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The culture beyond borders

Cagole Blues, adaptation du texte de l’auteur marseillais, Henri Frédéric Blanc

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Vu le 19 juillet au théâtre Le Castelet 113 rue de la Carreterie 84000 – Avignon

Entre rires et larmes, autopsie d’une ville et de ses habitantes les plus fameuses : les cagoles

Qui connaît l’auteur ne pourra qu’apprécier ce spectacle avec ses savoureux -et point sots- jeux de mots (la notion de temps pur chez Bergson, c’est comme quand la fourchette reste plantée dans la purée dure) et sa langue truculente, railleuse, malicieuse, moqueuse « cafie » de trouvailles cocasses  et d’expressions marseillaises plus pimentées les unes que les autres.

Mais que raconte-t-il ? Le blues de trois cagoles marseillaises en butte avec leurs rêves inaccessibles et la réalité d’un quotidien pas bien folichon duquel elles s’accommodent, bon gré mal gré. Avé l’assent et un parler marseillais cru, elles distillent des moments de leur vie : le lycée, le chômage, la crise, l’avenir avec humour et autodérision. Elles nous parlent de Bergson, de Kafka, de l’OM et bien sûr de Marseille, ville rebelle et attachante comme elles.

Car nos trois cagoles, ici, assument pleinement leur vulgarité et leur côté provoc’ (tant langagier que vestimentaire), leur franc parler et leur inculture (qui donne lieu à l’invention d’expressions et de mots qui font mouche ou encore à des comiques de situation pas piqués des vers), ainsi que leur naïveté presque enfantine. Elles ne sont pas politiquement correctes et sont totalement libres : libres de dire ce qui leur passe par la tête, d’aimer qui elles veulent, de vivre comme bon leur semble.

Héroïnes marseillaises souvent stigmatisées et guère appréciées des bourgeois bienpensants, elles nous dévoilent leur vérité sur Marseille, cette ville qui marche au milieu de la rue au lieu de marcher sur le trottoir, dévoilant des tranches de vie drôlissimes, en chanson et en musique, qui transportent le spectateur dans l’univers d’un auteur marseillais contemporain à la verve prolixe.

Côté scénographie, le dispositif est simple : un écran en fond pour les projections vidéo (pas forcément nécessaires mais justifiées), trois bancs assortis de trois porte-manteaux surmontés de perruques avachies et de fringues bigarrées, chaise et table hautes de bar, quelques accessoires… Des jeux de lumières pour créer une ambiance cabaret avec ses spots multi couleurs et sa boule scintillante, et le tour est joué !

Nos trois cagoles sont assises, dos au public, puis s’habillent, comme pour aller danser ou travailler, qu’importe pour elles c’est du pareil au même : l’habit fait la cagole et la cagole ne craint dégun ! Changements de costumes à vue, interaction avec le public auquel elles offrent quelques petites navettes en expliquant leur origine toute marseillaise et qu’elles interpellent à plusieurs reprises, les comédiennes s’amusent sur le plateau, entonnant ici une chanson en italien, esquissant là un pas de danse, voire se chipotant quand l’une dévoile la réponse à une question bien complexe à laquelle aucun spectateur n’a su répondre….

Dans cette configuration avignonnaise, la scène du théâtre, vraiment trop proche du public – si proche que nous pouvions toucher les comédiennes – ne faisait pas honneur à cette création qui aurait nécessité un plateau plus profond et plus large ainsi qu’une distance plus grande avec le public afin d’avoir un espace suffisant pour jouer et mieux interagir avec lui : les comédiennes étaient comme qui dirait serrées comme des sardines, sur scène et dans la salle.

Néanmoins, la mise en scène est simple et efficace, rythmée par une bande son au top (excellent choix de musiques en totale adéquation avec l’action), entrecoupée d’inter vidéo, mêlant chants, danse et jeu. Les comédiennes -tout terrain- sont ici convaincantes avec une mention spéciale pour Sylvia Massegur : sa prestation est en tout point juste et sa cagole est à mourir de rire, si réaliste. Bravo. Viviana Allocco, très bonne musicienne et chanteuse, n’est pas en reste quand elle nous parle du procès de Kafka et de ses origines italiennes avec son léger accent ou encore exécute un grand écart sous nos yeux ébahis. Notons que Camille Hadjadj venait de reprendre le rôle récemment en remplacement d’une comédienne et qu’elle a su faire preuve de crédibilité même si elle a moins le texte en bouche que les deux autres et pour cause !

In fine, le spectateur rit avec allégresse des mots d’Henri Frédéric Blanc, s’amuse des mimiques des comédiennes, se rit de leurs cagoles aussi différentes les unes des autres. Et les trois artistes semblent prendre beaucoup de plaisir à incarner ces personnages sur le plateau, emportant joyeusement le public dans leur tourbillon. A suivre, Diane Vandermolina

Rmt News Int • 5 août 2019


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