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Amoureux des Marionnettes et des petites formes : découvrez Le marché noir des petites utopies
4ème édition du 6 au 15 décembre !
Un festival à taille humaine où la convivialité est le maître mot
« Le marché noir des petites utopies » imaginé par la Compagnie Anima Théâtre se déroule du 6 au 15 décembre en plusieurs lieux de Marseille : parcourant la ville du Cours Julien à la Friche Belle de Mai en passant par le théâtre de la Joliette ou le Musée Cantini, ce festival original à destination d’un public ado et adulte mêlant spectacles, déambulations, concerts, projections permet de découvrir la diversité de l’art de la marionnette contemporaine au travers d’une multitude de propositions artistiques de forme et jauge variables (30 à 100 personnes selon la forme présentée).
Le festival doit son nom au lieu qu’occupait la compagnie à ses débuts dans le cœur de Noailles, quartier connu pour ses trafics de cigarettes et son marché noir, où un hôtel de luxe récemment inauguré par la mairie longe des immeubles délabrés, longtemps abandonnés par les édiles. Yiorgos Karakantzas, directeur du festival et co-créateur avec Claire Latarget de la compagnie Anima Théâtre, nous présente ce temps fort dédié à la marionnette.
En 2013, pour les 10 ans de la compagnie, pendant 3 jours au Dakiling, Claire et lui avaient invité des artistes de France et d’ailleurs pour présenter des petites formes marionnettiques de 10 à 20 minutes, « légères et autonomes qui peuvent se jouer partout ». «La salle était pleine et le public était ravi de découvrir ce côté-là de la marionnette contemporaine » se souvient Yiorgos avant d’ajouter : « C’est de là qu’est venue l’envie de continuer et d’installer à Marseille une petite biennale où on présenterait un petit éventail de ce que peut être la marionnette contemporaine en France et en Europe. On a envie de partager cet art qu’on aime avec le public marseillais et lui faire découvrir les nouveaux horizons de la marionnette car la marionnette adulte est moins diffusée et moins défendue que la marionnette pour enfants. » En effet, rares sont les marionnettistes invités dans de grands festivals à l’instar d’Avignon In, à l’exception l’an passé d’Elise Vigneron, mais « cela n’arrive que tous les 15 ans » déplore-t-il.
Proposant un large éventail de créations marionnettiques, pour certaines présentées en première mondiale, le festival explore différents genres de marionnettes : théâtre d’objet pour les deux spectacles présentés en ouverture, Tire-toi de mon herbe Bambi et Pom pom girl, deux fables caustiques sur la question de la propriété et le rêve américain (le 6 décembre à la Friche Belle de Mai), marionnettes à taille humaine pour la visite marionnettique de l’exposition Man Ray (les 11 et 14 décembre au Musée Cantini) suivie de l’Insomnieux, marionnette de table, voire encore marionnette à gaine traditionnelle pour Fasoulis (le 15 décembre à la Brasserie communale).
De nombreuses petites formes réalisées par de jeunes créateurs et créatrices européens ainsi que les projets de fin d’année de deux étudiants de l’école de Charleville Mézières de laquelle sont issus Yiorgos et Claire (Oh my ghost et Kraken du côté de la rue Consolat le 8 décembre ; Dès-ordres, Lupus in fabula, Suzy, Gorilla gorillail au Dakiling le 13, le 14 pour ce dernier) côtoient des formes plus longues de compagnies internationalement reconnues (Noose, dont l’univers sombre semble hérité des films d’animation de Tim Burton, le 7 décembre à la Friche Belle de Mai, ou encore Paper cut, imaginé comme un film en Noir et Blanc, le 14 au Dakiling).
Des concerts et spectacles mêlant musique et marionnettes sont également au menu de cette édition faisant la part belle aux compagnies européennes, notamment grecques et italiennes, avec Western Teke, le 8 décembre côté Consolat, Parade qui fera la joie des amateurs de V-Jaying et d’animation en live le 15 au Vidéodrome (en après-midi) et les Tchoquers pour clôturer le festival en musique, ce même jours en soirée à la Brasserie communale.
