Millésimes 2017 : quels débouchés pour le vin provençal ?
Martine Vassal, présidente du Conseil Départemental des Bouches du Rhône, entourée de sa vice-présidente en charge de la viticulture, Marie Pierre Callet, du parrain du salon Millésimes, le chef étoilé de l’Epuisette, Guillaume Sourrieu, des organisateurs du salon dont Claude Rossignol, président de la Chambre d’Agriculture des BdR et Jean Claude Pellegrin, élu en charge de la viticulture à la Chambre de l’Agriculture des BdR, a exprimé, le soir de la présentation des millésimes 2017 des vins du département (vins produits en 2016), le désir que Marseille soit une ville « ambassadrice du vin ».
En préambule au salon
Martine Vassal continuait son discours introductif en précisant, pour 2019, son souhait de faire de la Provence la capitale de la Gastronomie et in extenso du Tourisme, surfant sur la mode actuelle du tourisme gastronomique et œnologique, l’un n’allant pas sans l’autre. Sachant que les terres provençales, grandement appréciées des touristes, aux charmes agricoles et viticoles indéniables, recèlent de nombreuses pépites gustatives et autres délices viticoles, il est aisé d’imaginer le succès d’un tel projet. C’était le 9 février dernier dans la salle des mamelles du Silo où les viticulteurs faisaient découvrir à un public de professionnels de la filière et d’amateurs triés sur le volet leur dernière cuvée. Et quelles cuvées partagées!
Notre coup de cœur pour un Vin Rouge des Baux de Provence
Pour rappel, les vins des Bouches du Rhône comptent quatre IGP (Indication Géographique Protégée : Pays des Bouches du Rhône, Alpilles, Pays des Bouches du Rhône mention Terre de Camargue et Méditerranée et cinq AOP (Appellation d’Origine Protégée : Coteaux d’Aix, Côtes De Provence Sainte Victoire, Côtes De Provence, Baux De Provence et Palette), la plupart attribuées entre les années 1980 et 2000.
Parmi ces dernières, nous connaissons plus aisément les Coteaux d’Aix et les Côtes de Provence célèbres pour leurs rosés gouleyants (bon à savoir : le rosé, si longtemps décrié par les amateurs de vin, c’est 30% de la consommation mondiale en vin et la Provence est leader dans ce domaine avec 39% de la production totale d’où la réputation du rosé provençal), voire les Cassis pour les blancs. Ici, nous allons vous présenter une petite merveille de rouge des Baux de Provence : ce dernier nous a été donné à déguster en amont du salon en présence de Christophe Carreau, sommelier et vice-président de l’ASAMP et Gisèle Marguin, présidente d’honneur de l’ASAMP (association des sommeliers Alpes Marseille-Provence (en photo ci-dessus).
Cultivées sur un sol rocailleux à forte dominante calcaire, en hauteur des Alpilles, sur le rocher des Baux, -plus connus pour ses Carrières de Lumière ou encore son fameux hôtel de luxe 5 étoiles et restaurant gastronomique dont la renommée n’est plus à faire, Le Mas de Baumanière-, les vignes de ce jeune vignoble (planté en 1953, le premier millésime datant de 1976) bénéficient d’un ensoleillement exceptionnel et d’un climat méditerranéen plutôt sec et venteux, où les senteurs de thym, de romarin et de garrigue, typique du coin, confèrent une note particulière aux vins du domaine.
Amateurs de vins rouges, ne boudez pas ici votre plaisir : le Mas Sainte Berthe des Baux de Provence, cuvée Louis David, année 2012, aux arômes fruités –plutôt prune et fruit noir- et puissants -riche en tanin mais souple en bouche-, n’a rien à envier à ses lointains cousins bourguignons ou bordelais. Un vrai régal pour les papilles qui montre que si la Provence est reconnue pour ses rosés, ses rouges labellisés AOP, certes produits en moindre quantité (seule l’AOP Baux de Provence compte plus de 50 % de rouges alors que l’AOP Côtes de Provence dépasse les 90% en production de rosés), sont à (re)découvrir et tiennent toutes les promesses des grands vins!
La Provence versus la Bourgogne ou le Bordelais
Les riches amateurs de vin éclairés ne se ruent pourtant pas sur les domaines provençaux comme en Bourgogne ou dans le Bordelais. En Bourgogne, par exemple, l’arrivée de riches industriels ou familles venues de Chine et d’Ailleurs qui investissent en masse dans les grands crus ont tellement fait grimper les prix de ces vins de domaine prestigieux, à la réputation ancestrale, que les habitants, voire même des tenanciers de Bar-Restaurant, avouent ne plus pouvoir se procurer des bouteilles de Hautes Côtes de Nuits, le pinot noir moins prisé des nouveaux milliardaires restant quant à lui encore abordable.
