MERCI RAYMOND, MERCI DUFFAUT : FAU(S)T
Il a régné pendant trente-cinq sur les romaines Chorégies d’Orange dont il a fait un empire indiscuté du chant, et en a démissionné dignement pour des raisons politiques, disons, éthiques, avant terme, en mars 2016. En popularisant en ce lieu l’opéra, en le popularisant par les médias, Duffaut a su incarner pour des millions de spectateurs, cet élitisme pour tous dont rêvait Malraux. Un élitisme républicain d’une qualité à l’échelle du lieu, à tous niveaux : mises en scène, lumières, et, surtout artistes, voix que son oreille infaillible a su dénicher et porter aux nôtres pour leur permettre d’ici un envol primordial. Et d’abord, par le banc d’essai de la scène d’Avignon. Car pendant quarante-trois ans, il a présidé aux destinées artistiques de l’Opéra d’Avignon, devenu justement Grand Avignon, qu’il a élevé en royaume lyrique tout aussi indiscutable, le dotant d’un orchestre, d’un chœur et d’un ballet permanents, rare privilège aujourd’hui. Un bilan extraordinaire : quatre-mille cinq-cents spectacles et quelque quatre millions de spectateurs, heureux, reconnaissants. Qui le lui ont prouvé par des ovations interminables lors de deux mémorables soirées.
D’abord, la dernière de Faust qui, il n’y a pas de hasard, selon son simple et touchant aveu, avait ouvert ses yeux et ses oreilles d’enfant, en 1949, au monde lyrique et qui clôt, ce jour, sa longue carrière militante en ce lieu. Puis, « Avant de quitter ces lieux », le concert exceptionnel, cadeau surprise du 16 juin d’un nombre, innommable par la quantité, une cinquantaine d’artistes, chefs, chanteurs lyriques, sans oublier les danseurs, qu’il a lancés ou contribué à leur carrière internationale, qui ont tenu à venir lui témoigner leur, disons-le, affection et fidélité. Un concert, organisé par Nadine et Sophie Duffaut, présenté par Alain Duault, commencé à 18h30, terminé à près de une heure du matin, et poursuivi ensuite avec un cocktail amical, familial.
Raymond Duffaut reste Président du Centre français de promotion lyrique : au service toujours des jeunes talents.
Ce Faust marque aussi la fermeture de l’Opéra Grand Avignon pour deux ans, pour travaux.
Benito Pelegrín