Exposition de Johanna Heeg au Théâtre Toursky
Figurations fugitives sur les petits formats de Johanna Heeg
Théâtre Toursky,
Jusqu’au 19 décembre 2016
Sur la forme contenue des brefs formats, sur des fonds foncés ou à peine éclairés d’un frottement furtif d’un pinceau diluant les ombres, un foisonnement de figures sombres, une farandole futile ou funèbre, figuration fantasque ou fantastique d’une foule en mouvement, en action, surgie d’un horizon lointain du temps, voulant déborder le cadre et s’épandre sur les murs, des faces dont s’effacent les traits pour ne laisser subsister que l’expression, un sentiment : deux sœurs effrayées, une séduction effarée, des passantes affairées, frimousses fraîches d’enfants ou faces fanées, fantomatiques, frissonnantes d’effroi, de froid (?), pullulement d’un peuple pressé ou oppressé, brossé, frotté d’un pinceau à la pâte épaisse, on dirait, linguistiquement et musicalement, « fricatif », au chromatisme obscur sur des fonds fluidifiés de bleu ou d’un jaune timide, brusquement illuminé, comme un soleil, d’un orange éclatant sur la brume d’un corps, une ombreuse palette où la tache colorée est touche musicale, harmonie globale où la note, la couleur, se fond, se confond, estompe les contours des formes, en semble effacer les frontières linéaires pour les fusionner dans une génération, une germination, un engendrement effervescent de vie aspirant, de la pénombre, au jour. Des regards pointus, ponctuels : des points intenses qui tiennent lieu d’yeux, avides, pleins d’angoisse, d’interrogation, d’interpellation, d’attente du nôtre. Sur des visages vides, sur des rivages, des rives et des dérives du temps, ils sont pleins d’une vie finie ou qui n’en finit pas de s’acharner à vivre aujourd’hui en habits d’ailleurs et d’autrefois.
Un monde en réduction surgi d’une estompe entre rêve ou cauchemar.
Benito Pelegrín