Citons ici un couple de sexagénaires rencontrés dans leur sympathique et familial Bar Restaurant le Quai VI, à proximité de la Gare de Dijon : depuis trente années qu’ils tiennent leur lieu, ils ont « assisté impuissants à cette flambée des prix sur les grands vins de Bourgogne », nous ont-ils expliqués avec une pointe de tristesse dans la voix. « Certains petits domaines pratiquant des tarifs accessibles ont disparu ou ont été absorbés par d’autres de plus grande taille et notoriété », précisent-ils. Il est vrai que les Bordeaux et les Bourgogne à la renommée internationale sont des vins légendaires, dits nobles, produits sur des vignobles centenaires, qui attisent les convoitises.
Alors que dire de nos vins provençaux ? Car si le Rosé a effectué une belle percée cette dernière décennie, qu’il est désormais considéré par les experts comme un vin de qualité à part entière, les vins rouges des Bouches du Rhône, produits dans les vignobles provençaux relativement plus jeunes, sont souvent qualifiés de vins ordinaires (un mythe persistant et puissant) et bénéficient d’une visibilité moindre à l’international (notamment parce que l’image d’Épinal qui hante les esprits sur la Provence réduit sa viticulture à la production de rosé). Sont-ce là les raisons pour lesquelles les riches étrangers n’investissent pas dans nos vins ?*.
La rareté des investissements étrangers dans les domaines provençaux peut apparaître à la fois être un mal pour un bien et un bien pour un mal, dirons-nous. Un bien dans la mesure où cela nous sauverait d’une montée trop forte des prix (un risque potentiel et réel si les domaines sont aux mains de spéculateurs peu scrupuleux qui, jouant sur l’offre et la demande, augmentent leur marge de façon inconsidérée), un mal parce que le vin souffre en France d’un ralentissement de la consommation régulière (les consommateurs boivent moins de vins au déjeuner et commandent plus volontiers le vin au verre qu’en bouteille). Face à cette stagnation de la vente sur le marché intérieur, une porte de sortie non négligeable se trouve être l’exportation du vin : cette dernière représente moins de 20% des ventes, le plus gros du marché étant local (en circuit court ou encore en approvisionnement des cafés, bistrots, restaurants).
Que faire pour booster les exportations des vins de Provence et stimuler leur vente ?
Côté export, le tourisme œnologique, qui a le vent en poupe et attire de nombreux étrangers, avec notamment la jolie route des vins de Provence créée en partenariat avec Bouches du Rhône Tourisme pour valoriser les vins provençaux, peut permettre de faire découvrir nos vins, qui sont de belle qualité, et ainsi inciter les touristes, voire des investisseurs à les acheter, en pariant sur leur avenir qu’il s’agisse des blancs, des rosés ou encore (et surtout !) des rouges qui n’ont pas à rougir de leurs voisins.
Néanmoins, comme le souligne Jean Claude Pellegrin, Elu à La Chambre d’Agriculture des BdR, en charge de la viticulture, « il ne faudrait pas que ce tourisme ne bénéficie qu’aux grandes appellations, châteaux et grands domaines. Les coopératives, nombreuses sur le territoire, ne doivent pas être oubliées car il existe de très bons crus issus des coopératives », nous rappelle ce fervent défenseur des vignerons coopérateurs (ces derniers représentent pas moins de 53% des producteurs).
Autre piste envisagée pour stimuler la vente : travailler avec les chefs de Gourméditerranée pour créer des événements où seraient mis en avant les accords « mets et vins » provençaux. Guillaume Sourrieu, le chef étoilé de l’Epuisette à Marseille et parrain de cette rencontre Millésimes, favorable à ce projet, rajoute que « les vins de Provence sont riches et variés. Il parait essentiel que les professionnels de la restauration prennent la mesure du trésor dont ils disposent pour agrémenter leurs tables. Parce qu’être acteur de notre ville, c’est défendre la gastronomie et le vin. Les acteurs de ces filières se donnent corps et âme dans leur travail. Ce sont des hommes et des femmes qui méritent d’être reconnus à leur juste valeur ».
Alors, Marseille Provence, bientôt capitale du vin ? Certes, cela ne coule pas sous le sens de prime abord… Pourtant, le succès des manifestations comme Hors les Vignes, Millésimes ou encore l’implantation dans notre ville du salon du vin bio de Montpellier semblent augurer des belles perspectives en ce sens. Amateurs de bonnes chères et de bons vins, guettons la future capitale de la Gastronomie et du Vin. Diane Vandermolina
*Une question de mythologie autour du vin que nous aborderons plus tard.
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