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RENCONTRE avec ENEA SCALA, ténor sicilien

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Une ETOILE –très– MONTANTE du CHANT LYRIQUE

Nous avons rencontré Enea Scala, magnifique ténor belcantiste, étoile montante dans le monde ardu des chanteurs d’opéra. Acclamé à chacune de ses apparitions, il a gagné la faveur du public marseillais. Enea Scala débute dans le rôle du Duc de Mantoue de Rigoletto de Verdi qui sera à l’affiche de l’Opéra de Marseille en ce beau mois de juin 2019. Elégant, sympathique, charmant, Enea Scala a répondu avec plaisir à nos questions :

 Peux-tu me parler de ton enfance ?

Je suis né en Sicile en province de Ragusa, à Pozzallo. Dans ma famille tous jouaient de la musique en amateurs : piano, sax etc. du jazz, de la country. J’ai étudié le piano, mais seulement les bases puis, adolescent, la guitare pour m’accompagner sur des chansons pop. Par la suite, j’ai fait partie d’un corps polyphonique pendant plusieurs années et j’ai commencé à développer l’amour pour la musicalité à quatre voix, la musique sacrée, la musique classique de la renaissance etc. Ma famille m’a soutenu et accompagné dans cette culture de l’opéra, du théâtre.

Quand as-tu découvert ton timbre de voix et où as-tu étudié ?

J’ai découvert ma voix de ténor lyrique vers les 20/21 ans. L’intonation, la musicalité, je l’ai toujours eue. Ma voix ‘blanche’ d’enfant était une voix très puissante, très aigüe et je chantais partout. J’ai étudié au conservatoire de Bologne et j’étudie toujours – car on étudie toute la vie- avec mon maître à Bologne.

Quel a été ton premier rôle ?

Les premiers ont été de petits rôles. Commencer avec des rôles principaux n’est pas une bonne chose car on ne se crée pas une expérience. Mon premier rôle à Bologne a été ‘il Matto’ (le fou) dans l’opéra de Mancinelli « Paolo e Francesca » en 2006. Puis j’ai débuté réellement en 2007 dans le ‘Didon et Enée’ de Purcell dans lequel je chantais il marin, un petit rôle. Puis d’autres petits rôles encore dans d’autres opéras. Les rôles plus importants sont arrivés avec Rossini : Lindoro dans ‘l’Italienne à Alger’, ‘le Barbier de Séville’, ‘La Cenerentola’ puis ‘La Somnambule’ de Bellini. Ceci dans les trois premières années de ma carrière.

Aurais-tu voulu chanter plus souvent en Sicile ?

Il y a seulement trois opéras importants en Sicile dont deux dans les villes principales : Palerme et Catania puis à Messine. J’ai chanté une seule fois à Messine car la saison y est très courte. C’est difficile car ils ne  proposent rien au vu de la situation financière des théâtres. A Catane, je rêverais de chanter car c’est là que j’ai vu un opéra pour la première fois ‘Rigoletto’, j’avais 17 ans. De plus, c’est la ville la plus proche de Ragusa. J’ai chanté deux fois à Palerme au Théâtre Massimo et j’espère qu’il y aura une troisième opportunité d’y retourner dans le futur. Mais le problème, c’est que ‘Personne n’est prophète en son pays’. Quand quelqu’un naît quelque part il n’est pas dit que c’est là qu’il travaillera le plus souvent. Et l’artiste doit propager son art dans le monde entier, là où le mène la vie, sa carrière. Notre but est de toucher le plus de public possible, dans tous les pays possibles.

Quel est ton plus beau souvenir à l’opéra jusqu’à présent ou quel rôle préfères-tu?

Je ne peux pas en citer un seulement. Il y en a énormément. Treize ans de carrière, c’est déjà beaucoup. Je ne préfère pas un rôle. Je peux dire avec certitude que je me trouve à mon aise avec certains auteurs. En ce moment par exemple, je chante Le Duc de Mantoue dans Rigoletto et actuellement c’est mon rôle préféré car je suis en train de le chanter. En ce moment je me dédie à cent pour cent à ce rôle, je l’aime et j’accepte même le personnage qui est un personnage incommode. Ce n’est pas un personnage positif et cela me plait de jouer avec cet aspect, de le porter également dans la voix. Bien sûr, quand j’ai fait Alfredo, j’ai aussi aimé Alfredo…J’en aime énormément. J’aime tous les rôles où j’ai pu m’approprier le personnage. C’est à chaque fois une conquête.

