Show must go on….
« La liberté, Sancho, est l’un des biens les plus précieux que les hommes ont reçu des cieux […] pour la liberté, et pour l’honneur, l’on peut et doit risquer sa vie car, à l’inverse, l’esclavage est le plus grand malheur qui puisse frapper les hommes. » Don Quichotte à Sancho, Cervantès
Depuis les terrifiants attentats du vendredi 13 novembre à Paris et son bilan extrêmement lourd d’innocents tués par des assassins ayant fait preuve d’une grande barbarie envers l’Humanité, un déferlement d’informations, analyses, commentaires en tous genres, d’experts toutes catégories et d’individus en colère ou effondrés, afflue sur les chaines publiques et privées, les médias, presse, radios, webzines et réseaux sociaux etc….
Dans notre douleur, nous avons oublié les autres victimes d’actes similaires, les libanais, israéliens, palestiniens, irakiens, iraniens… tous ces peuples qui vivent le cauchemar des bombardements, des attentats kamikazes, depuis de longues années déjà et ce, bien avant que ce type d’événement ne touche aussi cruellement la France, ce pays de « Liberté, Egalité et Fraternité » pour citer cette devise reprise par les peuples aux quatre coins du Monde, en hommage aux morts de Paris.
Des drapeaux « bleu, blanc, rouge » et des prières pour Paris inondent le monde et la toile et la Marseillaise rugit de toute part via tous les médias précités. Pourquoi donc ce déferlement de bons sentiments envers la France et son peuple souvent critiqués et décriés? Il est vrai que nous, français et occidentaux, nous nous pensons souvent au-dessus des autres pays, supérieurs à ceux-là mêmes situés plus vers l’Orient, ceux dont les peuples sont décimés par les guerres depuis des décennies, au nom de ces mêmes valeurs que nous portons en étendard et disons défendre avec fermeté.
Est-ce à dire que ces peuples ne méritent pas autant de compassion et d’engouement solidaire parce que ces valeurs ne sont pas revendiquées haut et fort par leurs gouvernements et peuples ? Nous avons la mémoire bien courte et la vue bien basse : notre veule condition humaine pétrie de son égoïsme nombriliste nous a aveuglés pendant si longtemps que le réveil en est d’autant plus brutal avec ces événements du 13 novembre. Car, l’horreur ne connait point de frontière et aujourd’hui, nous y sommes directement et pleinement confrontés.
Hélas, avec l’Etat d’Urgence décrété et prolongé de 3 mois afin de rassurer la population, la peur (et ses conséquences inhérentes que sont la suspicion, le repli identitaire et l’amalgame, l’agression gratuite de l’autre…) menace de s’accroître pour s’ancrer plus profondément dans le cœur de chacun, irrationnelle et impulsive, imprévisible et impétueuse, avec pour effet pervers de raviver chaos et attiser haine en nos âmes blessées. Je ne sais si nous nous habituerons un jour à cette peur dans la mesure où déjà, notre nature humaine nous fait craindre cette possibilité extrême qui naturellement nous attend tous, la Mort.
Néanmoins, the Show must go on! Sortons, rions, amusons nous… Bref vivons tout simplement et aimons-nous autant que faire se peut dans l’acceptation, la reconnaissance et le respect de soi et de l’autre…. Peut-être aussi devrions nous plus réellement et concrètement travailler à appliquer ces valeurs que nous avons si souvent tendance à brandir contre les barbares, dépasser nos égoïsmes et lâchetés, nos différends et différences ridicules, pour opposer à ceux qui prônent la barbarie un monde de paix et de quiétude.
Je ne puis m’empêcher depuis ces derniers jours de lire et relire le Tao-tê-king attribué à Lao Tzeu dont je vous livre ci-dessous quelques extraits à méditer :
10
« Elève les êtres, nourris-les
Sans chercher à les asservir
Œuvre sans rien revendiquer
Sois un guide et non pas un maître »
29
« Quiconque veut s’emparer du monde et s’en servir
Court à l’échec
Le monde est un vase sacré
Qui ne supporte pas qu’on s’en empare et qu’on s’en serve
Qui s’en sert le détruit
Qui s’en empare le perd »
31
« C’est la quiétude et c’est la paix que l’homme de bien doit chérir
De la victoire il ne se réjouit point
Car se réjouir d’une victoire
C’est se réjouir de massacrer des hommes
Comment prospérer parmi eux ?
(…)
Sur la mort d’un grand nombre d’hommes
Il est juste de mener deuil, comme il est juste
D’accompagner la victoire de rites funèbres »
57
« Plus règnent tabous et défenses
Et plus le peuple s’appauvrit
Plus l’on compte d’armes tranchantes
Et plus le désordre sévit
(…)
Plus s’allongent les ordonnances
Et plus foisonnent les bandits »
DVDM