet univers musical, côtoie tous les grands pianistes tels Keith Jarrett, Herbie Hancock, Chick Corea, Michel Petrucciani, Ahmad Jamal, Martial Solal et bien d’autres qu’on a eu la chance d’entendre aussi ici, notamment au Festival International de piano de la Roque d’Anthéron où se produira aussi notre trio plus tard. Écoutant et fréquentant ces pianistes et son professeur Roger Menillo, il travaille et cultive son propre style, très lyrique et harmonique, influencé par la musique de Fauré, d’une stricte obédience classique et romantique, toujours tonale, et celle de Debussy qui ouvre des horizons plus larges, des terres inconnues, orientales parfois, mais Rossignol ne dédaigne pas la musique modale d’avant la tonalité et la musique au rythme syncopé du jazz, notamment celle de John Coltrane qu’il affectionne. On appréciera, ici, rebaptisée « Sicile blues », la Sicilienne du Pelléas et Mélisande, non de Debussy, mais de la suite orchestrale de Fauré (plage 5).

Ce sont-là de véritables recréations car Robert Rossignol est aussi un vrai compositeur. Nous quittons cette FRENCH TOUCH’S du Trio Sudaméris avec cette Berceuse (plage 11), véritable kaléidoscope musical, feu d’artifice mêlant joyeusement tous les musiciens cités et d’autres.

Benito Pelegrín

 

Rmt News Int • 19 février 2015


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