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Voyage du Coeur au Corps : odyssée burlesque dans le corps humain

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Voyage du Coeur au Corps

Spectacle Jeune Public à partir de 6 ans/Durée : 50 mn

Par LES VAGABONDS DES ÉTOILES

Avec Stefan Mandine et Charlotte Clément

Écriture et mise en scène : Charlotte Clément

Musique et Création Lumière : Stefan Mandine

Régie : Nicolas Benoit

 

Jeune compagnie créée en 2014, les vagabonds des étoiles proposaient au public du Parvis des Arts au début du mois de février 2016 un spectacle mêlant ombres et marionnettes, chant, musique et théâtre, autour de la malbouffe et de la surconsommation, deux thèmes habillement traités avec humour et poésie pour le bonheur des petits et des grands.

Ce spectacle qui se déroule à une époque lointaine, dans un pays aristocratique imaginaire, où règne encore la magie, a été créé à partir d’improvisations sur le plateau, d’après la trame d’une histoire racontée par un de leur ami auquel les jeunes artistes rendent hommage.

Le récit fantastique d’une aventure hors du commun

Ce voyage surprenant, qui n’est pas sans rappeler un certain film sur le voyage intérieur (mais la comparaison s’arrête là), est raconté et joué par trois personnages : la pétillante et aventureuse Mamie Claudia, chanteuse et comédienne aux faux airs de diseuse de bonne aventure avec ses boucles d’oreilles et ses cheveux argentés, et ses petits-enfants, Charlotte et Stéfan, deux bambins heureux d’accompagner leur bien aimée grand-mère un peu sorcière sur les bords, dans cette équipée sauvage, servie par une musique orientalisante fort adéquate au propos.

Le récit, à la fois joué, mimé et conté, mis en musique et en chant, usant d’une mise en abîme judicieuse où le présent laisse place au passé, plonge les enfants et leurs parents dans le récit burlesque de l’extraordinaire voyage au cœur du corps humain du fameux docteur Sreu, improbable chantre du savoir, anti-héro incarné avec facétie par Stéfan Mandine. Cet homme maniaque à l’allure dégingandée, ayant peur de son ombre et doutant de tout, est appelé à la rescousse par Claudia. La jeune mère est paniquée par l’état de santé dégradé de son fils : ce dernier, son Doudinet d’amour, est devenu obèse… Au fil du spectacle, le public découvrira que sa maladie a été causée par l’abus de sucreries et autres gourmandises offertes par le Duc Ola ou le Baron Henri Bô (jolies métaphores pour des confiseries bien connues de tous) que par amour sa maman n’a pu refuser de lui donner.

Miniaturisé pour entrer dans le corps du fiston dont nous ne voyons que l’ombre lointaine –il représente ici l’archétype de l’enfant roi auquel les parents cèdent tout-, le docteur va découvrir  un monde totalement « perturbé par une alimentation déséquilibrée, avec son peuple de révoltés, d’épuisés et de combattants prêts à en découdre avec la malbouffe » ! Parmi ces êtres, se trouve la jeune Bêta Carotène, une enfant qui ne sépare jamais de sa Doudinette, interprétée avec malice par Charlotte Clément : elle apprend qu’elle est la seule survivante de sa famille de vitamines et qu’elle doit se battre contre le gras. Direction l’usine à gras où les ouvriers ne savent plus où donner de la tête, tant le gras afflue de toute part : il est alors temps de changer de régime et/ou de faire grève ! S’en suit une bagarre terrible entre les Hépatiens et les Hépatants à laquelle participent le docteur et Mamie Claudia.

Cette scène, avec ses flashs de lumière blanche et ses arrêts sur images lui conférant un aspect comics, bien vu et drôle, est par ailleurs fort réussie. Elle entrelace passé et présent pour signifier le changement de cap de la maman Claudia dans l’alimentation de son fils, avant qu’il ne reçoive le remède miracle ainsi qu’une alimentation saine et équilibrée.

