Une rentrée en demi-teinte
Voici venu le temps de la rentrée et de son cortège de conférences de presse, son florilège de contestations sociales et ses coups de gueule, après une trêve estivale bien trop courte : sachez que cette dernière se raccourcit d’années en années avec la rentrée scolaire avancée aux tous premiers jours de septembre. Il n’est plus de bon ton de prendre ses vacances après le 15 août et malheur à qui ne rentre que début septembre : boite email inondée, rendez-vous impromptus, dossiers débordant de la boite aux lettres, messages vocaux en cascade, certains remontant au 22 août ! Il faut penser à prendre le train en marche avant même le retour au travail à proprement parler …
Car, avec ses présentations de saisons théâtrales acte II, ses invitations aux traditionnelles manifestations de rentrée (Art-O-Rama le dernier week-end d’août ou Vivacité le deuxième week-end de septembre), ses dizaines de journées portes ouvertes coïncidant étrangement avec les journées du patrimoine du week-end du 16-17 septembre, ses premières grèves et appels à mobilisations contre les nouvelles lois imposées par un gouvernement élu par une minorité de citoyens (petit rappel à toute fin utile), nous voilà immergés, en apnée, dans le cœur, le vif, du sujet, à notre corps et cœur défendant.
Un retour au quotidien travaillé, aux banalités facebookiennes, aux lectures déprimantes des médias. Affligeantes non seulement par les mauvaises nouvelles dont ils sont le porte-parole, mais également par la médiocrité orthographique de leur contenu. Coquilles, fautes d’orthographes, voire de grammaire, tournures de phrases alambiquées et jargonneuses…. Le pompon revient à ceux qui traitent de la baisse du niveau scolaire des jeunes. Ah, qu’il est loin le temps où chaque média avait ses correcteurs ! Pauvre presse qui n’est plus que l’ombre d’elle-même avec ses titres accrocheurs, ses articles bâclés et ses jugements à l’emporte-pièce.
De grands journaux aujourd’hui en manque de sensationnalisme… Voilà à quoi me font penser mes lectures quotidiennes de mes confrères parisiens. A vouloir réagir à chaud sur l’actualité, à l’image d’un réseau social, la presse tend à perdre ce qui faisait autrefois sa renommée (sa capacité de recul -certes plus ou moins objective- et sa faculté d’analyse critique, nécessaires à l’élaboration d’un article pertinent), au profit d’une reprise telle quelle de communiqués de presse reçus ou d’arguments et autres raisonnements fallacieux trouvés sur le net (devenu source incontournable d’information pour nombre de journalistes, à prendre avec des pincettes) sans parler des fake-news abondantes qu’on trouve sur la toile, voire encore l’élaboration de récits romancés aux accents dramatiques dignes d’une tragédie antique –dans la lignée du story-telling – susceptibles de faire pleurer dans les chaumières et/ou d’indigner le peuple.
Ce dernier est réputé friand de ces anecdotes croustillantes et drames du quotidien mais ne le prenons-nous pas pour un imbécile crédule et ignorant ? Dans les récits de manifestations, les contr’enquêtes sont réduites à de petits encadrés où seul le bon mot d’un interviewé (si possible connu) est cité avant d’être repris à l’unisson, et en boucle, par tous tant ils sont à la recherche effrénée de la petite formule choc qui fera date (c’est d’ailleurs via ce prisme que sont analysés les dires des politiques et consorts, des mots souvent détachés de leur contexte qui conduisent à des extrapolations et arguties ubuesques, voire même des contresens érigés en vérité).
A défaut de se parler, les médias lisent les médias (et se recopient allègrement les uns les autres). Une profession sclérosée, en butte avec un rejet populaire, du fait de sa collusion avec le monde politique et le monde économique qui agissent tels des pressoirs sur les comités de rédaction au grand damne de tous ceux qui défendent la liberté d’expression du journaliste et se battent farouchement pour son indépendance. Un métier décrié qui pourtant attire encore les jeunes grâce à une image d’Epinal à la vie dure, celle du grand reporter intrépide et incorruptible. Une image reprise dans les films et séries, romans et BD.
Ne vous y méprenez pas, ce n’est pas une diatribe contre les médias ni les journalistes mais un triste constat qui me rappelle au quotidien l’urgence de proposer un média indépendant et libre de son action quel que soit son domaine de prédilection. La liberté a un coût. Et je crains que le coup d’arrêt des contrats aidés, couplé à la baisse constante des subventions, ne nuisent à la presse indépendante qui pour survivre y faisait appel. Et de nombreux médias locaux, petits par leur taille et grands par les idéaux journalistiques défendus, de prendre l’eau. A moins peut être de créer un fond de soutien et d’aide à ces structures éloignées du buzz médiatique.
Je ne parle pas ici de mutualisation des moyens dont on voit l’effet dévastateur qu’elle a pu avoir sur les structures culturelles marseillaises obligées mais d’un véritable projet qui permette sur le long terme à chacun de poursuivre son œuvre en bonne intelligence. Chaque média participe au pluralisme des opinions qui, en se confrontant, ouvrent la voix au débat. Chacun contribue ainsi au Progrès* de la société dont la démocratie est aujourd’hui bien défaillante. Mais n’est-ce pas le propre de la démocratie dans un grand pays? Par grand, j’entends un pays où le nombre de citoyens est trop élevé pour mettre en place une véritable démocratie, pleine et entière.
Voici donc quelques pensées jetées en pâture ici à votre bon soin. Quelques réflexions automnales de retour de vacances. Bonne lecture à tous,
Diane Vandermolina
*pris au sens d’Évolution de l’humanité vers un terme idéal.