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UN ARTISTE, LAURENT GRINO; UNE EXPO SUR LES PLAISIR(S) FEMININ(S); UN FESTIVAL, LES POC 2015

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Rencontre avec le photographe Laurent Grino, à l’occasion de son exposition, interdite aux moins de 18 ans, « Fais de moi ce que je veux » présentée dans le cadre des POC (Portes Ouvertes Consolat) du 9 au 11 octobre 2015 au 86, boulevard libération à Marseille (vernissage le 10 octobre de 19h à 22h, avec lectures de poésies érotiques par Nicolas Raccah, Anne Marie Mancels et Corinne Esparon, et, en musique, avec DJ Lord Library). Photographe professionnel touche à tout et passionné, Laurent Grino qui se définit comme un voleur d’images s’est également spécialisé dans la photographie de spectacle vivant et de concert, ayant collaboré avec des compagnies théâtrales marseillaises (La Maison du Théâtre la Cité, Alzhar, Traversée(s) Nomade(s)) mais aussi avec le Festival de Danse de Marseille, le Ballet National de Marseille et Angelo Vergari. « Fais de moi ce que je veux » est sa troisième exposition personnelle, ici dédiée à la femme. L’exposition riche d’une trentaine de photographies en Noir et Blanc est le fruit d’un travail de longue haleine débuté en 2010. C’est en fréquentant des clubs dits libertins que l’idée d’un sujet sur les plaisirs féminins lui est apparu comme une évidence.

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Photographie visible pendant l’exposition « Fais de moi ce que je veux », signée Laurent Grino

A l’origine, comment vous est venue l’idée d’un projet photographique autour du ou des plaisirs féminins en immortalisant leurs ébats amoureux?

J’ai toujours aimé les femmes et j’ai toujours pensé qu’il était normal qu’une femme puisse, à l’instar des hommes, désirer un autre homme, cela ne nuit en rien à l’amour qu’elle peut porter à son époux. Au contraire, reconnaitre que nous pouvons désirer quelqu’un d’autre et coucher avec permettrait de sauver des mariages. J’ai toujours été scandalisé par le fait qu’une femme qui assume une sexualité très active est considérée comme une salope alors qu’un homme est vu comme un gars qui assure et qu’il aille voir ailleurs, c’est normal. Or, c’est injuste ! A l’occasion d’une soirée dans un club, j’ai été frappé par les images que je voyais. J’étais hanté par ces images que je n’avais pas faites mais qui étaient à faire. Et étant photographe, je me suis mis à photographier les ébats amoureux de ces couples, avec leur autorisation bien entendu, et petit à petit, m’est venue l’idée de faire une série d’images sur le plaisir féminin et la sexualité de la femme dont le plaisir, lorsqu’elle s’abandonne complètement, est beau, complexe et infini. Je suis toujours fasciné de voir la capacité de la femme à aller très loin dans le plaisir, à avoir plusieurs orgasmes alors que pour nous, les hommes, c’est différent : on ne s’abandonne pas totalement !

Il s’agit d’une démarche artistique originale, un travail qui s’apparente au photoreportage avec des images saisies sur le vif. Qu’est ce qui l’a motivée ? Parmi les couples présents à l’image, peu de couples lesbiens…. cela a-t-il été difficile de trouver des couples « modèles » qui ayant saisi le concept acceptent de jouer le jeu?

Oui, je travaille toujours comme dans le photo reportage, j’aime saisir l’instant, je ne sais pas faire autrement : ce sont des photos volées avec le consentement des personnes. Je glane ce que je vois, quand il se passe quelque chose devant l’objectif, je le saisis, je ne fais pas de mise en scène, un peu comme Cartier Bresson ou Doisneau. Et puis, Helmut Newton a bien gagné sa vie en photographiant les ébats amoureux de couples très aisés. Mais, oui, dans les couples que j’ai côtoyés, il n’y avait pas de couples lesbiens… et puis, c’était difficile pour des femmes homo d’accepter de se faire photographier par un homme, peut être que si cela avait été proposé par une femme, c’eut été différent!

Quel est l’objectif de cette exposition de scènes de « nus » ? Certaines photos relèvent plutôt de l’érotisme à la façon des années 20 (la femme dans l’escalier, voire la morphologie des femmes photographiées) et non de la pornographie…  Il s’agit de votre vision de la sexualité et du plaisir qui apparait ici opposée à celle véhiculée par notre époque, ces publicités qui montrent un corps féminin sans rondeurs, ces films qui réduisent l’acte sexuel à la pénétration.

Le plaisir féminin ne se résume pas à pénétration ou à des gémissements ou des cris : il s’exprime par des gestes ou des attitudes comme le poing qui serre le drap, ça parle à toutes les femmes car quand l’orgasme point, le poing se serre. Je n’aime pas les images gores et la vulgarité avec laquelle le sexe est traité à notre époque : j’aime le charme suranné des photos érotiques des années 20 avec ses femmes aux formes généreuses et leur évocation du plaisir sans artifice. Dans le plaisir, il y aussi celui plus cérébral de l’attente, par exemple dans le face à face des pieds : il y a des attitudes qui disent qu’on sait qu’on est là pour ça mais dans le même temps, il y a de l’incertitude, la fébrilité liée à la promesse de ce moment où tout va basculer et personne ne sait quand ça va arriver. On peut sentir une grosse tension sexuelle et le positionnement des pieds montre la séduction qui se joue plus haut. Cela ouvre la discussion sur le sujet du désir et des plaisirs. Je réfléchis mes expositions pour qu’elles touchent cérébralement et dans le bas ventre, qu’elles plaisent ou non, mais surtout pas pour qu’on me dise que c’est intéressant!

