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Amandine Habib : les Ondes, récital de piano

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GESTE ONDULANT ET ONDES

           Amandine Habib nous prend doucement dans le flot délicat de son disque, Les Ondes, label Mélism. Ce CD est un récital de piano où elle met en regard, en écho, je dirais en miroir, Couperin et Debussy, le claveciniste compositeur du XVIIe siècle et le compositeur du XXe.

Amandine Habib est née à de Marseille : on a pu l’y entendre de nombreuses fois dans des structures et lieux consacrés de la musique, de Marseille-Concerts à Saint-Victor. Elle a aussi participé aux Journées musicales de Digne-Les-Bains, pour présenter ce disque lors d’un concert.

            C’est à Marseille qu’elle a fait ses premières études de piano, dans notre Conservatoire. Parmi ses maîtres, on trouve Édouard Exerjean, Bruno Rigutto. Elle y récolte ses premiers prix. Ensuite, c’est au Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon qu’elle poursuit ses études. Mais elle a aussi une Maîtrise de musicologie avec mention Très Bien, ce qui explique, me semble-t-il, l’aisance avec laquelle elle s’exprime dans ses textes sur la musique, et qu’elle explique ses choix et ses intentions d’interprète. Elle a aussi un C.A. (Certificat d’Aptitude aux fonctions de professeur de musique). Elle enseigne le piano au Conservatoire de La Ciotat.

            Pour résumer, Amandine Habib, mène de pair une carrière d’enseignante et de concertiste, soliste et chambriste : théorie et pratique se nourrissent mutuellement.

            Son premier C. D. Around Bach, label Musicube est fait d’un choix très personnel de transcriptions d’œuvres du compositeur par d’autres musiciens, enregistré avec des micros expérimentaux.

Mais, Amandine Habib, n’est pas une musicienne statique : ainsi, sac au dos, elle a voyagé, au Laos ! Elle s’y est frottée aux musiques extra-européennes ; elle a étudié et enregistré la musique de l’ethnie Kammu, ouvrant grandes ses oreilles et ses horizons au-delà de notre ethnocentrisme européen limité, autant humainement, culturellement, dans le spectre musical. Rappelons que Debussy, « Claude de France », était fasciné de loin par l’Orient, par l’Espagne voisine, qu’il n’a jamais visitée, mais revisitée en musique.

Pour ce disque, Les Ondes, Couperin/Debussy, qui fait passer les partitions de Couperin à l’origine pour clavecin au piano, dont la technique est différente, cordes pincées du clavecin et percutées pour le second, Amandine Habib, s’est minutieusement préparée, travaillant L’Art de toucher le clavecin de Couperin, s’informant auprès de l’une de ses meilleures interprètes, notre amie Christine Lecoin et, pour Debussy, auprès de Bernard d’Ascoli, prestigieux pianiste. Ce soin est sensible dans son interprétation. Ainsi, dans Poissons d’or de Debussy, on croit voir ces couleurs, ces éclats soudains des poissons fugaces, fulgurants et fuyants, glissant capricieusement dans l’eau et l’on sent ce toucher, ce geste ondulant du bras qui semble épouser le mouvement de l’onde, ce doigté léger qui effleure les touches comme un doigt nonchalant fait des clapotis dans l’eau, taquinant les poissons, minuscules soleils aquatiques. On s’embarquerait volontiers avec elle pour L’Isle joyeuse toute solaire, un Embarquement pour Cythère qui n’a pas, ici, la mélancolie de celui, pictural, de Watteau.

Le choix des pièces des deux compositeurs est judicieux. En dehors de formes brèves, aphoristiques, des deux, on dirait des tableautins, des vignettes (Debussy adorait les images) j’y vois des échos :

1) le végétal : la Flore, Les lis naissants, Les roseaux Couperin, (Flore, portrait sans doute, mais divinité printanière, toute fleurie), Debussy : Bruyères, Collines d’Anacapri ;

2) les ondes : L’Étincelante, portrait de Couperin pourrait être liquide ; mais l’ondoiement debussyste, aquatique : même L’Isle joyeuse, La cathédrale engloutie, bien sûr, et, ces insaisissables Poissons d’or qui glissent sous l’œil sinon les doigts.

Bonheur d’enfance, on rêve avec Amandine Habib, avec la berceuse de Couperin le Dodo, ou l’Amour au berceau, peut être Cupidon du galant XVIIIe siècle. On goûte la délicatesse ourlée des ornements, dentelle aérienne qui semble tendrement éventer l’enfant qui s’endort, ou ne veut pas, résiste au sommeil pour prolonger ce bonheur souriant.

Benito Pelegrín

Amandine Habib, Les Ondes, Couperin et Debussy label Mélism, Production Arts et Musiques en Provence 

https://www.amandinehabib.com/galerie 

 « teaser » :  https://soundcloud.com/amandinehabib/lisle-joyeuse-l-109

 https://www.amandinehabib.com/galerie?lightbox=dataItem-k02d2rzq

Photo Pierre Morales

 

Rmt News Int • 5 juin 2020


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