RMTnews International

The culture beyond borders

La Région SUD Provence Alpes Côte d’Azur brille au Festival Montferrand Scènes

Share Button

A Montferrand-le-Château, une sympathique petite bourgade de 2000 âmes, située à équidistance de Dijon et Besançon, dans le département du Doubs (en Bourgogne-Franche Comté), où la spécialité culinaire est la morbiflette (tartiflette au morbier) à la saucisse de morteau, un régal pour les gourmands, se déroulait du 25 au 27 octobre 2019 la 8ème édition du Festival Montferrand Scènes, un festival de théâtre amateur original dans la mesure où le premier prix -accompagné d’un chèque de 700€ pour la création d’une nouvelle pièce- est attribué par le public lui-même selon 4 critères (mise en scène, scénographie, jeu et intérêt du texte).

Un festival qui séduit

Depuis ses origines, le festival programme des spectacles amateurs de tout style : one man show, seul en scène, boulevard, pièce humoristique, comédie dramatique, théâtre classique ou encore contemporain. Ces spectacles qui peuvent être à destination d’un jeune public, également d’un public familial, sont programmés tout le long du week-end pendant les vacances scolaires de la Toussaint. Les spectacles proposés ont été sélectionnés par un jury préalablement constitué à l’issue d’un appel national lancé en amont : 7 à 8 pièces sont alors choisies à participer au festival. Cette année, quatre compagnies venaient des Yvelines, une de Franche Comté et deux autres de la Région SUD Provence Alpes Côte d’Azur (la première de Cannes, la seconde de Marseille). 

Pour cette compétition, étaient en lice : un spectacle mêlant théâtre et chansons Grésils Square par les Colporteurs ; une création jeune public La Fontaine en ville par les tréteaux de l’Ubaye, deux duos comiques Pericoloso par la comedia del Ablys et Nous ne sommes pas du même monde par Adok en scène, un classique l’île des esclaves de Marivaux par la Comédie de la Mansonnière, une comédie de boulevard contemporaine les héritiers par le Théâtre d’en face, et une comédie dramatique avec Hors Contrôle de la cie Grain de Scène. Le public était au rendez-vous malgré un beau temps si rare en cette contrée lointaine, où l’automne rime plutôt avec grisaille et pluie, parfois neige apprenons-nous de la bouche des habitants du cru.

A gauche, debout, le Maire du village Pascal Duchezeau venu assister à la remise des prix

Le Festival de Montferrand le Château continue encore à séduire les habitants des alentours même si cette année, la fréquentation était un peu en baisse nous glisse le Maire, Pascal Duchezeau, élu depuis 2001. Probablement à cause du beau temps exceptionnel dirions-nous.

Les amateurs de théâtre n’hésitent pas à voir plusieurs spectacles d’affilée : à cet effet, un pass à 15€ permet de voir l’ensemble de la programmation, le tarif d’un spectacle étant à 5€.

Cette politique tarifaire est le résultat d’une politique culturelle active menée par Brigitte Téjon, élue à la mairie, à l’origine du festival.

Brigitte Téjon (à droite) et Théo (à gauche) entourant l’équipe de bénévoles du festival

Et les gagnants sont…

Côté résultats, le public ne s’est point trompé – et oui, les spectateurs même s’ils ne sont pas des spécialistes du spectacle vivant ont souvent une bonne intuition sur la qualité des pièces présentées : le grand vainqueur avec un demi-point d’avance sur le deuxième était la compagnie Grain de Scène avec Hors Contrôle, une comédie dramatique originale et émouvante, déjà auréolée de nombreux prix, écrite par Didier Beaumont.