Pour toi qui t’exprime avec aisance théâtralement, trouves-tu plus de difficulté à faire une représentation concertante ?

C’est très difficile. Il y a des collègues qui préfèrent rester immobiles pour chanter tandis que pour moi c’est un ensemble : la scène, la voix, le jeu d’acteur, le corps parle avec la musique. C’est pour moi difficile de rester immobile, avec une partition devant. On voit tous les spectateurs du premier rang qui te regardent… Le problème est que tu dois croire encore plus, t’investir totalement du rôle.

Comment es-tu venu à l’Opéra de Marseille ?

Je suis venu à Marseille en 2015 avec Falstaff en remplacement d’un chanteur qui avait annulé et j’ai été appelé presque au dernier moment. Cela m’a vraiment porté chance. Je suis très heureux de ce hasard.

Comment expliques-tu l’engouement du public marseillais à ton égard ?

Je suis très fier de cela et j’espère que cela continuera car c’est un théâtre magnifique avec des gens merveilleux qui y travaillent avec beaucoup de cœur. C’est l’enthousiasme je pense, d’un public du sud, comme je le suis moi-même, qui aime les voix méditerranéennes, qui aime le soleil dans la voix, qui aime ce timbre d’une voix, ces caractéristiques et qui aime une personnalité scénique qui exprime totalement ce qu’elle est en train de chanter. Il y a comme une connexion car le public de Marseille est solaire, méditerranéen. C’est une ville de contrastes, très forte, comme peut l’être Naples, Palerme, le sud de l’Italie, une ville de port, de mer. Disons que dans cette ville, je me sens chez moi. Une ville multiethnique et c’est une très belle chose car elle ajoute des valeurs culturelles à la population. C’est un signe de fraternité qui existe en France qui devrait exister partout. Il y a le respect du vivre-ensemble avec les cultures multiples. Notre occident est fondé sur ce concept.

As-tu déjà travaillé avec les chanteurs présents sur ce Rigoletto.

Oui, avec une bonne partie d’entre eux sur différentes productions ;

Tes futurs projets ?

Beaucoup de belles choses cette année et l’année prochaine : Je débute ici dans Rigoletto et je le chante immédiatement après à Macerata. Puis ‘Otello’ de Rossini à Frankfort en septembre octobre dans le rôle d’Otello, un Stabat Mater à Barcelone fin octobre, puis je débuterai le rôle d’Hoffmann à Bruxelles en décembre, un autre très beau rendez-vous. Puis en 2020 un très beau début pour moi dans mon registre de ténor belcantiste, c’est un rôle qu’il est bon d’affronter pour pouvoir le proposer dans le futur, Pollione dans la Norma.

Si tu devais me donner le titre d’un livre de chevet ?

Un livre que je relis vraiment souvent : Siddharta de Hermann Hesse,un livre qui exprime le message d’une recherche continue en toutes choses, dans la vie en général à tous niveaux. La recherche que nous faisons nous chanteurs, nous artistes, qui recherchons constamment et qui ne nous en contentons jamais. Nous n’avons jamais la sensation d’y parvenir, que nous sommes parvenus là où nous devons aller. Je le lis à chaque fois avec des yeux différents.

Un film ou un metteur en scène ?

Un film historique, ou un film romancé ou même une comédie. Disons qu’en général je suis assez classique. Donc plutôt un film de Fellini, de Rossellini, un film du réalisme italien.

Une poésie ?

Moi qui suis méditerranéen, qui aime la mer et qui m’appelle Enea je ne peux pas ne pas aimer Constantin Cavafy qui parle du voyage, d’un voyage continu, de la mer. La poésie par exemple qui parle d’Ulysse, qui parle d’Ithaque ou encore une poésie italienne de Leopardi, ‘l’infini’. Il y a de très belles poésies que je peux porter avec moi.

