Au Dakiling, une saison 19/20 faisant la part belle aux résidences et à la transmission de l’art clownesque
Une saison peu ordinaire
Le Dakiling, ce sont 10 000 spectateurs annuels, 9 sorties de résidences, 8 stages de clown, des matches d’impro un lundi sur deux, des actions de médiation tout le long de l’année, un festival Tendance Clown du 13 au 31 mai* et un temps fort, le marché noir des petites utopies les 13 et 14 décembre avec Anima Théâtre.
Suite aux effondrements du 5 novembre 2018, le quartier de Noailles a vécu au ralenti, dans la crainte et l’angoisse durant tout l’hiver jusqu’au printemps 2019 : évacuations forcées pour des raisons sécuritaires avec ses habitants délogés et ses immeubles déclarés en péril, ses commerces condamnés, sa rue d’Aubagne sinistrée, fermée à la circulation et aux piétons. L’empreinte indélébile du drame meurtrier est restée dans les esprits de chacun, des agoras de citoyens ont vu le jour, un bel élan de solidarité face à cette catastrophe s’est déployé, la dénonciation de l’incurie municipale en matière de salubrité publique a été dévoilée au grand jour. Un an après, les stigmates sont toujours visibles avec ce trou béant laissé par les immeubles rasés – rebaptisé ‘la dent creuse’-, les difficultés de stationnements liés aux fermetures des routes adjacentes à la rue d’Aubagne, les immeubles aux portes murées et les commerces définitivement clos. C’est dans ce chaos que le Dakiling a vécu la saison dernière, voyant le quartier si vivant et dynamique se transformer en no man’s land à la nuit tombée.
Ouvrant ses portes aux agoras citoyennes et œuvrant en partenariat avec les structures associatives voisines pour démocratiser l’art théâtral, le théâtre – créé par Christian Favre voici 16 ans dans une ancienne salle des ventes située en bas de la rue d’Aubagne- n’a pas échappé à une baisse d’activité et de fréquentation. « La vie recommence doucement, les rues s’animent à nouveau en soirée, le plus dur a été entre janvier et mars » nous explique Christian en amont de la conférence de presse de saison. « Ce fut une saison difficile » mais le directeur ne se laisse pas abattre au regard de l’élan solidaire né de ce désastre. Au contraire, il persiste et signe : « nous gardons la même ligne artistique » et « présentons des spectacles de clown au sens large ». Autrement, du clown dans tous ses états, avec ou sans nez, pourvu qu’il soit drôle et décalé. « Ce n’est pas du clown poétique, c’est plutôt du clown burlesque et excentrique que nous programmons » précise-t-il. « Nous proposons différentes pratiques de l’art clownesque mais le rire reste au centre de notre programmation » insiste-t-il.
Le rire, mais également la transmission : en début de résidence**, chaque compagnie propose un éveil au clown le lundi matin à des personnes en situation de handicaps moteur ou cérébral, « souvent ghettoïsées dans des centres desquels ils ne sortent quasiment jamais ». Cet atelier de pratique artistique appelé « Nez à nez », mené avec le concours de Vanina Lebeau, en charge de la médiation au sein de l’équipe, permet aux personnes en situation de handicaps de sortir de « leur prison dorée » et de « s’exprimer librement, sans subir le jugement des autres » dans la mesure où l’artiste ne regarde pas le handicap de la personne : « il ne le juge pas sur son handicap mais sur sa performance artistique ». « Ce sont de beaux moments de rencontres, d’échanges et de partages. Certains sont étonnants » se souvient Mathieu Imbert (en résidence début mars 2020 pour POUËT, une satire dans le genre « Trash Trap Forain » du clown traditionnel). Il nous relate qu’un des membres de cet atelier l’avait impressionné en simulant un orgasme. Une initiative que nous saluons, complétée par de nombreuses actions en faveur de la population de Noailles avec visites des théâtres du quartier, rencontres privilégiées avec les artistes, spectacles offerts aux familles, stages d’impro et de pratique artistique (Beatbox) pour les jeunes (gratuits les mardis).
Le Dakiling ne peut accueillir de concerts pour des raisons de voisinage. Néanmoins, il coproduit « Jawohl Mi Amor », un groupe de musique composé de trois potes musiciens aux influences blues, rock, électro et funky : un vinyle 2 titres vient de sortir en édition limitée. Car la diffusion est un des axes forts du lieu : ce dernier achète pour le festival tendance clown un des spectacles issus des résidences offertes aux compagnies régionales accueillies une semaine durant. « Ces dernières ont le choix de proposer une sortie de résidence ou non », précise Christian Favre. Parmi les compagnies accueillies, la cie Kartoffeln qui propose un travail autour des échafaudages et des Smartphones. « C’est un travail sur deux objets présents dans notre quotidien ». Denis Barré explique que ce projet a pour objet « les différents usages du Smartphone et nos comportements dans l’espace publique, également, la mutation de notre société hyper-connectée qui en découle », citant « la chorégraphie burlesque de la danse des pouces sur le clavier ». Bien entendu, il sera également question de montages d’échafaudage dont les pièces métalliques volumineuses contrastent avec la petitesse du Smartphone sur lequel notre nez est rivé : « ils offrent différents espaces de jeu et multiplient les possibilités de mises en scène ». Ce sera à découvrir le 13 juin 2020.
Bien entendu, toute la programmation est disponible sur le site du théâtre. Une date est néanmoins à retenir : pendant la semaine du 5 novembre 2019, en partenariat avec le collectif du 5 novembre, le Dakiling projettera le jeudi 7 novembre plusieurs films réalisés autour des effondrements des immeubles de la rue d’Aubagne. Une semaine de commémoration avec un temps de recueillement, une marche blanche le 9 novembre à 15h au départ de Notre-Dame du Mont et un temps de festivité avec un repas partagé sont au menu de cette semaine. A suivre ! Diane Vandermolina
*Pour ses 15 ans, Tendance Clown réinvestira le parc Longchamp avant de s’achever place des Halles Delacroix à Noailles (spectacles gratuits) selon le triptyque Nord/Centre/Sud avec une escale au Parc Billoux et une autre à Bagatelle.
** Depuis quelques années, le Dakiling s’est orienté vers la mise en place de résidences artistiques afin d’offrir aux artistes régionaux les moyens de créer leur spectacle. Le lieu programme une sortie de résidence et en dehors de son festival, ne pratique plus l’accueil de spectacles (en co-réalisation ou autre) afin de se concentrer sur le travail de création et l’accueil dans les meilleures conditions des compagnies en résidence.
Plus d’infos www.dakiling.com
Dakiling 45 a rue d’Aubagne 13001 Marseille/ 0491334514/cityzencafe@gmail.com
Photo de Une : La Cuisiniere © Tout En Vrac / Autres photos publiées avec l’aimable autorisation du Dakiling
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