L’équipe de Grain de scène

L’auteur interprète Alexandre Leroi, chef désabusé et alcoolisé d’une entreprise à la dérive, tourmenté par un terrible secret. La pièce est mise en scène par Danielle Di Sandro, également comédienne : cette dernière incarne avec brio le personnage de Claire, l’inspectrice des impôts coincée et aigrie qui tombera au fil du temps amoureuse d’Alexandre qu’elle était venue contrôler.  Un très beau jeu d’acteur (mention spéciale pour la diction claire et la belle projection de voix), une scénographie minimaliste (une grande échelle servant à ranger les accessoires et quatre cubes disposés de chaque côté de la scène pour symboliser les espaces bureau/salon), un texte fort bien écrit (dialogues ciselés) et une mise en scène efficace dans laquelle Danielle intègre un troisième personnage, muet et omniprésent –parfois trop- : porte manteau, serviteur invisible, ombre de la mort, cet être étrange, revêtu d’un linceul blanc, est incarné par le danseur italien Danilo Righetti à la gestuelle souple, au visage sinueux et au regard sombre et expressif, dans lequel se reflète la douleur de la tragédie vécue à la fois par Alexandre et Claire, tragédie entrecoupée de moments de grâce délicats et drôles (la scène du voyage imaginaire en outremer). Tous deux vont être amenés à vivre un amour empêché par la maladie et la mort du chef d’entreprise que nous sentons poindre dès le début du spectacle.  La compagnie méritait amplement ce prix et est invitée à revenir en 2020 avec leur nouvelle création.  Entretemps, elle joue en région, le 10 novembre à Salon et le 19 novembre à Mandelieu ! A vos carnets !

Une partie de l’équipe des Tréteaux de l’Ubaye

Autre compagnie bien placée dans le top trois : La Fontaine en ville par les Tréteaux de l’Ubaye, une troupe marseillaise -comme son appellation ne l’indique pas- constituée de 7 comédiens et comédiennes de tout âge. La compagnie présentait une création jeune public autour d’une douzaine de fables de La Fontaine, revisitées par le metteur en scène Gérard Colombani et interprétées avec humour et légèreté par une bande de joyeux drilles, vêtus de noir, s’amusant à incarner des personnages tantôt humains, tantôt animaliers. Ce qui a donné lieu à des saynètes cocasses faisant appel avec ingéniosité à des accessoires étonnants : citons ici, le carpillon et le pêcheur, la grenouille et le bœuf, le corbeau et le renard, le lièvre et la tortue ou encore le chêne et le roseau.  La scénographie symbolisant une ville avec sa campagne attenante et son coin de forêt au loin est fort bien vue et certains des comédiens font preuve de talent avec une nette amélioration de jeu chez les plus jeunes. Le rythme de la pièce était quelque peu alangui par les nombreux noirs entre deux fables : des changements de costumes à vue n’auraient rien gâté au spectacle. Hélas, le public était moindre cet après-midi même si les enfants ont été conquis et un petit manque d’homogénéité sur le plateau a fait que la troupe n’est montée que sur la deuxième marche du podium.  Néanmoins, l’honneur des provençaux est sauf  et ils reprendront la pièce à Sisteron le 23 novembre dans une nouvelle mouture plus dynamique!

Le duo de Adok en scène

En troisième position, vient une troupe des Yvelines : Adok en scène qui présentait un duo comique et loufoque qui a su séduire le public par son jeu et sa rythmique.  Chaque compagnie était au coude à coude : les notes serrées, le jury professionnel a choisi de donner son premier prix à la comédie de la Mansonnière pour son île aux esclaves bien interprétée.

La comédie de la Mansonnière reçoit le prix du jury pro

C’était dans la bonne humeur, la gaité et la convivialité que toutes les compagnies présentes ont été invitées au buffet de clôture, l’occasion d’échanger ses impressions sur ce festival intergénérationnel et généreux, à l’occasion duquel nous avons pu faire de très belles rencontres humaines : ici, l’échange et le partage ne sont pas de vains mots, la mairie travaillant en lien avec les petits commerçants du village et une association de femmes africaines installée dans les alentours. 

Bravo ! Diane Vandermolina

 

ENCADRE

Montferrand-le-Château et ses verts pâturages bucoliques

Vue du Château

Montferrand-le-Château est un petit village accueillant et sympathique, entouré d’une immense forêt surplombée par les ruines d’un Château datant du Moyen Age. De sa tour de guet, seul vestige encore debout, facilement accessible, un magnifique panorama se dévoile aux yeux du visiteur, donnant en contre bas sur les méandres sinueux du Doubs entouré à perte de vue par d’immenses champs or et vert dans lesquels paissent paisiblement des vaches bien dodues à la robe beige éclatante. 

Une halte SNCF et une ligne de bus permettent aux villageois de rejoindre les villes alentour à l’instar de Besançon à laquelle est rattaché Montferrand-Le-Château. Ce dernier s’étend sur plusieurs kilomètres carrés autour de son centre : une Poste, un Hôtel,  une Mairie, une Eglise, une Ecole (avec la construction d’un groupe scolaire vert), un Supermarché, un bar-restaurant et quelques petits commerces forment l’essentiel des activités du village auquel s’ajoutent un gîte et un foyer religieux accueillant séminaires et invités. La propreté et le respect de l’environnement  ainsi que la culture sont au cœur de la politique menée par la mairie.  

