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La mouette et le chat ou l’histoire improbable d’Afortunada et de Zorbas

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Bienveillance et respect au cœur de cette fable poétique et engagée

Le théâtre Marie Jeanne (Marseille) accueillait les 9 et 10 février une création jeune public ‘l’Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler’ d’après le roman du chilien Luis Sepúlveda sorti en 1996, adapté en version marionnettique par la compagnie elliptique.  Cette fable aux valeurs humanistes nous fait réfléchir sur la pollution des océans et ses conséquences sur la faune marine ainsi que sur le droit à la différence en nous contant une histoire d’amitié entre un chat et une mouette.

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Zorbas, un chat du port, rencontre une mouette échouée sur le port, recouverte de mazout. Sur le point de pondre un œuf, se sachant mourante, elle demande au gros chat de lui faire trois promesses : ne pas manger l’œuf, veiller sur lui jusqu’à ce qu’il éclose, et enseigner au poussin à voler. Il lui donne sa parole et s’emploie tant bien que mal à prendre soin de l’œuf (le couver puis nourrir le poussin éclos) grâce à l’aide de ses amis, Colonello, le chat militaire, grand fainéant devant l’éternel, Secretario, son assistant et chat à tout faire, et Jesaitout, le chat savant dont l’encyclopédie est le livre de chevet.  C’est sans compter sur ses deux rivaux qui espèrent se régaler de son œuf et se moquent de ce gros chat que le poussin appelle maman ou encore oublier les souris du port, malignes, qui dévoreraient volontiers le poussin sans défense et négocient avec les chats un droit de passage au restaurant en contrepartie de la sécurité du poussin. Mais voilà que Zorbas s’interroge : le poussin est-il un mâle ou une femelle ? Tous s’en vont demander au chat des mers, Ventdebout, qui leur explique qu’il s’agit d’une femelle. Le temps passe et la petite mouette doit apprendre à voler mais comment faire ? S’interroge Zorbas qui, avec l’accord des chats du port, rompt la promesse de ne pas parler à un humain et demande des conseils au gardien du phare, poète à ses heures.

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« La promesse d’un chat du port engage tous les chats du port ». Cette phrase répétée telle un leitmotiv résume à elle seule les valeurs portées par ce récit : solidarité et fidélité, protection et amitié, acceptation de l’autre dans sa différence et persévérance dans l’adversité, nous questionnant sur notre rapport au monde, à la nature et aux autres via le prisme de la fable animalière, distillant une critique détournée de nos travers humains. Ici, Zorbas réussit malgré les difficultés rencontrées à tenir sa parole et la mouette à s’envoler pour rejoindre les siens. L’envol de la mouette est par ailleurs un des moments les plus poignants du spectacle quand un des marionnettistes coupe les fils (cordon ombilical symbolique) retenant la mouette au sol, sous le regard triste et émerveillé de notre chat éducateur, un personnage drôle et émouvant : comique quand il tente de couver l’œuf, la queue en l’air et qu’il se fait piquer par les moustiques et autres bestioles ; touchant quand il nourrit le petit poussin de pattes d’araignées.

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La manipulation de Zorbas (ainsi que du poussin) est d’une précision et justesse remarquables (chapeau à ​Arnaud Bouquinet​). Il est à regretter ici que la manipulation des autres personnages (en dehors du chat des mers et des souris au babillement délicieux) ne soit pas toujours à son firmament  car chaque marionnette, créée à partir de matériaux recyclés, qu’elle soit à gaine ou à fil, en tissus ou en bois articulé, marottes ou muppets, à doigt ou à prise directe, sont chacune d’une très belle conception et fort bien réalisées. Leur matière et couleur correspondent au caractère de chaque personnage. Le décor, figurant un bateau accosté au port, est fort bien conçu et le jeu de poulie permettant de lever la voile offre la possibilité d’intégrer des jeux d’ombre lors des interventions des deux rivaux de Zorbas, des moments très savoureux (avec leurs petites ombres joliment stylisées).

Cette adaptation mêlant jeu d’acteur et marionnettes fourmille d’idées bienvenues même si on peut noter un manque d’homogénéité dans leur manipulation. A décharge, la plupart des membres de la compagnie ont une formation d’acteur à la base (Franck Libert, Stéphanie Louit et Diana Barzeva). Néanmoins, l’effet d’émerveillement est là et le public se laisse prendre au fil de cette aventure joliment contée. Une belle découverte qui a ravi petits et grands avec son univers son et lumière et ses effets live. DVDM

© photos : compagnie Elliptique

Rmt News Int • 16 février 2019


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