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Play me – avignon off 2016

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Depuis ses origines, le MOVE theatre se dit pratiquer de la danse-théâtre : cette forme hybride a toujours su servir le propos des chorégraphies proposées par la troupe à chacune de leur venue à Avignon.

Après Fight me now et 1 :0, voici présenté leur dernière création à juste titre et joliment bien nommée Play me où se mêlent acrobaties, arts martiaux et danse contemporaine sur le thème de l’enfance avec ses jeux, son apprentissage du langage ainsi que des règles sociales à respecter pour le (bon) équilibre de la société.

Dès le début, le spectateur est plongé dans une cours de récréation, observant un groupe d’enfants jouant « innocemment » aux chaises musicales puis un des membres du groupe, le plus fort ou le plus âgé, s’empare d’un micro et s’attable devant de gros dominos en bois où sont inscrits des mots désignant différentes parties de notre anatomie. Il commence à dire doucement, puis scander, et enfin éructer, avec une frénésie grandissante, ces mots au micro : épaule, poitrine, main, genou et les autres de ne faire bouger – entre deux pauses à la 1.2.3 soleil- que cette partie du corps, chacun à sa façon, dans un rythme allant crescendo. Ce qui amènera les membres du groupe à se faire éliminer du jeu, un par un, par un maître de cérémonie de plus en plus excité par ce jeu dans lequel il peut exercer sa domination. Une des filles deviendra même l’objet d’un jeu pervers, au cours duquel, telle un ballon de basket-ball, elle sera balancée, voire jetée, de bras en bras sans interruption, jusqu’à ce qu’épuisée, elle s’écroule, refusant de continuer à jouer….

L’amusement innocent laissera in fine place à une violence assumée. Violence dans le dire des mots* éructés par les protagonistes qui essaient de s’emparer chacun à leur tour du micro, symbole du pouvoir exercé sur les autres, ces marionnettes soumises et pliées aux quatre volontés du maître du jeu. Violence des rapports qu’ils entretiennent les uns avec les autres au cours du jeu et chacun, pourtant, se doit de respecter la règle du jeu préétablie, mais également la nouvelle règle imposée insidieusement par le chef, ce leader qui ne cesse de changer et réinterprète la règle à sa façon. Et chacun de devenir tour à tour victime et bourreau, souffre-douleur et persécuteur… testant les limites des autres. Dans ce jeu de rôle d’une violence rare, se découvrent toutes la souffrance, la frustration et la folie auxquelles l’obéissance volontaire, voire (de plus en plus) contrainte, à des lois (de plus en plus) liberticides peut nous amener.

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La chorégraphie met ici en perspective avec intelligence, les rapports d’autorité et de pouvoir, de soumission et de rébellion, qui existent entre les gens dans une société aussi bien réglée soit-elle. Un rapport maître-esclave qui se renverse ici mais qui n’est pas sans rappeler le rapport entre un créateur et son interprète, le chorégraphe en répétition stoppant le danseur dans un mouvement, lui demandant de le reprendre pour le parfaire, encore et encore… Se file en sous texte une bien jolie métaphore : celle de la violence de la danse contemporaine, violence infligée au corps du danseur, avec sa répétition de gestes brefs, ses mouvements d’épaule, de genou, de tête… décortiqués, disséqués, sous nos yeux avec acuité.  « Play me » peut se lire ainsi à deux niveaux : une réflexion critique sur la danse contemporaine et sur l’enfance, ce microcosme en apparence ingénu, néanmoins reflet de la société des adultes où l’acquis est censé prendre le relais de l’inné pour éviter tout dérapage extrémiste. La création musicale et le travail des lumières ne sont pas en reste, suivant cette montée en puissance des dérives de ces êtres-là.

Se joue certes le délicat passage de l’enfance désordonnée à l’âge adulte policé et l’apprentissage chaotique ainsi que l’intégration complexe des normes sociales. Mais, se dévoile en filigrane toute la violence symbolique et réelle induite par les règles -nécessaires à la cohésion sociale et intégrées par tout un chacun- dans nos rapports humains, en ce qu’elles laissent toujours un espace où peut s’effectuer la prise de pouvoir par l’un ou l’autre.

Parler aussi justement de la violence du jeu de la vie au cœur d’une société normée est chose rare à Taïwan mais c’est ce qui anime la compagnie depuis sa création ! Et elle le fait très bien, avec émotion, vigueur et intelligence, au travers de cette métaphore des jeux enfantins. Une création très réussie et fort juste, bouleversante et saisissante de vérité, avec d’excellents interprètes. Bravo ! DV

*les mots tels que kiss, jump ou death désignant les actions de s’embrasser, sauter ou mourir remplacent ici peu à peu les mots désignant des parties de notre anatomie.

Play me du M.O.V.E. Theatre

Chorégraphie: I-Fen Tung

Avec Yeh-Ying Chen, Shu-Chuan Hsu, Ming-Yao Lyu, I-Fen Tung, Daniel Wang

Jusqu’au 30 juillet à 17:10 au Théâtre de la condition des soies –avignon off 2016

(c) photo Ching-Ju CHENG

Rmt News Int • 31 juillet 2016


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