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JOUVENCE: Le Chanteur de Mexico à l’Odéon

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opérette en 2 actes et 20 tableaux

musique de Francis Lopez,

livret de Félix Gandéra et Raymond Vincy, paroles de Raymond Vincy et Henri Wernert créée au théâtre du Châtelet,1951

Théâtre de l’Odéon

22 février 2015-02-26

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Patrimoine culturel populaire

         Avec ses soixante-quatre ans d’âge, cette opérette n’a pas pris une ride, même si son public en a pris plus d’une, à juger par celui qui occupait la vaste salle de l’Odéon, comble. Mais le comble, c’est l’air de jeunesse qu’insufflaient ces airs à ce vibrant auditoire rajeuni par le souvenir. En termes philosophiques, on pourrait, pour tel spectateur, savant mais simple, et critique non blasé, parler d’anamnèse, ce phénomène défini par Platon de découverte (ou redécouverte) au fond de soi de quelque chose qu’on croyait enfoui, oublié, ou inconnu car, à écouter cet inépuisable collier de chansons, de perles (préférons ce terme au mot « tubes » mal sonnant pour l’émission sonore), avec surprise et émotion, je découvrais, que je connaissais non seulement ces musiques mais pratiquement toutes leurs paroles, et pas seulement le célébrissime « Mexico, Mexiiiiico… », auquel personne en France n’a échappé, même si ce genre de rengaines n’était pas beaucoup de mon répertoire. Alors, sans trop extrapoler d’un cas particulier au général, mais tout de même accrédité par ce nombreux public enthousiaste, il n’est peut-être pas abusif de conclure que cet ouvrage, ses jolies chansons qui restent dans l’oreille dès la première fois et qu’on garde pour toujours même entendues par mégarde, par imprégnation sonore extérieure, et que tant de gens se précipitent pour réentendre, font partie d’un patrimoine culturel populaire très puissant qu’on aurait tort de mépriser et qu’on a raison d’exhumer, car il est loin d’être mort. Il est vrai que le charisme de Luis Mariano y est grandement pour quelque chose, la culture a aussi ses cultes. Mais si, finalement, on s’y retrouve, c’est que la mémoire (le cœur ) a ses raisons que la raison ne connaît pas. Et c’est tant mieux.

Réalisation et interprétation

         Pour vanter la vertu tonique de ce tequila musical (le terme est masculin en espagnol), je ne vais pas me répéter en disant que cela devrait être remboursé par la Sécu, formule que j’avais employée pour la mise en scène du Médecin malgré lui de Molière par Andonis Vouyoucas il y a des années, qui a longtemps figuré même dans les affiches du Festival d’Avignon, que j’ai reprise pour le Barbe-Bleue d’Offenbach, et qui refleurit maintenant un peu partout, répercutée aussi par les réseaux dit sociaux.

         Citer tous les intervenants pour le livret, le texte, est plus long que d’en dire du bien : ils on dû conjuguer bien des efforts pour un résultat bien faible. Une fable sirupeuse et, dans cette version, une vague intrigue politique sur fond de Révolution mexicaine où l’on a la surprise comique de voir Zapata en chef aztèque au pied de la grande pyramide. Mais les paroles des chansons ont la naïveté et la malice de leur facilité qui colle à l’oreille, d’autant que les musiques qui les portent, transportent de plaisir. En effet, Francis(co) López, pour l’appeler par son nom, a une véritable veine et verve mélodique : aux musiques d’ambiance et danses hispaniques, fandango, jota, zapateado, boléro (Acapulco) et le fameux « Mexico, Mexiiiico » avec fausset de mariachi, il sait mêler d’autres moins typées mais tout aussi efficacement mémorisables (et finalement, mémorables) telles les chansons « Quand on est deux amis… » et, notamment, l’intemporel « Rossignol, rossignol de mes amours… »

         L’orchestration ne pèche pas par excès de présence, mais les dix-huit musiciens de l’Orchestre du théâtre de l’Odéon, sous la direction attentive de Bruno Conti, jouent plaisamment le jeu de la fonction d’accompagnement tandis que le Chœur phocéen de seize chanteurs, dans la mise en scène trépidante de Jack Servais, entrent vraiment dans le jeu et la danse, allègrement réglée par la chorégraphe Estelle Lelièvre-Dansvers, ne cédant le pas qu’au sympathique ballet de sept danseurs, très judicieusement déployé. Quant aux décors, dans la tradition naïve mais prenante et gentiment surprenante du genre, toiles et cartons généreusement peints (Laurent Martinel), dont ce magnifique et hyperbolique sombrero mexicain du dernier tableau, ils servent de cadre à une débauche ahurissante de costumes, certains comiques, mais tous très beaux, très harmonieux dans leurs couleurs, d’un luxe inouï (Maison Grout).