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Un jeu et une mise en scène au service d’une thématique dans l’air du temps

Les deux talentueux comédiens-chanteurs interprètent dix personnages: les ouvriers, Bêta Carotène, le docteur, le professeur et manipulent, en alternance, la marionnette conteuse à taille humaine, Mamie Claudia, le tout avec dextérité, passant avec aisance d’un personnage à l’autre, modulant avec justesse leur voix, leur gestuelle et leur démarche. Les costumes qu’ils enfilent et délaissent pour passer d’un personnage à l’autre sont simples mais efficaces, soulignant les traits de caractère de chaque personnage, notamment les rondeurs des ouvriers de l’usine à gras. Les accessoires servent à caractériser un personnage : une paire de lunette double foyer pour le prof, une sombre mallette rectangulaire et un feutre noir pour le docteur…

A l’image des costumes, le décor est sobre avec quelques éléments amovibles aux multiples fonctions : en fond de scène, deux pans de rideaux noirs bordant une fenêtre où en ombre chinoise il est possible d’apercevoir l’enfant malade de Claudia qui disparait au cours du récit et un espace vide, avec un lit se transformant en tableau de classe en son milieu, sur l’avant-scène, où se déroulent les aventures épiques du docteur. Le public ne s’ennuie pas une seconde au cours de cette création, où les péripéties s’enchainent sans discontinuer, menée tambour battant par des comédiens aux multiples qualités (musiciens, chanteurs et marionnettistes). Ces derniers sont portés par une mise en scène sans temps mort où sont habillement entremêlés les genres, et au cours de laquelle alternent moments de répits musicaux et courses poursuites animées, conte et jeu selon que nous sommes dans le présent ou le passé, avec Mamie Claudia ou le docteur.

La forme ludique et décalée de cette création au final enjoué et porteur d’espoir permet d’aborder aisément le sujet des maladies liées aux déséquilibres alimentaires et au manque d’activité physique de façon plus percutante qu’une leçon. Par l’entremise d’une histoire insolite mettant en scène la recherche des causes de ce phénomène inquiétant qu’est l’obésité chez un enfant, avec sa pléiade de personnages hauts en couleur et ses situations loufoques, nous sommes amenés à nous interroger sur la notion d’amour : cet amour filial qui lie les parents aux enfants, amour inconditionnel où l’enfant est supposé roi par la société contemporaine. Mais peut-on par amour tout accorder à un enfant ? « L’amour n’est-ce pas savoir dire non, s’opposer à la pression sociale ? N’est-ce pas dire « oui » au meilleur pour nous, prendre soin de son corps, s’informer et être responsable, même en tant qu’enfant » demandent les artistes à l’issue de la représentation.

L’évolution du personnage de Bêta Carotène et le changement de mode de vie de la jeune maman Claudia sont des exemples types de cet apprentissage tout au long de la vie de cet amour de soi et de l’autre, de ce « souci de soi et de l’autre » dirait Socrate. Et c’est ce que nous apprend ce voyage : l’amour, c’est ne pas céder aux sirènes de l’agroalimentaire et de la désinformation, c’est « prévenir les enfants du danger qui les guettent ». Mamie Claudia aidée de ses petits-enfants nous a alors racontés l’histoire de son fils pour sensibiliser les parents et leurs enfants (ou les enfants et leurs parents) à ce fléau engendré par l’ignorance… Au-delà de la dénonciation de la malbouffe, le public peut y déceler une critique de notre société hyper-consumériste (à laquelle nous nous soumettons passivement avec une boulimie insatiable) et plus largement, du capitalisme où la culture est mise à mal.

Les enfants ici apprennent tout en s’amusant et n’ont pas été insensibles à cette présentation, applaudissant vivement les artistes, hypnotisés par la marionnette de Mamie Claudia (magnifique en tout point de vue) à laquelle les comédiens ont donné vie sous leurs yeux ébahis : à l’issue du spectacle, ils ont par ailleurs fait preuve de curiosité et de perspicacité dans leurs questions et réponses.

Une création réussie qui espérons-le tournera dans plus d’un lieu en notre région ! A voir en famille. La compagnie travaille également sur une autre création au titre évocateur : Les Sculpteur.e.s de Rêves, inspirée du livre jeunesse de Claude Clément. Dans ce spectacle jeune public, mêlant jeu, projection et théâtre de papiers, deux sculpteu.r.e.s de rêves vont s’installer à Griseville, une ville étrange où les habitants aux grises mines sont tristement figés dans un rôle prédestiné. Ils vont alors bousculer le quotidien de ses habitants, interrogeant leurs croyances, brisant les interdits, et les amenant peu à peu à réaliser leur rêve. A suivre ! DVDM

(c) photos les vagabonds du voyage

Rmt News Int • 29 mars 2016


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