Marseille : effervescence culturelle à tous les niveaux et pour tous les goûts!
Les vacances de la Toussaint viennent de s’achever ; les journées rapetissent d’heures en heures ; les longues soirées d’Hiver se profilent à l’horizon… A défaut des dîners tardifs sous le soleil estival, ou de ces belles soirées chaudes que l’automne naissant nous a procuré, n’est-ce pas le moment de faire un petit détour par les théâtres et autres lieux à Marseille et en Région, découvrir les centaines de propositions qu’ils nous réservent pour ce mois de Novembre qui s’annonce riche et intense, avec ses événements aussi nombreux qu’hétéroclites (avec une première, les 7 et 8 novembre au Parc Chanot, un salon international dédié au Tatouage), ses créations aussi ludiques que sérieuses, ses spectacles qui sauront séduire leur public.
Citons pour la semaine du 3 novembre, la dernière création du Théâtre de Ajmer (dirigé par Franck Dimech) « Schnell, schneller », coproduite par le Lenche, autour des camps de la mort (du 3 au 7 à 20h30, sauf le mercredi et jeudi à 19h)*; « Doe, cette chose-là », un spectacle autour des Zombis imaginé par Renaud Marie Leblanc et joué au Théâtre Joliette (jusqu’au 10 novembre, à 19h sauf jeudi et vendredi à 20h et lundi à 14h, séance supplémentaire ) ; « Zigmund Follies », le dernier spectacle de Philippe Genty programmé au Toursky jusqu’au 7 novembre (21h sauf mercredi à 19h); mais aussi du jeune public avec le festival « En Ribambelle » (coproduction théâtre Massalia et TNM la Criée) : ce dernier s’achève le 7 novembre à la Criée avec un bal (19h, entrée gratuite). La semaine suivante, les 13 et 14 novembre à 20h30, le théâtre du Merlan propose un spectacle original autour des SDF et autres clochards, « Dehors », une création d’Antoine Laubin et Thomas Depryck avec 6 comédiens auquel nous vous conseillons vivement d’assister (les tarifs de la scène nationale du Merlan sont tous doux : de 3 à 15€ avec une pléiade de réductions). Le Non-lieu (67 rue de la Palud) présentera sa « Kermesse », pastiche satyrique et musical, drôle et décalé, mené par les sœurs de la CFLEE (Cie du Yak) le 14 à 20h30 (PAF 8€). Les amateurs de très jeune public -ou les parents souhaitant faire découvrir le théâtre à leurs tous petits (dès 6 mois)- pourront aller au théâtre des Chartreux voir « les Nadoudounas » de la compagnie CGA les 12 et 14 novembre (à 10h, séance supplémentaire le 14 à 14h30) ou encore « Tempo » du théâtre en flammes les 20 et 21 novembre au Divadlo (à partir de 9h30 et toute la journée).
Cette petite sélection n’est pas exhaustive mais vise juste à montrer l’effervescence culturelle qui existe à Marseille, et ce bien avant l’année capitale. En effet, même si MP13 a permis l’ouverture du Mucem et la création de la Biennale Internationale Du Cirque dont un entre deux sera offert au public en janvier prochain, il existait en notre ville, avant 2013, plus d’une cinquantaine de salles de théâtre (pour ne citer que ce domaine), et parmi ces dernières, une quarantaine de petites structures : certaines ont dû fermer faute de subsides (Le Laboratoire Du Théâtre Off, Le Carpe Diem, Le Point De Bascule pour ne citer que ces exemples ; voire le théâtre Marie Jeanne avec ses travaux en attente depuis trois ans ou la Baleine qui dit vagues dont les spectacle sont visibles uniquement lors de leurs vagabondages) ; d’autres sont en difficultés graves (le Théâtre de la Comédie empêtré dans un mélimélo judiciaire avec l’archevêché, propriétaire du lieu ) ; mais la plupart continuent de subsister, survivre coûte que coûte, en dépit de l’absence de subventions ou de leur forte baisse : Le Carré Rond, L’Athanor, L’Afriki Djigui Theatri, Le Tétard, Le Théâtre Du Petit Matin, Le Petit Merlan, Le Quai Du Rire, L’espace Culturel Busserine, La Hang’art etc… Chacun propose une programmation propre et touche un public, qu’il soit amateur de contemporain ou de classique, d’humour ou de drame. Marseille a toujours été et est une Ville de Culture(s), notamment de théâtre, avec ses grands et petits lieux culturels qu’il ne faut nullement opposer car même si leurs missions diffèrent, ils participent tous, chacun à leur niveau et selon leurs moyens, de la richesse culturelle de notre ville.