Le programme riche en surprises s’offre le luxe d’une table ronde autour d’une thématique au gout du jour : les relations entre l’art et le pouvoir, le 13 décembre au Théâtre de la Joliette dès 10h, une thématique qui traverse également la programmation du festival, qu’il s’agisse de questionner le terrorisme, le pouvoir ou encore les relations familiales. « La marionnette peut être un outil de propagande comme à l’époque hitlérienne ou un outil de contestation comme la marionnette traditionnelle européenne : Guignol ou Pulcinella étaient des marionnettes qui faisaient des commentaires sur la politique. Ils étaient assez caustiques et contre le pouvoir : ils exprimaient un sentiment politique. La marionnette a toujours porté une parole politique et sociale : en Grèce, nous raconte-t-il, la marionnette est un art forain, né dans la rue, et toujours populaire. Les marionnettistes caricaturent les pièces bourgeoises qui se produisent dans les grands théâtres ». Cet aspect social et politique « est très présent dans le festival notamment avec le spectacle Fasoulis, la version grecque de Pulcinella et le cousin de ces bonhommes révoltés qui comme Guignol tapent dans tous les sens »
Le festival privilégie ici la petite forme, plus « transportable » évidemment, plus intimiste également et surtout plus conviviale de par la proximité qu’elle offre au public, des rencontres qu’elle favorise entre spectateurs et artistes. La convivialité est au cœur de ce festival avec sa soirée de clôture du 15 décembre entièrement gratuite à la Brasserie Communale et des tarifs allant de 5 à 10 € par soirée, et ce malgré un budget global chiche au regard de la programmation et de la durée du festival. A vos agendas, Diane Vandermolina
Ci-dessous Le programme complet avec les horaires et les lieux
Plus d’infos sur www.animatheatre.com
Photo de Une : Noose du Merlin Puppet Theatre
ENCADRE/ PORTRAIT
Yiorgos Karakantzas ou la passion de la marionnette
Yiorgos Karakantzas a posé ses valises à Marseille en 2002 après des études à Charleville Mézières, la cité de la marionnette. Il est originaire de Thessalonique, ville portuaire grecque du golfe Thermaïque, sur la mer Égée, équivalente en termes de population à Marseille bien que d’une superficie plus petite. Il s’est confié à nous sur sa passion.
De la découverte de la marionnette…
Il nous avoue avoir découvert la marionnette en 1992 avec Stathis Markopoulos, grand spécialiste de la marionnette grecque traditionnelle qui est devenu son maître et son mentor. Ce dernier est spécialiste du Fasoulis (un cousin du Pulcinella napolitain voire de notre Guignol français). « Il y a toute une génération de marionnettistes qui est passé par son atelier, c’est un excellent sculpteur de marionnette en bois, et grâce à son travail, il y a aujourd’hui plus de marionnettistes qu’il y a 30 ans en Grèce : le créateur du Merlin Puppet Theatre, installé en Allemagne, a fait son apprentissage avec Stathis » précise-t-il.
… au plaisir de la création de petites formes
« La marionnette est un vecteur d’humanité »
Le jeune Yiorgos s’est vite pris de passion pour cet art dans lequel le marionnettiste donne vie à un objet inanimé en y mettant son humanité, créant un univers complet à partir de rien. « On peut créer un univers avec une boite d’allumette, dans un espace réduit : c’est magique. Ce qui est étonnant, c’est que le public accepte cette convention et part très vite dans la narration. Pour moi, la marionnette est un vecteur d’humanité, on se lie avec des objets et ça fonctionne comme un miroir où on envoie notre humanité dans des objets dérisoires et où le spectateur se retrouve dedans ». Il y a quelque chose d’universel dans le langage marionnettique qui ne nécessite pas d’avoir recours à la parole ou au jeu. Pour cette raison, c’est un moyen d’expression qu’il affectionne particulièrement. De plus, « la marionnette se transporte facilement et j’aime ce côté autonome. L’avantage de la marionnette, c’est que c’est un art qui peut voyager simplement en avion et qui se joue partout. J’aime beaucoup jouer dans les lieux non théâtraux, les musées par exemple, c’est magnifique…»
Pour l’amour d’une tradition vivace et vivante
Sur la marionnette et sa tradition, Yiorgos est intarissable. « On a de la chance que la marionnette soit une tradition vivante. On aime cette tradition, elle nous inspire, elle est très présente dans la vie de la marionnette contemporaine qui y fait encore référence » précise-t-il. « Ces traditions sont un savoir-faire énorme à préserver. Aujourd’hui en Sicile par exemple, on peut voir des spectacles de marionnettes ‘pour touristes’, qui reprennent en condensé le répertoire » continue-t-il, faisant allusion à certaines représentations de Pupi Siciliennes auxquelles il a pu assister. « Avant, les épisodes de l’Orlando Furioso et des Paladins de France étaient joués selon un calendrier chrétien bien établi : la mort de Roland correspondait à la mort du Christ. » Les Pupi, inscrites au Patrimoine Mondiale de l’UNESCO, c’est un genre de marionnette qu’il connait bien pour avoir travaillé dans sa jeunesse à Palerme avec Mimmo Cuticchio, un digne représentant de cette tradition, passionné par son art. Il nous parle même de trésor national en le citant. Un trésor national tout comme le Bunraku, marionnette japonaise dont la tradition remonte au 8ème siècle après J-C. « Le bunraku dont le répertoire est proche du théâtre No n’était joué qu’à certaines périodes bien précises de l’année. C’est bien plus ancien que nos traditions » conclut cet amoureux des marionnettes.
Le marionnettiste travaille actuellement sur une nouvelle création faisant appel aux hologrammes, mais de cela, il nous en parlera bientôt. A suivre !
Propos recueillis par Diane Vandermolina
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