CONTRETEMPS par la Compagnie RASSEGNA
A découvrir le Jeudi 14 juin 2018 à 18h30 et à 21H00 à la Maison de la Poésie à Paris (tarifs : 15/20€)
Présenté à la Criée fin mai dans le cadre du festival « Oh ! les beaux jours »
Une création hybride, au carrefour des arts et de la parole
Quelqu’un ayant quelque goût pour la musique, ô pardon Monsieur Boucheron, les notes parsemées sur les parchemins moyenâgeux, et bien entendue, l’époque médiévale, sans être pour autant médiéviste, n’aurait pu passer à côté de la proposition alléchante de la compagnie Rassegna.
Avec son Contretemps, musical et historique, ma curiosité avait ainsi été piquée par la promesse de notes flottant dans l’air au diapason d’un temps ancien, lointain, mais pas tant que cela au regard de notre époque actuelle, où la douceur de l’amour de deux amants s’aimant à l’aube du printemps en fleur est devenue aujourd’hui surannée et désuète, palote dirait M. Boucheron. Ah, cette usure des mots que nous devons réinventer et qui pourtant firent les beaux jours des trouvères, chantres de l’amour courtois.
Passé de mode l’amour courtois avec Rutebeuf, un des premiers auteurs à parler de ses misères et des difficultés de la vie qui aimait à se surnommer Rudeboeuf (bœuf vigoureux). Ce même Rutebeuf dont se réclament Verlaine, Rimbaud et Ferré. Ah, la filiation revendiquée par les artistes qui écoutent et relisent ces vieux textes avec les oreilles et les yeux de leur présent !
Oubliées ces femmes troubadour- dites trobairitz – à l’image de la comtesse Beatritz de Die dont les poésies et les chants n’occupent qu’un petit recueil minuscule dans la grande librairie du monde contemporain. Était-elle vraiment comtesse ou était-ce du fait de sa beauté qu’elle se nommât ainsi ? Et Rutebeuf d’avoir véritablement été l’auteur des textes des recueils portant son nom ?
Il en est ainsi de cette période de l’histoire dont nous n’avons gardé que si peu de traces. Faisons fi des polémiques soulevées par M. Boucheron, dont les anecdotes croustillantes amènent toutefois quelque vie à son dire magistral : le Monsieur est professeur au collège de France, un homme d’histoire passionné et érudit, qui nous fait ici une belle démonstration de ses connaissances avec un sens certain de la scène.
Hélas, il est fâcheux que dans le long déroulé de son discours mâtiné de réflexions philosophiques passionnantes (ici la notion moyenâgeuse d’homme, cet arbre inversé, qui soulève la problématique de l’inversement des choses dans la pensée du Moyen Age et par extension de la déchéance qu’est l’enracinement, subtile référence à Dante), il ne soit fait quelques raccourcis nuisant à la compréhension immédiate de sa pensée. Et la fin de son discours de s’achever sur une pirouette où la question du renversement est assimilée à celle du contretemps : alors, oui, « nous avons le temps, mais pas tout le temps ». Sur ces mots se clôt cette présentation.
Alors qu’en penser ? Il est évident que la création proposée ne se réclame ni du spectacle vivant ni de la conférence. Son déroulé est organisé de façon linéaire où, entre deux longs « pavés » de texte éructé au micro, s’intercalent quelques brefs temps musicaux (avec une légère saturation dans les basses, mais soulignons ici la magnificence de la flûte Kaval et les arrangements inspirés de Bruno Allary dont la voix chantée est fort belle), voire quelques esquisses de mouvements dansés (rares mais exquises, néanmoins les danseuses servent essentiellement au déplacement des grands panneaux formant le décor sur lesquels sont projetés des manuscrits anciens).
Il est à regretter in fine le peu d’interaction entre les arts et la parole. Une présence plus marquée de la musique et des chants, voire des danses, eut offert de belles respirations poétiques à cette création mais peut être eusse été un contresens à ce projet en contretemps où la création musicale apparait telle un élément rythmique venant en rupture avec la mesure du discours, ici le temps fort d’un contretemps musical.
DVDM
Informations pratiques :
Guitares, voix, composition : Bruno Allary/ Textes, voix : Patrick Boucheron/Flûtes kaval, composition : Isabelle Courroy/Danseuses : Zoé Bleher, Dominique Brunet, Océane Delbrel, Louise Hakim, Magali Lesueur
Mise en scène, scénographie, lumières : Laurent Gachet/ Assistanat mise en scène, chorégraphie : Jessica Fouché
Design sonore : Frédéric Braye/Régie générale, régie lumière : Michaël Hache/Costumes : Magali Perrin-Toinin
Production : MCE Productions (Marseille)/ Durée 1h20/ Public averti
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.