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Nous avons rencontré Brigitte Téjon, première adjointe au maire chargée de la culture à Montferrand-le-château, une femme de poigne  qui nous dévoile sa passion pour le théâtre.

Entretien avec Brigitte Téjon

Brigitte Téjon, première adjointe au maire, en charge de la culture

Diane Vandermolina : Comment vous est venue l’idée de créer un festival de théâtre amateur, ici, à Montferrand, un village de 2000 habitants ?

Brigitte Téjon : « J’en avais très envie depuis longtemps mais c’est grâce à ma rencontre avec Théo qui s’occupe de l’aspect technique du festival  que ça a pu se faire. En discutant avec lui fortuitement, je lui ai dit « j’adorerai créer un festival de théâtre amateur ici ». Je voulais développer cette activité culturelle  à Montferrand parce que j’aime le théâtre et j’ai fait du théâtre en amateur. Lui aussi fait du théâtre : il est comédien et il m’a répondu « c’est aussi mon rêve ».  On a commencé à en parler au Maire qui a tout de suite été intéressé car il était déjà sensibilisé au théâtre et à la culture : on avait fait du théâtre ensemble. Puis, on a réfléchi à l’aspect logistique et financier. Chaque année, on fait un appel à projet en février, cette année on a reçu 28 candidatures à peu près, puis on sélectionne 7 compagnies en fonction de plusieurs critères dont le jeu et le genre, on essaie d’avoir des styles différents, on a également des critères plus techniques comme le temps de montage et de démontage, ou la disponibilité des compagnies sur le week-end  etc… L’aspect technique est très important. »

DVDM : Justement, côté tarifs, vous avez opté pour une politique tarifaire basse avec le pass à 15€

BT : « Oui, c’est une volonté et en dehors du festival, de manière générale, on accueille quasiment tous les mois des concerts, des contes, des spectacles pour enfants… Notre politique culturelle est assez volontariste et hormis le festival, tous les spectacles proposés pendant l’année sont gratuits. L’idée est d’animer le village et amener le théâtre et les spectacles, la culture en général, dans le village pour sortir de la capitale ou des grandes villes. Je pense qu’il y a des gens qui n’iraient pas à Besançon voir des spectacles ni dans un théâtre avec un grand T pour diverses raisons.  Il n’est pas évident de pousser la porte d’un grand lieu. Notre défi était de faire venir du théâtre dans un lieu qui n’est pas vraiment connoté pour que les gens se l’approprient. C’est une façon de démocratiser la culture… La culture est pour moi quelque chose de premier et de fondamentalement politique.  On organise aussi un salon des auteurs comtois chaque année.»

DVDM : Pour en revenir au festival, vous décernez deux prix, un prix du jury « pro » et un prix du public. Pourquoi ?

BT : « Au début, on voulait constituer un jury pro mais on a vite abandonné cette idée : comme notre but est que le public vienne au théâtre, on s’est dit que c’est au public d’être le  juge final. C’est un pari car les gens disent souvent « je n‘y connais rien » mais ce n’est pas grave. Pour nous, l’important est « qu’est ce qui nous fait vibrer et rire ? Quelles sont les émotions qu’on reçoit? ». C’est ça qui est intéressant ! On pourrait croire que ce ne sont que des comédies hilarantes qui gagnent mais c’est faux : statistiquement sur 8 ans, on a eu des comédies dramatiques comme cette année, on a eu des one man shows drôles ou pas drôles d’ailleurs, du théâtre contemporain, du classique… Finalement, on s’aperçoit que les gens sentent les choses et peuvent apprécier le jeu, la mise en scène, la qualité d’un spectacle même s’ils ne sont pas connaisseurs. Le public n’est pas idiot. »

DVDM : A-t-il été difficile de mettre en œuvre cette politique culturelle ?

BT : « Cela a été difficile au début : quand j’avais 30 personnes, j’étais très contente mais en trois mandats, on a réussi à avoir un public régulier avec des habitués et des fidèles, de nouveaux spectateurs. Les gens qui viennent de l’extérieur nous disent souvent « c’est incroyable ce que vous faites à Montferrand, non seulement c’est gratuit mais toute l’année vous programmez des choses ». Une habitude s’est créée. »

Rmt News Int • 6 novembre 2019


Previous Post

Next Post