         Dans ce cadre, cet écrin fantasque, fantastique à force d’excès, les protagonistes, survoltés, s’en donnent à cœur joie des figures de passage (Jean Goltier, Jean-Pascal Mouthier) à ce Grand sorcier inénarrable d’Antoine Bonelli, par ailleurs bonasse Bidache. Mikhaël Piccone n’a qu’à paraître, sans même chanter, et nous avons une irrésistible silhouette à la dégaine comique en Miguelito agent double et trouble. Presque à la fin, en prêtre aztèque tout général Zapata qu’il soit, Jean-Marie Delpas, est, par le tonnerre de sa voix, digne de Huascar, l’Inca des Indes galantes de Rameau. Véritable tornade, la Tornada de Simone Burles campe, à faire décamper les mâles, une chef guérillera vautour et vorace amoureuse. Le Bilou, pauvre filou de Claude Deschamps, remarquable chanteur et acteur, en fera les frais à son corps non défendant. Liens entre la France de départ et le Mexique d’arrivée, l’impresario Cartoni de Dominique Desmons, est de la race de ce qu’on appelait « fantaisiste », en fait ductile chanteur et acteur qui sait tout faire, et il le prouve bien jusqu’à pousser un brin de Tosca. Sans grand effort, Kathia Blas, est une vraisemblable divette d’opérette, avec une jolie valse d’entrée qui est un sacré programme de séduction digne de certaines héroïnes légères d’opéra. Voix menue pour cette vaste salle à l’ingrate acoustique, mais joli timbre et joli jeu, Caroline Géa est une adorable Cricri.

         Quant au Chanteur de Mexico, physique de latin lover, plus hispanique que nature, œil sombre de feu sous sourcil et crin noir avec un sourire éclatant de blancheur, séducteur et prédateur, c’est le ténor Marc Larcher. Il ne s’abaisse pas à singer Mariano mais s’élève au contraire par le naturel de cette voix tour à tour de velours dans le médium tellement sollicité par les chansons, éclairs dans l’aigu échappant aux limites de la tessiture du genre. Acteur convaincant, dansant, il est en scène chez lui et déchaîne l’enthousiasme en s’amusant aux tenues de souffle du falsete mexicain qu’il ne se lasse pas de répéter en bis alors même qu’il a enchaîné générale, première et seconde représentation sans un jour de repos pour un rôle qui porte toute la pièce sur ses épaules, sa voix. Un grand, grand bravo.

         Bref, sans sombrer dans le gâtisme, sans retomber en enfance, on retrouve un bonheur d’enfant à voir et entendre, malgré l’enfantillage du livret, ces grands enfants que sont les artistes, même au milieu d’un public qui ne l’est plus guère mais retrouve ici un regain de jeunesse. Que nous partageons avec eux. Benito Pelegrin

Le Chanteur de Mexico

Musique de Francis LOPEZ

Direction Musicale : Bruno CONTI.

Mise en scène : Jack GERVAIS. Chorégraphie : Estelle LELIEVRE-DANVERS. Décors : Laurent Martinel. Costumes : Maison Grout.

Distribution

Caroline GÉA, Kathia BLAS, Simone BURLES, Marc LARCHER, Claude DESCHAMPS, Dominique DESMONS, Jean-Marie DELPAS, Mikhael PICCONE, Antoine BONELLI, Jean GOLTIER, Jean-Pascal MOUTHIER.

Photos (© Production) :

1 et 2  Pays basque : « Quand on est deux amis » ; « Maïtechu »;

3 et 4 Paris : Moulin de la Galette ; Montmartre ;

4, 5 et 6 Mexique : danses (Acapulco) ; danseur de Mexico et pyramide aztèque ;

7 et 8 : tableaux de fin.

Rmt News Int • 1 mars 2015


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