Sombre rentrée automnale
Le tragique et dramatique événement survenu le 1er octobre en Gare Sainte Charles de Marseille hélas vient apporter de l’eau au moulin des tenants de la fermeté sécuritaire, déchainant les foules qui ne craignent plus les appels à la haine bien cachées derrière leur petit écran.
L’adoption de la loi antiterroriste par l’Assemblée Nationale à une écrasante majorité le 3 octobre inscrit dans le cadre légal une grande partie des dispositions prévues par l’Etat d’Urgence : elle entérine au nom de la lutte contre le terrorisme l’érosion, entamée précédemment, des libertés.
La liberté d’expression et de création se trouve ainsi cruellement mise en danger et remise en question par cette loi liberticide qui trouve sa justification dans les actes barbares commis sur notre territoire au mépris des risques de dérives totalitaristes bien connues.
Le climat délétère et malsain s’en trouve fortifié : bientôt, la délation, comme sous le régime de Vichy, sera de mise ; et qui sait, la peine de mort rétablie. J’entends déjà certains crier à son rétablissement. Et sans noircir le tableau jusque- là, l’inquiétude ne peut que nous saisir à pleine gorge, encore plus vive.
Le risque zéro n’existe pas et tout Etat d’Urgence aussi efficace qu’il puisse vouloir être ne peut éliminer toute menace tant elle prend des formes diverses aujourd’hui : bombes artisanales, actes isolés, tueries de masse.
Et le terrorisme se joue toujours et encore de nos peurs, les manipule, et les renforce par ses coups de couteaux isolés ou ses meurtres spontanés pour mieux anéantir par touches subtiles notre humanité ou ce qu’il en reste dans notre monde consumériste.
Car dans un Etat dit de Droit où le droit se dissout, qu’en est-il de notre Humanité et de ses valeurs humanistes que sont la liberté, l’égalité et la fraternité? Cette même loi tend à nous museler dans nos libertés, nous traiter de façon inégale selon notre couleur de peau et origine ethnique, nous diviser pour mieux nous contrôler.
Et la culture, l’art, dans tout cela ? Qu’adviendra-t-il de ses œuvres volontairement provocatrices ou non qui visent à nous faire réfléchir sur l’état du monde ? Qu’adviendra-t-il de ses artistes politiquement incorrects ou si peu corrects qui essaient de nous amener à épouser d’autres points de vues pour mieux penser notre société?
Voilà l’objet de ma non-quiétude aujourd’hui. Car déjà, cet été, certaines pièces de par leur sujet « tabou » étaient susceptibles d’être interdites, elles ont défrayé la chronique et soulevé des pétitions contre leur diffusion.
Aujourd’hui, un mot, voire une petite phrase déconnectée de son contexte, nous met sous le feu des pétitions, s’il est malheureux ou incompris. Un mot et une foule qui s’en empare. Un mot et un effet papillon extraordinaire, avec cette propagation virale sur les réseaux sociaux des réactions à chaud, émotionnelles et souvent irréfléchies.
Et si nous prenions le temps de nous déconnecter de ce flux massif et vertigineux d’émotions négatives pour réfléchir, y voir un peu plus clair ? N’est-ce pas à cela que sert l’art ?
Diane Vandermolina