Il nous semble ici nécessaire de le réaffirmer aux vues de la politique culturelle décidée par notre Maire, plus intéressé par le développement économique engendré par le tourisme que par la culture elle-même, et pour cause, cette dernière apparait être un des éléments d’attractivité touristique de la ville. En attestent les (ré)aménagements effectués visant à attirer les croisiéristes et autres touristes, avec la création ad hoc de ce « nouveau » centre de la ville : citons le quartier Euromed réhabilité avec ses nombreux espaces dédiés aux commerces (les voûtes de la Major, les Terrasses du Port, les Docks…), tous inaugurés en grandes pompes et situés à proximité du Mucem (2ème site le plus visité à Marseille après la Bonne Mère et avant le Panier), du Musée Regards de Provence, du Silo et du théâtre Joliette Minoterie (montré en exemple pour faire taire les mauvaises langues). Pour mieux saisir la place de la culture dans la politique de la ville, il suffit de lire la joie des élus sur leur visages lorsqu’ils détaillent les chiffres de la saison touristique passée : le tourisme, c’est 6% de l’emploi direct ; Marseille se retrouve dans le top 5 des régions à visiter en France ; le Mama Shelter est 3ème dans le classement européen des hôtels à moins de 100€ sans oublier la hausse de fréquentation des hôtels (88% de taux d’occupation cet été) et restaurants (8.5 professionnels sur 10 satisfaits de leur saison) autour du Vieux Port, augmentation du nombre de croisiéristes (entre 30 et 50% selon les mois). Quelques chiffres alibis sur la fréquentation des Musées viennent agrémenter leur discours bien entendu : 82000 visiteurs entre juillet et aout soit 10000 de plus qu’en 2014 (avec l’exposition Futurs de la Vieille Charité citée comme exemplaire). Les festivals inclus dans le décompte chiffré sont essentiellement le festival de jazz des 5 continents et le festival de Marseille avec leurs 55 000 visiteurs (et non spectateurs, notez-le) à eux deux.
Autre exemple qui vient étayer notre analyse : celui de L’Espace Culture**. Ce dernier devant mettre les clés sous la porte à la fin de l’année, qu’est ce qui va remplacer cette structure si utile aux petits (également aux grands) lieux, parfois leur seule vitrine ? On nous objectera qu’une application pour mobiles (créée par l’Office du Tourisme) est en train de voir le jour afin d’orienter les publics (et surtout les touristes lors de leur séjour) vers les activités culturelles proposées en ville (avec fort probablement billetterie online) mais inclura-t-elle comme le faisait l’Espace Culture tous ces petits lieux souvent oubliés des médias ? Comment pourront-ils communiquer leurs informations si les espaces où ils pouvaient déposer gratuitement tracts et affiches se réduisent à peau de chagrin? Cette fermeture annoncée d’un lieu culturel emblématique est symptomatique de cette volonté politique marquée de faire de la culture un élément parmi d’autres de l’attractivité touristique de la ville. Nous assistons à l’achèvement d’un transfert des compétences de l’Espace Culture vers l’Office du Tourisme : ce dernier accueillait la conférence de presse du Hero Festival, un événement culturel, qui aurait eu toute sa place à l’Espace Culture dont c’est encore un des rôles. De là à ce que le service culture soit englobé dans le service tourisme de la ville, il n’y a qu’un pas car n’y a-t-il pas déjà confusion entre politique touristique et culturelle au détriment des acteurs de la culture?
La question se pose, ici, alors que de nombreux lieux culturels sont en souffrance accrue depuis MP13 : cette dernière a creusé les écarts entre certains grands ensembles culturels qui ne cessent de croître (citons l’exemple flagrant de la Friche Belle de Mai et ses rapprochements avec la Criée ou d’autres lieux ; voire l’ambition de quartier latin du pôle Gymnase-Bernardines sur lequel nous reviendrons ultérieurement), ceux qui se retrouvent isolés de par leur situation géographique ou pour toute autre raison (le Toursky, le Merlan), ceux qui se maintiennent bon gré mal gré (Le Lenche, La Joliette-Minoterie) et les plus petits éparpillés sur un large territoire qui ne font pas ou peu parti du sérail ***. Ceci étant dit, pardonnez la longueur de cet édito. Néanmoins, le débat reste ouvert sur l’après 2013 ainsi que sur la politique culturelle menée à Marseille et en France.
Vous souhaitant de bons spectacles, votre dévouée
DVDM
*A noter que le projet initial autour de l’œuvre de Charlotte Delbo « Auschwitz et après » n’a pu être mis en œuvre, faute de droits et que la structure porteuse du projet a subi une baisse de 60% de ses subventions, une hérésie lorsqu’on connait le travail véritablement exigeant et de grande qualité du metteur en scène de la compagnie !
**l’Espace Culture avait une mission multiple que nous détaillerons dans un futur article complet sur la maison.
*** L’appartenance au sérail est souvent jugée en fonction des subventions reçues des tutelles par les structures culturelles : celles qui ne reçoivent que des miettes sont rarement reconnues comme participant de la Culture et à son foisonnement. Ils sont hélas souvent jugés comme amateurs, n’ayant ni véritable talent ni exigence artistique, voire qualifiés de populaires au mieux et de commerciaux au pire. Pour ces raisons, ces lieux sont ignorés par les défenseurs d’une Culture officielle réputée exigeante, tirant vers un pseudo-élitisme.