De la nécessaire pluralité de la presse à Marseille ….
…. pour que puisse s’exercer notre citoyenneté pleine et entière
Pourquoi un édito sur la pluralité de la presse me demanderez-vous ? La presse, intégrée au Ministère de la Culture, participe de la Culture et à la Culture au sens large du terme. Sans la diversité des médias, de nombreuses créations culturelles ne pourraient être visibles et/ou connues du public.
Chaque journal, de par la spécificité de sa ligne éditoriale et de ses orientations politiques, offre une information culturelle puisant dans la diversité des propositions artistiques, mettant en lumière telle œuvre, tel ouvrage, tel artiste, telle création. Et même s’il est à regretter l’uniformisation des informations culturelles présentes dans de nombreux médias aujourd’hui, certains tentent d’offrir un autre regard sur la Culture et se démarquent de leurs confrères par les choix qu’ils opèrent dans l’offre culturelle, dans la hiérarchisation des informations et leur traitement de la Culture etc… La Marseillaise en a été longtemps un bel exemple.
Alors, oui, j’ai toujours eu beaucoup d’affection pour la Marseillaise et de savoir que le plan de sauvetage du journal comporte un volet de départs volontaires de 44 salariés dont 28 journalistes sur les 85 salariés restants m’inquiète quant à l’avenir du média et des conditions de travail de tous ses salariés mais également du risque de création d’un monopole de l’information en butte avec nos valeurs démocratiques.
En 2015, un premier plan de redressement avait créé une saignée parmi le personnel et trois ans plus tard, elle se poursuit. Comment sera-t-il possible aux salariés du journal de poursuivre leur travail pour sortir un quotidien (édition BDR) et deux hebdomadaires (éditions Gard et Var) avec si peu de forces vives restantes ?* La pagination du quotidien a déjà été réduite à peau de chagrin et nous sommes loin des éditions fournies des années 2000.
Certes la Marseillaise a souvent connu des périodes difficiles en termes financiers mais à l’époque elle comptait plus de 200 salariés, avec des éditions riches et un lectorat fleurissant. Aujourd’hui, la presse est en crise : nombreux sont les quotidiens dont le lectorat baisse à vue d’œil. C’était encore le cas de La Provence ces dernières années. L’option de développement du digital avec le succès des applications et des réseaux sociaux, ainsi que l’avènement du journalisme augmenté, est envisagée pour donner un second souffle a de nombreux médias print.
Suffira-t-elle à sauver la presse ? Le modèle économique des supports web (qu’ils soient payants, semi-payants ou gratuits) avec ou sans monétisation du contenu et/ou vente de publicité (qu’ils fassent également appel au crow-funding, voire développent des prestations de services pour diversifier leurs sources de revenus…) se cherche encore et l’équilibre financier est quant à lui difficile à atteindre (l’achat d’encarts pub ou de bannières publicitaires sur les sites internet n’est pas pratique courante et se révèle peu rémunératrice).
La presse souffre d’une part d’un désengagement des tutelles, d’autre part de l’absence d’intérêt des investisseurs pour un média : ils lui préfèrent souvent de grands événements médiatiques qui leur offrent une plus grande visibilité. La Marseillaise dont le passif est de 6.7 millions d’Euro risque à court, au mieux à moyen, terme de disparaître du paysage médiatique régional car ce n’est pas un énième plan social qui la sauvera de la faillite si aucun investisseur n’ose prendre le risque de parier sur son avenir possible avec les dangers que cela peut comporter.
Nous avons besoin d’une pluralité dans la presse quotidienne: nous avions le Soir, le Provençal, le Méridional et la Marseillaise, reflets de la pluralité des tendances politiques du pays. Après la disparition du Soir, la fusion du Méridional et du Provençal de laquelle est née la Provence, plutôt ancré à droite, il ne reste que deux quotidiens dans notre ville. Il serait vraiment dommage que la deuxième ville de France perde son deuxième quotidien survivant de la gauche dite progressiste.
A l’avenir, si une situation de monopole d’un quotidien s’instaurait, ce serait la fin de la pluralité de la presse quotidienne, la fin d’une information plurielle et contradictoire au profit d’une information une et uniforme. Un seul son de cloche, une seule parole, une seule voix, une pensée unique : dans ce cas, quid de l’équilibre démocratique de la Cité.
Pour assurer au citoyen son droit à l’information, respecter sa liberté de choisir sa source d’information selon son cœur, également lui offrir les possibilités de se faire sa propre opinion sur les événements en confrontant les sources d’informations, il est nécessaire que vive un second journal à Marseille, ici, la Marseillaise qui il y a peu fêtait ses 70 ans. Diane Vandermolina.
*les éditions quotidiennes du Gard et de Var sont en passe de devenir hebdomadaires, une des conditions du sursis d’un mois obtenu le 31 janvier dernier.