Qu’est-ce que ce travail vous a appris sur les plaisirs féminins, la femme ? Et qu’espérez-vous transmettre aux femmes et aux hommes qui verront cette exposition qui s’adresse cependant en priorité aux femmes et montre plusieurs facettes de leur « intimité »?

J’aime la femme quand elle s’apprête, et ma femme, Laurence, me dit qu’elle aime choisir ses habits en fonction de comment elle veut être déshabillée. Ce sont ces petites choses que j’aime et j’ai eu bien des confidences, entendu beaucoup d’histoires… c’est un sujet qui délie les langues. Mais je souhaite avant tout transmettre du plaisir et offrir un plaisir esthétique car la sexualité peut être vécue par tous avec délectation, c’est beau, au contraire des images de sexualité qu’on assimile au porno. Et on ne se voit pas quand on fait l’amour, ici, ce sont des personnes sans visage : des corps, des moments, des situations…

L’exposition a été faite par un homme pour des femmes en collaboration avec des femmes, notamment en ce qui est du choix final des images exposées…. Vous avez demandé leur avis à de nombreuses femmes, pourquoi ?

J’avais peur de faire des mauvais choix et quand j’ai montré ma première sélection de photos, j’ai eu des réactions très mitigées, pas très enthousiastes : j’ai alors montré mes photos à la propriétaire du club échangiste le temple sur le boulevard libération. Maud a regardé les images et j’ai compris que je me trompais, j’ai décidé de revoir ma sélection dans la tendance indiquée par Maud ; j’ai montré  80 photos à une quinzaine de femmes de tout âge, homos, hétéros, mariées, célibataires, qui sont tombées communément d’accord sur une dizaine de photos dont des photos de sexe en érection que je n’aurais pas osé montrer en tant qu’homme. J’ai dans le choix final intégré les suggestions de ces femmes car c’était ce qui s’imposait à moi en tant qu’homme pour éviter de faire une sélection d’homme. Je ne voulais pas faire une exposition pour les hommes mais une exposition pour les femmes, qu’elles y prennent du plaisir, même si elle peut plaire aux hommes.

Vous avez quasiment tout fait de A à Z (à l’exception des tirages)…  Parlez-nous du choix de la mise en espace et en scène des photos, trois pièces allant du plus soft au plus hard, avec des images de formats différents en résonance avec la multiplicité des plaisirs évoqués, le choix d’un éclairage tamisé à la bougie… Présenter l’exposition dans un appartement, est ce que c’était votre premier choix ?  

Ce fut un concours de circonstance : l’ex-présidente de POC, Marika Nanquette, m’a dit que cet appartement était disponible et que le futur propriétaire était intéressé par l’exposition. J’ai découvert un appartement vide, sommairement meublé, avec de beaux volumes et une chambre rouge : c’était génial de se l’approprier, car cela est différent d’une galerie avec ses murs blancs ! Il me fallait réfléchir aux formats des tirages qui ont été conçus spécifiquement pour ce lieu. J’ai imaginé de mettre deux images fortes dans le salon et dans la chambre à coucher, deux photos de 120 par 80 ; le point serré qui se présente tel le poing levé d’un militant et le portrait d’une femme en train d’avoir un orgasme. Puis j’ai travaillé sur les diptyques et les triptyques : la première pièce exprime plus de douceur et s’intéresse davantage à l’essence du plaisir féminin, sa volupté. Puis, dans la deuxième pièce, on monte en puissance dans l’acte avant de voir, dans la dernière pièce, des images plus petites et plus crues qui se découvriront à la lueur d’une lampe électrique.

S’agit-il d’une revendication politique ? Ou d’un hommage à la femme ?

C’est un hommage aux femmes à mon humble niveau et un joli clin d’œil à la phrase de 68 : « mesdames, jouissez sans entrave » ! Ce travail est plus militant que politique même si la façon d’aborder le sujet peut avoir une connotation politique parce que, à la façon Antoine d’Agata, les images ne sont pas posées. Mais contrairement à lui, rien n’est flou : je voulais aborder le sujet de façon nette et précise pour qu’au sortir de l’exposition le public ait envie de faire l’amour et rencontrer l’autre sur un autre mode que celui du « qu’est ce que tu fais dans la vie ? ». Arrêtons de tourner autour du pot quand on a envie de faire l’amour et que le désir est réciproque! Arrêtons cette hypocrisie, c’est un gâchis d’amour !

Propos recueillis par Diane VANDERMOLINA

Photographie en entête issue de l’exposition « Fais de moi ce que je veux »  signée Laurent Grino

Rmt News Int • 25 septembre 2015


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