A L’AMOUR, CITOYENS : retour sur la soirée de soutien du 28 novembre au Théâtre Toursky
Marie-Claude Pietragalla – Richard Martin – Didier Lockwood – Levon Minassian – Serge Arribas
Une étoile, un poète et trois musiciens
« Si tu considères que l’homme se réalise en tant qu’homme, et que son rapport au monde se réalise en tant que rapport humain, alors tu ne peux échanger que l’amour contre l’amour, la confiance contre la confiance… » (Karl Marx)
Pour que vive longtemps encore ce théâtre, magnifique lieu de culture et de partage, qui n’a reçu aucune des aides promises pour la salle Léo Ferré, les frangins saltimbanques se sont mobilisés et sont venus en masse. Ce spectacle du 28 novembre 2017 faisait partie des soirées de soutien offertes au théâtre par les artistes.
Les « citoyens spectateurs » présents dans la salle du théâtre ont assisté à une soirée unique, féérique, magique, d’une intensité prodigieuse : la musique, la poésie, le chant et la danse unies avec force et éclat au point de devenir un instrument unique, une alliance fraternelle. Les utopies si souvent rêvées, là, à portée d’âme, dans un espace de liberté totalement réinventé et l’on sait que plus rien, désormais, ne sera semblable.
Cinq artistes d’exception, complices de l’âme, ont mis leur talent au service de l’humain, de la vie, de l’espérance et du Toursky pour partager des instants d’éternité. Ils ont appelé à l’amour et à la poésie.
Féérie en noir et blanc
Le rideau s’ouvre sur une scène dépourvu d’artifices, plongée dans le noir. Tour à tour, ou ensemble selon le moment, un jeu de lumières claires met en valeur les artistes. Seuls traits de couleur, du rouge aux pieds de Richard, aux lèvres et aux doigts de Pietra, et la couleur chaude du violon de Lockwood. Le ton est donné. Ici, la valeur est aux mots, à la musique, à la danse. C’est le début d’une féérie à cinq.
Cette nymphe au corps de déesse, longue robe de soie blanche fluide et dansante, lovée dans la langueur du doudouk de Lévon Minassian, est-ce Marie-Claude Pietragalla qui débute le spectacle, lovée dans la langueur du doudouk de Lévon Minassian ? Ce doudouk trois fois millénaire dont le musicien tire des sons bouleversants ? La voix off de Richard Martin résonne dans la salle. Pietra ondule, pieds nus, déesse et femme, sensuelle et charnelle. Elle semble flotter au-dessus de la scène. La musique du doudouk l’enveloppe -lointains parfums d’Arménie- douce et délicate comme la fleur de l’abricotier dont est fait cet instrument, vigoureuse et fière comme son peuple, parfum suave et envoûtant.
« C’est la poésie qui fait le mot. »
Comédien au talent remarquable, Richard dit les mots de Léo, son ami, son alter égo, son frangin. Des mots rugueux, des mots qui dérangent, des mots qui enchantent. Il ne récite pas, il ne déclame pas. Il vit. Ce n’est plus Martin, c’est Ferré ! La plume de Léo était une arme, la voix de Richard est à la gâchette ! Ce soir, Richard Martin partage son engagement, sa citoyenneté. Il la revendique et nous souhaite : « NI DIEU NI MAITRE !»
Didier Lockwood frotte, pince, fait vibrer, chanter, piailler, comme autant de passereaux ou de mouettes survolant les pointus des pêcheurs dans le port de Marseille, les cordes de son violon lyrique, révolté, endiablé. Richard Martin pose sa voix puissante, chaude, tour à tour revendicatrice, rebelle, tendre. Elle s’empare du silence sans le froisser, sans l’abimer, tout en douceur. Elle monte dans les graves pour réveiller les consciences, se fait caresse, épousant le corps de Pietra, tous deux vêtus de noir, c’est extra ! A l’ampleur de sa voix, le comédien ajoute la factuelle du geste, la sobriété. Immensément poète, intensément humain, pour toujours libertaire, Richard Martin étreint la scène et la salle. Il est le citoyen qui aime. Il est l’amour qui fait les citoyens. Il incarne la liberté et l’espoir, pour demain ou dans dix mille ans peut-être, l’espoir.
Et que l’on ne me fasse point taire, et que je gueule pour ton bien, dans ce monde où les muselières ne sont pas faites pour les chiens…
« Thank you Satan ! »
Avec les paroles de Léo Ferré, avec Villon, Richard revendique le droit à la rage : « Monsieur Franco, à peu près au temps des cerises, a descendu tous les oiseaux qui chantaient la terre promise. Y en a marre !!!
