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L’histoire de la princesse Turandot (avignon off 2019)

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A 18h55 au théâtre Au bout là-bas 23, rue Noël Biret 84000 Avignon jusqu’au 28 juillet/ +33 (0)6 41 30 53 27

Durée : 50 min/ A voir dès 5 ans ! Une création de la compagnie ‘Autour de la voix’

Nous assistons là à une adaptation pleinement et en tous points réussie par un duo de comédiens/chanteurs d’une œuvre archi-connue des amateurs de lyrique et nous pouvions craindre d’être déçus ! Bien au contraire, la compagnie nous plonge dans l’univers de Turandot avec finesse, drôlerie et talent ! Un régal pour les yeux et les oreilles !

Connaissez-vous l’histoire de la princesse Turandot ?

Inspiré d’une légende persane médiévale, le personnage Turandot apparait dans « les Mille et Un Jours » de François Pétis de la Croix (en 1710), orientaliste féministe. Son recueil de contes dits persans est adapté des légendaires « Mille et Une Nuits ».

« Turandot » est une histoire d’amour d’un genre particulier entre une princesse de glace aussi belle que cruelle qui se refuse à tout homme, Turandot (dont le nom signifie « fille de Touran » c’est-à-dire d’Asie centrale et, par extension, de  Chine) et un courageux prince étranger tombé amoureux de la belle au premier regard, Khalaf (son nom vient de l’arabe « khalîfa » et évoque le Calife ou « successeur au trône » de Chine).

Giacomo Puccini a fait de cette histoire un magnifique opéra qu’il n’a hélas pas pu terminer –la fin est signée Franco Alfano-, la mort l’ayant fauché en 1924 avant qu’il ne puisse parachever son œuvre. Pour cet Opéra, le livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni  est inspiré de la comédie de Carlo Gozzi « Turandot » écrite en 1762.

Calaf et Liu

Dans l’histoire qui nous est conté par la compagnie ‘Autour de la voix’, la princesse chinoise est réfractaire à l’amour, par fidélité au souvenir de son aïeule violée et assassinée par un prince étranger : elle soumet chacun de ses prétendants à trois épreuves puis à trois énigmes.  Le prétendant doit lui faire découvrir quelque chose qu’elle ne connait pas, trouver la flûte sacrée protégée par un géant dans une montagne et dompter le dragon. Puis, il devra répondre à trois questions : s’il échoue, il mourra décapité par le sabre du bourreau. S’il réussit, elle devra l’épouser…

Réalisation 

Ici, il n’y a point de Ministres, point de Mandarin, point d’Empereur ni de Père en exil, encore moins de Bourreau mais les trois personnages principaux de l’œuvre et un garde.  L’histoire est réduite à sa plus simple expression, tout en restant fidèle à la légende même si, ici, le Prince doit réussir 3 épreuves en plus de répondre aux 3 énigmes.

Côté décors, un fond de scène simple mais terriblement efficace, avec au centre, un panneau peint révélant une montagne et un chemin escarpé (dessin fort symbolique), quelques accessoires dans une malle côté jardin et côté cour, une porte de palais noire de jais. Un jeu de lumière sobre accompagnant les étapes du récit. Des ponctuations musicales bienvenues avec des extraits de l’œuvre de Puccini.

Une mise en scène interactive et ludique, rythmée et drôle, enlevée, interprétée avec finesse. Tout est fait pour que les enfants puissent suivre et participer au spectacle qui est à la fois visuel et musical, joué et chanté ! L’intérêt de cette création est de dépoussiérer l‘image de l’Opéra avec humour tout en restant fidèle au genre. Car l’Opéra souffre d’a priori : ennuyeux, réservé à une élite, interprété par des artistes lyriques ventrus aux formes généreuses…. Mais ici, que nenni !

 

Liu

Interprétation

Jean Luc Daltrozzo incarne le Prince et Ismérie Lévêque prête ses traits à Turandot mais également au personnage de Liu. Cette dernière est la servante de Calaf, amoureuse en secret du prince, seule détentrice du nom de l’Etranger, nom que Turandot tentera en vain d’extirper de la bouche de Liu qui se tuera par amour pour sauver son Prince de la mort.

Les deux scènes où la comédienne interprète les deux arias de Liu – Signore ! Ascolta et Tu, che di gei sei cinta- sont très joliment jouées : la soprano est la Liù que nous voyions dans les Opéras, genoux à terre, à la fois suppliante et aimante. Elle exprime tant théâtralement que vocalement tout le désarroi de la jeune servante avec une grande justesse dans le chant et le jeu. Sa voix aux aigus veloutés saisit le spectateur d’un frisson d’émotion. Non seulement la chanteuse excelle en Liu, mais elle est une très bonne comédienne : notamment quand elle accueille le public en chanteuse lyrique paniquée par l’absence de sa malle à costumes et de son compagnon de jeu qui a déclaré forfait quelques minutes avant le début du spectacle… jusqu’à ce que l’arrivée du livreur ne lui donne une idée…

Turandot

Elle est toute aussi convaincante et crédible en Turandot : n’ayant pas la tessiture adéquate au personnage, elle ne chantera pas le rôle (honnêteté de choix que nous saluons) mais les apparitions de Turandot, émergeant de la porte du palais (située côté jardin), la tête haute, le corps bien droit, raide comme la justice, sont à la fois drôles et inquiétantes. L’usage de mimiques et grimaces –notons ici la moue boudeuse et renfrognée qu’elle arbore quand elle doit annoncer à Calaf qu’il a réussi-  allègent l’atmosphère et rendent le personnage de Turandot plus humain afin qu’il n’effraie pas les enfants car n’oublions pas que ce spectacle est à destination d’un jeune public. Son jeu exagéré (inspiré du burlesque) fait mouche et quand elle annonce à Calaf que son nom est amour : la scène est d’une beauté qui fait oublier que nous ne sommes qu’au théâtre. Quant à ses interventions habillée en redoutable dragon avec un jeté de jambe leste (assez proche de celui  que l’on voit dans les fêtes du nouvel an chinois) ou vêtue en Shéhérazade avec un mouvement de bassin digne des danseuses orientales  sont également saisissantes de justesse et amusantes.

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Le comédien quant à lui est excellent en tout point de vue : qu’il incarne le livreur casquette vissée à l’envers sur la tête ou encore le livreur/comédien improvisé qui doit interpréter Calaf, il est très convainquant et fait montre d’une qualité de jeu « clownesque » indéniable avec sa démarche dégingandée de grand dadet : très à l’aise quand il joue avec le public, cherchant son habit de prince, ou encore demandant aux enfants de l’aider à trouver les réponses aux énigmes, il fait preuve d’un fort potentiel comique et emporte avec lui les enfants très réactifs tout le long du spectacle – ils irradiaient de joie et de bonheur au sortir du théâtre: incarnant l’apprenti chanteur, il laisse échapper quelques jolies vocalises de baryton-basse.

In fine

Avec cette création, le pari est largement gagné : le spectacle fait aimer l’opéra aux petits, également aux grands qui seraient réfractaires à cet art ! Au sortir du spectacle, on ne peut qu’avoir envie de se précipiter à l’Opéra…Car finalement, c’était bien chouette, non ? D’autant plus que c’est un des rares opéras sérieux à se finir aussi bien. Alors courez-y et venez découvrir l’histoire de la princesse Turandot ! Diane Vandermolina

Photos fournies aimablement par la compagnie autour de la voix

Rmt News Int • 24 juillet 2019


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