On a vu: Aide à dom’ de la Compagnie en Avant-Scène
Texte d’Emile Lehat /Création de la compagnie en Avant-Scène/Avec Géraldine Baldini/Durée : 1h
Au-delà des apparences
Cette comédie grinçante et satirique met en scène une aide à domicile, Agnès, employée par une association pour soulager les tâches ménagères d’un couple de retraités argentés. Elle sort avec Julio, un gars au chômage qui n’a de cesse de lui dire qu’il l’aime, mais désabusée par des aventures passées avortées, elle s’en méfie. A 40 ans, elle n’a jamais eu d’enfant… faute d’avoir rencontré le papa idéal.
Son hobby ? Ecouter la radio, de vieux tubes – ceux de Dalida, d’Hervé Vilar ou encore des Stones pour ne citer qu’eux- quand elle fait le ménage, chantant à tue-tête, dansant comme une folle avec le balai… Faignante, frivole et insouciante, elle reconnaît volontiers l’être et ces vieilles ritournelles romantiques lui rappellent des souvenirs. Et quels souvenirs !
Celui d’un amour passé, des retrouvailles à Capri à l’hôtel miteux de Naples où elle a vécu une nuit d’amour torride, un récit savoureux et drôle, au réalisme teinté de nostalgie et d’autodérision car Agnès a la verve sarcastique, la gouaille corrosive et le franc-parler au bon sens déroutant quand elle nous raconte sa vie sentimentale chaotique, son bas salaire pour un travail ingrat auprès de vieux radins qui se plaignent du coût de l’eau. Comment vont-ils pouvoir remplir la piscine ? Une question existentielle qui montre bien les priorités des riches quand d’autres, les pauvres, meurent de faim et de soif !
Avec dédain et une certaine rancœur mâtinée d’envie pour ces privilégiés, elle brosse un portrait peu flatteur de l’humanité (elle inclue), portrait au vitriol d’une société gangrenée où le virtuel a remplacé le réel, où les réalités ne sont qu’apparences bien trompeuses. Elle se fait porte-parole de toutes ces femmes qui triment sans considération pour gagner 700€ par mois.
Avec ironie, en toute simplicité, avec entrain et bonne humeur, aussi, elle s’adresse à un public imaginaire, à nous également, brisant la glace par des apostrophes tantôt cocasses, tantôt surprenantes. Car nous avons affaire avec une bien singulière aide-ménagère qui sous couvert de nous raconter des pans de sa vie se pose de nombreuses questions philosophiques sur la vie, les rapports humains et amoureux, le tout entrecoupé de bonnes tranches de rigolades notamment quand elle imite les vieux, au téléphone avec sa copine, assise sur le canap’ du salon.
Une fragilité cachée, des faiblesses qu’elle nous dévoile, par touche, l’air de rien en s’amusant, un aveu de son inculture qui la rendent attachante. Le personnage est excellemment incarné par Géraldine Baldini qui nous fait passer du rire aux larmes, du dérisoire au sérieux en un claquement de langue, avec vivacité et énergie. Géraldine est Agnès, un rôle sur mesure écrit par un auteur qui manie le verbe avec aisance, jouant sur les mots et l’ignorance de son personnage, avec efficacité.
Sobriété du décor (un intérieur cossu avec son canapé or et rouge, sa table de salon avec son candélabre…), atmosphère rétro avec ses lumières rosées, bande son raccord avec le style vieillot de l’appart’ bourgeois, tout est pensé pour offrir au public du théâtre populaire, de belle facture, sans chichi qui met en avant le jeu d’acteur. C’est un spectacle joyeux, rythmé, enlevé où la chute est joliment amenée, quand Agnès s’habille pour rejoindre Julio venu la chercher. « J’aurai pas foutu grand-chose aujourd’hui », dit-elle ! Une petite phrase qui résume à elle-seule le personnage et toute son ambiguïté.
Le sujet pourtant sérieux de la condition des aides à domicile, domestiques des temps modernes, est traité avec humour et porté avec talent par une comédienne seule en scène, dont le don d’imitatrice est étonnant de justesse. Cette comédie est une belle création qui séduira sans conteste un large public. Diane Vandermolina
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