De passage à Marseille, les Kesaj Tchavé ont enflammé le Toursky
Dans le cadre de « Faites de la Fraternité », le théâtre Toursky accueillait le vendredi 25 mai, Kesaj Tchavé, un groupe de chants et danses traditionnels tsiganes, venu de Slovaquie orientale, dont le fondateur et directeur artistique est Ivan Akimov, musicien virtuose de balalaika, à la fois chef d’orchestre, de chœur et chorégraphe.
Soutenus par le CCFD Terres solidaires, le groupe est composé de jeunes Roms de tout âge vivant dans les bidonvilles de l’est de la Slovaquie. Ces jeunes artistes (danseurs, musiciens, chanteurs) ont été pris sous l’aile d’Ivan AKIMOV qui depuis 15 ans avec sa femme, Helena, leur fait parcourir l’Europe afin qu’ils partagent leur culture et expérience. Une récompense méritée pour ces enfants qui ont pris le chemin de l’école grâce à la détermination d’un homme. Un lycée Rom accueillant une vingtaine d’élèves-bacheliers Roms a par ailleurs été créé par ce dernier afin de faciliter leur scolarisation. Car ces jeunes souffrent d’exclusion sociale et vivent dans une immense pauvreté.
Estime et respect sont au fondement de l’action « solidaire » d’Ivan et le spectacle présenté au Toursky est le fruit d’un long travail, basé sur trois fondamentaux : « rigueur, respect et joie de vivre ». En chef de « meute », il mène la danse avec fermeté et amour, générosité et enthousiasme : comme il aime à le dire en souriant, entre deux anecdotes sur leur voyage, « je les mène à la baguette ». Un périple cocasse entre des policiers qui les ont encerclé le matin aux Saintes Maries de la Mer les prenant pour des squatteurs ou encore ceux qui ont oublié leurs fiches dans l’énorme camion du groupe, après un contrôle douanier de routine.
Il est vrai que tous les enfants présents ce soir sur le plateau (ils sont une petite trentaine en comptant le pianiste et le guitariste) étaient à l’écoute du chef, polyinstrumentiste et polyvalent, à l’affût du moindre déplacement des danseurs, de la plus petite modulation dans le chant. D’un regard, d’un mouvement de main, d’une note jouée, il donne le LA à chacun. L’énergie déployée est ici remarquable, une énergie joyeuse et débordante de vitalité. Entre claquettes, hip hop et percussions corporelles, les garçons du groupe font preuve d’un talent impressionnant, à l’écoute les uns des autres, sans cesse en mouvement.
Donnant la main aux filles du groupe pour exécuter quelques pas de valse sur un rythme enlevé, les jeunes hommes nous racontent sans un mot leur histoire, leurs us et coutumes, leur tradition, leur culture, le ciment de leur être, avec des moments où point une touche d’humour quand un des garçons se fait « chasser » par la plus charmante des filles, vers laquelle il revenait, tout penaud, après l‘avoir délaissée un temps pour une autre. Un moment très théâtral et amusant, qui nous rappelle que nous partageons tous les mêmes sentiments, que nos différences ne sont qu’un vernis « social » (créé par la société de laquelle nous sommes issus avec ses lois et ses règles qui changent d’une contrée à l’autre) qui cache l’universalité de notre humanité.
Les filles avec leurs robes aux larges volants virevoltent, tournoient, tourbillonnent au rythme des percussions et du balalaika, s’essayant à une gestuelle proche de la danse contemporaine, avec amusement parfois. Car dans ce spectacle, la danse traditionnelle se mêle aux danses dites « contemporaines » dans une chorégraphie aux respirations et ruptures judicieuses, épousant le son de l’instrument avec ses cordes frottées dans un glissando allant crescendo. Et les chanteurs d’entrer dans la danse ou les danseurs d’intégrer le chœur, baignés de sueur après un set de percussions corporelles endiablées et frénétiques dans une alternance de figures et de tableaux qui s’enchainent avec fluidité.
Un sentiment de bonne humeur et de joie de vivre flotte dans la salle, le public acclame les jeunes Roms, tapant des mains au son de cette musique entrainante qui ne peut laisser insensible. Et le public venu nombreux ne s’est pas trompé : Kesaj Tchavé nous offre du bonheur en partage, sans arrière-pensée, sans filtre. Preuve en a été faite par le joyeux bœuf chorégraphique final : de jeunes roms marseillais venus assister au spectacle ont été invités à monter sur scène afin de partager un moment avec les membres du groupe.
Ainsi s’achevait sur le plateau du Toursky une bien jolie soirée prolongée, au sortir de la salle, le temps de quelques chansons, par Christina Rosmini : cette dernière a conquis le public avec ses reprises de chants engagés et révolutionnaires à l’image de « Bella Ciao » ou encore avec l’émouvant « Temps des cerises ». La soirée s’est terminée en apothéose, les spectateurs sont repartis le cœur léger et l’esprit en fête, avec du baume à l’âme. DVDM
Amaro dživipen – Notre vie
Par les Kesaj Tchavé
Danse et musique : Števo, Mária, Paľo, Kika, Kristián, Lucia, Rikus, Stáňka, Maroš, Diana, Erik, Iveta, Ezel, Ženika, Domino, Žoana, Tomáš, Zdenka, Gadžoro, Kasandra, Slavo, Buľáš, Kubo, Vladko, Dominik, Adrián, Ľubo.
Arrangements, musique et chorégraphie par Ivan Akimov et Helena Akimova. Costumes : Miroslav Gulyas.
Durée 1h/ Tout public/ En tournée en France jusqu’au 3 juin !
Plus d’infos sur : http://kesaj.blogspot.fr/2018/05/