Et le droit à l’amour : Le poète a l’âme au cœur, et le cœur à l’âme, la fougue et la nostalgie, la jeunesse en étincelle. Richard ne lâchera rien ! Pietra, Levon, Didier et Serge l’accompagnent dans cette mélodie de la fraternité. Douce folie artistique et citoyenne. Quel curieux et fabuleux mariage : une danseuse étoile, un poète, un doudouk divin, un violon fantastique, un piano numérique séraphique. Les artistes dialoguent, s’interpellent, jouent à se répondre. Marie-Claude Pietragalla improvise avec Didier Lockwood et son violon farfadet un dialogue du corps et de la musique d’une virtuosité qui n’a d’égale que la complicité et la drôlerie qui s’en dégagent. Si elle s’assoit au coin de la scène, Marie-Claude, immobile, « danse encore ». Une grâce, une élégance, dans ses gestes, une intensité sur son visage. Cheveux noirs coupés courts lui donnant l’air d’une garçonne tranchant avec cette féminité revendicatrice et troublante, robe noire simple, et, nus, ses bras, son cou, ses jambes : cette femme, cette artiste resplendit d’art et de beauté.
Moment fort entre tous, Pietra, liane de tendresse, entoure de sa danse et de ses vibrations le poète, debout, immobile. Elle prend sa main, et dans un geste d’une émotion et d’une beauté fulgurante, la pose sur sa joue. Musique, poésie et danse mêlées. Richard et Pietra se rapprochent et dansent enlacés tendrement, oui c’est extra ! Leur tendresse mutuelle, leur amitié déborde.
La foule suspendue au souffle bouleversant de la musique des mots, de la musique des instruments et de la musique des gestes, a donné, à la fin du spectacle, libre cours à son enthousiasme par une salve d’applaudissements, voulant à tout prix retenir les artistes pour que ne s’achèvent pas ces moments exaltants de plaisir partagé.
Après un duo Pietra-Lockwood brillantissime, Richard Martin offre « Marseille » à ses concitoyens spectateurs. Les cinq artistes se regroupent et jouent ensemble : une interaction où transpire le respect du camarade, l’amitié, la sensibilité artistique, le professionnalisme : un pur bonheur. Après la déclaration de Richard : « Marseille, Je t’aime », Richard Martin et Marie-Claude Pietragalla, bras dessus, bras dessous, s’évanouissent dans l’obscurité de la scène, avant de revenir tous les cinq saluer le public en se tenant la main.
« LA POESIE EST UNE CLAMEUR »
« Si je heurte les bonnes consciences décorées, je m’en tape, disait Léo Ferré » Ce soir-là, loin de heurter les consciences, l’esprit conjugué des cinq artistes sur scène a communiqué ce petit « je ne sais quoi » qui ouvre grandes les portes à culture et la fraternité.
Toi qui me lis, tu ne verras pas ce spectacle, mais tu peux imaginer. Cette création est un moment unique, une virgule, un espace-temps, une œuvre éphémère, un chef-d’œuvre.
Danielle Dufour-Verna
Mais vous pouvez retrouver les artistes présents ce soir-là dans d’autres spectacles prestigieux : au théâtre Toursky 16 promenade Léo Ferré 13003 Marseille tél 04 91 02 58 35 pour les réservations (parking à 3 mn à pied)
RICHARD MARTIN « Histoire DU SOLDAT » avec Marianne Sergent et Jean-Philippe Dambreville (création) mardi 20 mars 2018
LEVON MINASSIAN « de l’ARMENIE à l’ANDALOUSIE» avec Juan Carmona le samedi 10 février 2018
MARIE-CLAUDE PIETRAGALLA, Julien Derouault et Daniel Mesguich « LORENZACCIO » Le vendredi 16 février 2018
DIDIER LOCKWOOD sur CD chez Sony « OPEN DOORS » avec un superbe trio : André Ceccarelli à la batterie, Antonio Farao au Piano et Darryl hall à la basse
Ne manquez pas, dernière soirée de soutien : « LE GALA DE L’HUMOUR » le mardi 19 décembre 2017 à 21h avec Christophe Alévêque, Smaïn, Marianne Sergent, Louise Bouriffé et… un invité surprise.
Les spectacles de la nouvelle saison débutent dès le 12 janvier, à consulter sur www.toursky.fr
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