Une peinture ou un genre pictural ?

L’impressionnisme. J’adore l’impressionnisme : Money, Manet, Van Gogh. J’aime également l’art abstrait. Si je devais choisir un cadre pour chez moi j’aimerais un tableau impressionniste, absolument.

Le bonheur, pour toi c’est quoi ?

C’est un état de satisfaction qui naît dans les moments tranquilles et réguliers, sans pics de trop de joie ou de trop de tristesse. Le bonheur, c’est cette ligne ténue et continue. Vivre, être bien, sans deuil, faire ce qui te plaît, le travail qui te plait même si tu n’as pas cette exaltation, cette exagération qui pourrait finir. Le bonheur c’est un équilibre.

Tu es heureux ?

Oui, bien sûr. Je me fais toujours cette demande : « Si je venais à mourir aujourd’hui, aurais-je des regrets ou pas ? » Ma réponse est toujours : « Non ». Cela veut dire que je suis heureux.

Quelque chose à ajouter ?

J’espère simplement que tout ira bien dans le rôle et dans l’opéra que nous nous apprêtons à faire. Nous avons une distribution idéale, une mise-en-scène moderne, minimaliste mais vraiment superbe. Je veux absolument être positif pour cette production et j’espère que tout ira bien, que ce sera pour moi un début heureux et que le public français et marseillais sera ravi de cette production. C’est ce que je souhaite.

 Pour notre part, nous en sommes convaincus.In bocca al lupo, Enea.’

Propos recueillis par Danielle Dufour-Verna

SAVE THE DATE

Quand on a la chance d’avoir des chanteurs aussi prestigieux et une aussi belle production dans le splendide Opéra de la Ville de Marseille, il ne faut surtout pas manquer ce Rigoletto de VERDI très attendu.

Opéra en 3 actes

Livret de Francesco Maria PIAVE d’après le drame romantique Le Roi s’amuse de Victor HUGO Création à Venise, La Fenice, le 11 mars 1851 COPRODUCTION Opéra Marseille / Chorégies d’Orange

Direction musicale Roberto RIZZI-BRIGNOLI Mise en scène Charles ROUBAUD
Décors Emmanuelle FAVRE Costumes Katia DUFLOT Lumières Marc DELAMÉZIÈRE

Gilda Jessica NUCCIO Maddalena Annunziata VESTRI Giovanna Cécile GALOIS
La Comtesse Ceprano Laurence JANOT Le Page Caroline GEA

Rigoletto Nicola ALAIMO Le Duc de Mantoue Enea SCALA Sparafucile Alexey TIKHOMIROV
Le Comte Monterone Julien VÉRONÈSE Marullo Anas SÉGUIN
Matteo Borsa Christophe BERRY Le Comte Ceprano Jean-Marie DELPAS L’Officier Arnaud DELMOTTE Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille

45 minutes avant le spectacle, une présentation de l’œuvre est proposée dans le grand foyer Ernest Reyer de l’Opéra. Entrée libre, sur présentation de votre billet de spectacle.

Cet Opéra mythique de Verdi, Rigoletto raconte la descente aux enfers d’un père, bouffon de cour, victime des courtisans du Duc de Mantoue. Sa fille Gilda tombe amoureuse de ce Duc, insoutenable séducteur. Quel sera le sort de ces trois personnages lorsque Rigoletto apprendra que le Duc a porté atteinte à l’honneur de sa fille ?

Dans cette partition Verdi développe la caractérisation de ses personnages, fait du chœur  un protagoniste à part entière et n’abandonne jamais l’évolution dramatique au profit d’une simple démonstration vocale. C’est ainsi que Verdi permet à l’opéra italien du milieu du XIXème siècle de trouver une nouvelle envergure : plus dramatique et constamment théâtrale.

 Danielle Dufour-Verna

Image de Une: Enéa Scala dans la Traviata à Marseille, janvier 2019 (c) photo Christian Dresse

Rmt News Int • 30 mai 2019


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