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Libre et engagé, le théâtre Toursky résiste

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Si la grève de la faim prévue par Richard Martin est suspendue jusqu’au 30 octobre, suite aux promesses positives du Maire de Marseille, la soirée du 13 septembre a montré à la fois toutes les richesses dont le théâtre Toursky est porteur, et toute la résistance qu’il mérite.

 Ce vendredi 13 septembre, la salle du théâtre Toursky était pleine à craquer, de l’orchestre au pigeonnier en passant par le balcon. Rien d’extraordinaire pour ce lieu qui fait généralement toujours le plein (70 000 spectateurs annuels). Mais c’était quand même une soirée un peu spéciale puisque, prévue sur le Vieux-Port, face à la Mairie, elle devait être suivie par le début de la grève de la faim annoncée par Richard Martin, suite à la suppression importante de subventions par la Ville de Marseille. Après une rencontre avec Jean-Claude Gaudin, au cours de laquelle celui-ci a promis de rétablir cette subvention et s’est engagé sur d’autres aides, cette grève de la faim a été suspendue jusqu’au 30 octobre. La vigilance restant de mise.

C’est la raison pour laquelle le spectacle a finalement eu lieu au théâtre. Un spectacle dédié à Léo Ferré, le « frangin » de Richard on le sait, avec des textes de ce poète engagé, dits par un Richard Martin galvanisé, plus que jamais dans la peau du personnage. L’humanité, la fraternité, mais aussi la colère, la révolte, la résistance transcendent les mots. Un talent, une énergie, un charisme que l’on retrouve intacts chez cet artiste qui, il y a 50 ans, créait le Théâtre Toursky, du nom du poète Axel Toursky  qui venait de mourir.

Deux musiciens –  Levon Minassian au doudouk, Serge Arribas au clavier – et une danseuse – Valérie Miquel – accompagnent et intensifient ces moments magiques.

Dans la salle, le public a le souffle coupé et s’exprime par moment avec fougue et enthousiasme : amis, compagnons de route, abonnés, Gilets jaunes sont là pour soutenir le Tousky, comme son équipe le fait chaque jour, comme des milliers de personnes en ont témoigné…

Comment pourrait-on mettre en péril ou limiter l’action de ce théâtre à nul autre pareil, qui fait tant pour la culture à Marseille au niveau régional et international ?

Créé en 1970 – il y aura bientôt cinquante ans – sous l’impulsion de Richard Martin, ce théâtre qui s’implantait au cœur de Saint-Mauron, considéré comme le quartier le plus déshérité d’Europe, a d’abord suscité du scepticisme de la part du certains : « qui irait là , quel public toucherait-il ? »

Mais Richard, que j’avais rencontré alors pour un article dans l’Express Méditerranée, y croyait. Et il avait raison. Non seulement le public est venu de tous les horizons de Marseille et de bien au-delà, mais les habitants du quartier qui pensaient que la culture n’était pas pour eux, sont venus aussi. Une mixité sociale, ethnique, intellectuelle qui, déjà, fait la richesse de ce lieu. Diversité et métissage aussi pour la programmation qui propose théâtre classique ou contemporain, musique dans tous ses états, danse, expositions…avec de nombreuses créations, des artistes célèbres ou inconnus auxquels Richard va donner leur chance. Car s’il contribue à offrir des emplois à des gens de ce quartier, il écoute également ceux qui ont envie de se lancer. Comme Bouchta qui, à quelques pas du théâtre, a réussi un jour à avoir le courage d’en franchir la porte, a été reçu à bras ouverts, et propose dès le mois de novembre une création théâtrale sous la direction de Richard Martin. Il y a aussi les Universités populaires gratuites, des tarifs spéciaux notamment pour les Rmistes, des accueils scolaires… Et encore ces moments qui ne se définissent pas, avant ou après le spectacle au restaurant les « Frangins d’la night » : échanges, discussions, convivialité…

Un lieu où la devise de la République française – « Liberté, Egalité, Fraternité »- est mise en pratique au quotidien, tandis qu’elle est malheureusement souvent malmenée. 

«  Il faut rallumer tous les soleils qu’on nous a confisqués, clame Richard Martin. L’heure est au combat contre l’obscurantisme pour bâtir une humanité plus solidaire et fraternelle. » Un combat pour lequel, il vient encore d’en avoir la preuve, il n’est pas seul.

 Jacqueline de Grandmaison

crédit photos de POETES VOS PAPIERS © Candice Nguyen

Rmt News Int • 20 septembre 2019


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