AUJOURD’HUI Les ROBOTS : retour sur l’Université populaire du Théâtre Toursky
Jeudi 28 février 2019, le Théâtre Toursky, son Directeur Richard Martin Aux côtés de Roland Gory, éminent écrivain, psychanalyste et professeur émérite de psychologie et psychopathologie, recevaient Jean-Paul Laumond, Directeur au CNRS, membre de l’Académie des Sciences et Roboticien, pour une université populaire ‘fantastique’, devant un public attentif et séduit.
LA CULTURE A LA PORTEE DE TOUS
‘La gratuité et l’ouverture à tous est le principe fondamental des universités populaires du Théâtre Toursky qui aspirent à renouer avec l’utopie et l’exigence d’une culture pour tous, qui soit vécue comme un vecteur de la construction de soi et d’une identité citoyenne. L’accès au savoir est essentiel et le Toursky le sait, implanté dans des quartiers populaires où il trace, depuis plus de quarante ans, des chemins de culture et ouvre grand ses portes. Rendre la culture et le savoir accessibles au plus grand nombre, une vocation originelle du Théâtre Toursky qui trouve son aboutissement toute l’année, au fil de sa programmation et de ces Universités populaires, moments de rencontres et de partages’.
Jean-Paul Laumond est un roboticien né en 1953, directeur de recherche au CNRS, membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie des technologies. Il a intégré le CNRS en 1984 et il est à présent directeur de recherche au Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (LAAS).
Il a porté de nombreux projets de recherche portant sur la planification et le contrôle du mouvement des systèmes mécaniques et en particulier des robots humanoïdes.
Il a codirigé le laboratoire franco-japonais de robotique humanoïde CNRS-AIST JRL à Toulouse de 2005 à 2008. Il est le cofondateur de la start-up Kineo-Cam qu’il a dirigée pendant deux ans et qui a reçu plusieurs prix d’innovation avant d’être racheté par Siemens en 2012. Jean-Paul Laumond est élu membre de l’Académie des technologies en janvier 2016 et à l’Académie des sciences en décembre 2017.
Après la lecture d’un court texte de Jean Giono, Richard Martin souhaite la bienvenue à l’assemblée et aux intervenants :
« Combien ces moments que nous partageons, même si c’est entre une chapelle d’amis, sont importants pour la mission de ce théâtre et je crois que quelles que soient les circonstances, les humeurs et les évènements, nous devons, avec ces universités populaires, résister et poursuivre notre travail de partage. Je crois que c’est la dernière porte de secours et, je réfléchis, je n’en trouve pas d’autres. Et si vous me dites qu’il faut passer par un trou de souris pour que demain soit autre chose, je vous suivrai. Merci. »
Moins de Fascination, plus d’Emerveillement
Si ce soir j’ai quelque chose à dire, ce sont quelques mots sur la technologie pour que vous soyez moins fasciné et un peu plus émerveillé. Les technologies du passé s’inscrivent dans l’histoire des technologies. La robotique s’inscrit dans l’histoire des machines.
L’imaginaire est très puissant vis-à-vis de la robotique et il est ancien. Dès les premiers textes datant de centaines d’années avant JC, en écriture cunéiforme, il est fait mention de rois lançant des massues qui allaient directement tuer l’ennemi : c’était ‘un drone’.
« Il faut démythiser le robot et tout ce qui s’y rapporte » (Gilbert Simondon)
Le précédent millénaire s’est terminé sur la révolution informatique, le nouveau millénaire commence sur celle de la robotique. En 50 ans, on a vu arriver le smartphone, les moteurs de recherche, le GPS dans les voitures… c’est au tour des robots, de l’explorateur spatial à l’assistant chirurgien. La robotique médicale, nous dit-il, c’est « la possibilité offerte aujourd’hui au chirurgien d’améliorer la précision de son geste : plus d’un million de patients ont aujourd’hui été opérés avec un robot ». Les premiers succès de la robotique remontent aux « robots assembleurs, soudeurs ou peintres, largement répandus » dans les usines du monde entier « depuis l’apparition en 1961 du robot «Unimate» sur une chaîne de production de General Motors ».
« Un robot, c’est une machine qui bouge »
Jean-Paul Laumond rappelle que « La robotique traite du rapport avec le monde réel, que peut entretenir une machine, qui bouge et dont les mouvements sont dirigés par un ordinateur » A ceux qui craignent l’arrivée des robots, il rappelle que les inventions ont souvent des applications surprenantes, et, en chirurgie par exemple, la robotique permet de sauver des milliers de vie… Les premiers exosquelettes (des armatures «intelligentes» qui s’adaptent sur les bras ou les jambes, ndlr) seront bientôt opérationnels. Ils pourront être utilisés pour faciliter le déplacement et remettre debout les personnes à mobilité réduite. A plus long terme, le défi est de faire entrer le robot dans les maisons pour effectuer des tâches quotidiennes. Les robots-aspirateurs autonomes qui existent ne sont que les prémices de cette évolution.
« Il faut s’emparer de ce champ de la connaissance et non plus le subir ».
Contrôler l’utilisation que l’on fait des robots
« Il faut laisser les écrivains de science-fiction à leurs fantasmes, insiste-t-il, les robots ne représentent pas un danger en soi. Comme toute nouvelle technologie, c’est l’utilisation qui en sera faite qui peut poser problème, pour l’armée par exemple. Il est difficile d’anticiper ces usages et leurs conséquences. Aux débuts du téléphone portable, qui aurait pu prédire la manière dont ce nouveau moyen de communication allait transformer nos modes de vie? Qu’il permettrait de sauver des vies humaines? Il ne faut pas non plus oublier que personne ne prévoyait aux débuts de l’automobile que cette «machine» tuerait chaque année des milliers de personnes. Nous sommes au commencement de la robotique. Gageons que nous saurons l’utiliser pour notre bien.
Les machines, suprématie capitaliste (selon Marx) ou Libération de l’homme ?
Pour l’homme de science, le robot est au service de l’homme et la machine ne pourra jamais ‘commander’ l’humain. De là à savoir, comme le rappelle justement Roland Gory, citant Marx, si : « tout le système de la machinerie automatique forme un monstre qui écrase l’humanité asservie et malheureuse sous le poids de son oppression », un monstre « qui dominerait le tableau d’ensemble de la société actuelle». Dans cette perspective, la science est « avant tout une suprématie technologique, le monopole d’une minorité exploiteuse. Le capitalisme, lu et analysé « à son plus haut degré d’expansion », donne lieu à une contradiction entre le développement surabondant de la machinerie et la base restreinte du système qui conduit la « mesure quantitative du travail » à l’absurdité.
Un très intéressant débat s’est donc instauré avec le public, permettant de répondre à toutes les questions, ne satisfaisant peut-être pas toutes les curiosités, mais avec l’avantage, après un si édifiant exposé, d’éclairer un peu plus notre lanterne.
Rendez-vous est pris le jeudi 21 mars à 19h, pour la prochaine université populaire du Théâtre Toursky « Malaise dans la Kultur » Avec Rajaa Stitou, psychanalyste, directrice de recherche en psychopathologie clinique Université Montpellier3, Roland Gori, professeur émérite des Universités, psychanalyste et Richard Martin.
Danielle Dufour-Verna
THÉÂTRE TOURSKY
16, passage Léo Ferré – 13003 MARSEILLE
04 91 02 58 35
A noter que cette université populaire a été entièrement filmée afin de pouvoir être retransmise.