LES DEMOISELLES D’AVIGNON de JAIME SALOM
Vu à la LUNA (Avignon OFF 2015)
LES DEMOISELLES D’AVIGNON de JAIME SALOM
Par la compagnie les planches à sel mise en scène Marnie Duarte
Avec : Romain Lacroix, Marnie Duarte, Lison Boulain, Sophie Chasselat, Maëwen Doherty, Tanaïs Pilon, Léonie Jégoux et Nathalie Foucault.
« Les demoiselles d’Avignon » de Picasso n’étaient pas d’Avignon et pourtant, cette année, le théâtre de La Luna accueillait six jolies pensionnaires d’une maison close et un jeune peintre du nom de Pablo Picasso….Quand nous rentrons dans la salle à cette heure tardive du soir où nous apprécions enfin un peu de fraîcheur et de calme, nous sommes accueillis par Madame Hortense : nous nous retrouvons à Barcelone en 1900, rue d’Avignon.
Le premier à prendre la parole, c’est lui, Pablo Picasso (Romain Lacroix) : il est le personnage clé de la pièce de Jaime Salom. Toute la pièce tourne autour de lui, de son œuvre qui révolutionnera la peinture quelques années plus tard. Dans sa composition, Romain Lacroix confère à son personnage un côté ambitieux, sûr de lui, mais en même temps, il incarne un Picasso de 19 ans à peine, réussissant néanmoins à évoquer la figure d’un « ado sur le tard ».
Cependant, il ne s’agit pas que d’une pièce portant sur Pablo Picasso, sa vie et son œuvre. Ces derniers éléments semblent plutôt être un prétexte pour parler de la vie d’une maison close, tout en sobriété, où la parole est celle du désir et des sentiments de femmes et d’hommes, à l’image d’une comédie dramatique (voire tragi-comédie), au sens noble du terme. Pourtant, dans la maison close, nous y sommes : Chez Madame Hortense (froide et altière Marnie Duarte), tenancière qui se bat pour faire vivre sa maison, faire payer ses clients, s’occuper de ses filles et de sa fille Sofia (touchante, Tanaïs Pilon, à peine 15 ans), qu’elle élève en boniche.
Le casting féminin est de choix : de très jolies filles soulignant la sensualité du lieu sans jamais tomber dans le vulgaire ou le facile. Des petites poupées qui exhibent devant nous leur danse au son d’une boîte à musique. Chacune d’elles représente un archétype féminin : l’ingénue (délicieuse et gracieuse, irrésistible, Maïwen Doherty), la fleur bleue (Nathalie Foucault toute en sensibilité), la rebelle (droite et forte Sophie Chasselat), la triste (Lison Boulain). Chacune des comédiennes, dont le jeu est juste et précis, trouve son moment de grâce.
Dans une écriture alternant rires et larmes, notre coup de cœur va à la sombre Pilar : Lison Boulain incarne LE personnage tragique de la pièce, à l’inverse de celui Picasso qui nous fait rire aux éclats. L’atrocité de son enfance a fait d’elle une femme désabusée et marginalisée. Le texte lui offre des scènes particulièrement fortes et émouvantes dans lesquelles la jeune comédienne, à l’interprétation sans minauderie ni cabotinage allant à l’essentiel, nous emporte avec elle jusqu’au fatal dénouement… naturellement, mais a-t-elle le choix finalement ?
Néanmoins, chaque personnage est mis en valeur dans une mise en scène cinématographique qui n’est pas sans rappeler « Huit Femmes », le film de François Ozon, sachant que la chanson s’invite par moment dans la pièce. Ceci dit, nous sommes au théâtre et le décor sobre, accompagné de très belles lumières, laisse place à une interprétation des plus sincères des personnages.
In fine, cette création « coup de cœur » offre à découvrir un beau spectacle auquel nous souhaitons un bel avenir, d’autant plus qu’il s’agit du tout premier Avignon de la compagnie. A suivre ! Fabrice BONO