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D’un confinement musical (partie II)

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JOURNAL MUSICAL D’UN CONFINEMENT (6)

Don Quichotte : recours et un secours

         En ce triste temps de confinement, la lecture, relecture de Don Quichotte de Cervantes (1605/1615), par sa beauté, son humour, son amour de l’humanité, est un recours et un secours. Guidé par un idéal de justice et de bonté, le chevalier errant est le défenseur des causes perdues. Il est toujours vaincu, mais il y a des défaites plus glorieuses que des victoires. C’est un hidalgo qui a pris pour écuyer un pauvre paysan, Sancho, qu’il appelle « ami », « fils » et lui transmet sa haute morale, un idéal de liberté, d’égalité, de fraternité déjà.

       Sur la liberté :

 « La liberté, Sancho, est un des dons les plus précieux que les Cieux aient faits aux hommes ; pour la liberté autant que pour l’honneur, on doit aventurer la vie ; au contraire, la captivité est le plus grand malheur qui qui puisse advenir aux hommes. »

Sur l’égalité de tous les hommes, au-delà des titres :

« Sois fier, Sancho, de l’humilité de ton lignage, et ne dédaigne point de dire que tu es fils de paysans. Si l’on voit que tu n’en as pas honte, nul n’essaiera de t’en faire honte ; […] il n’y a pas de raison d’envier ceux qui ont pour pères et aïeux des princes et des grands, car si le sang s’hérite, la vertu se mérite, et la vertu vaut bien plus que toute noblesse héritée. »

 « Sache, Sancho, qu’aucun homme n’est plus qu’un autre s’il ne fait pas plus qu’un autre. »

Don Quichotte, c’est aussi l’espoir :

« Toutes ces tempêtes qui nous frappent sont le signe que le beau temps va revenir et que nos affaires vont s’améliorer ; car il est impossible que le mal et le bien soient durables et il s’ensuit que, le mal ayant beaucoup duré, le bien est déjà proche… »

Ne croirait-on pas que Cervantès avait prévu notre confinement et déconfinement dans cet échange entre ses deux héros ?

 « Seigneur, dit Sancho, quand donc cessera cet enchantement qui nous tient enfermés en châteaux et auberges et nous empêche de vaguer par le monde ?

—Je ne sais, Sancho, mais, quand nous en sortirons, il n’y aura nul géant qui puisse nous résister. »

Nous sentons bien tous, qu’après cette épreuve mondiale que nous subissons, rien ne sera pareil et qu’il faudra en tirer les leçons pour faire un monde meilleur. Écoutons encore Don Quichotte :

« Ami Sancho, changer le monde n’est ni folie ni utopie, mais justice. »

         Comment n’être pas d’accord avec cette phrase à l’ironique duchesse ?

« Madame, où il y a de la musique, il ne peut y avoir de mal. »

Don Quichotte à Dulcinée est un recueil de trois mélodies composées par Maurice Ravel en 1932 sur des poèmes de Paul Morand. Voici la « Chanson épique», chanson d’amour mystique à Dulcinée assimilée à la Vierge, la dame idéale, dans une tradition lyrique héritée des troubadours  dans sa version orchestrale par José van Dam, baryton, et l’Orchestre de l’Opéra de Lyon,  dirigé par Kent Nagano :

https://duckduckgo.com/?q=Chanson+%C3%A9pique+de+Ravel+par+Jos%C3%A9+Van+Dam&t=osx&ia=videos&iax=videos&iai=https%3A%2F%2Fwww.youtube.com%2Fwatch%3Fv%3Df3npUQ3CtW4

Et la version piano originale des trois mélodies toujours par  José van Dam, baryton, accompagné par  Dalton Baldwin au piano

https://www.youtube.com/watch?v=Mzg-foksC5w

Chanson épique

 

Bon Saint Michel qui me donnez loisir

De voir ma Dame et de l’entendre,

Bon Saint Michel qui me daignez choisir

Pour lui complaire et la défendre,

Bon Saint Michel veuillez descendre

Avec Saint Georges sur l’autel

De la Madone au bleu mantel.

D’un rayon du ciel bénissez ma lame

Et son égale en pureté

Et son égale en piété

Comme en pudeur et chasteté:

Ma Dame.

Ô grands Saint Georges et Saint Michel,

L’ange qui veille sur ma veille,

Ma douce Dame si pareille

A Vous, Madone au bleu mantel !

Amen.

Image de Une : Illustrations de L’Ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Manche / Gustave Staal, dess. / Pannemaker, Mouard, Midderich, [et al.], grav. / Miguel de Cervantès, aut. du texte/ Libre de droit/ 1877

 

JOURNAL MUSICAL D’UN CONFINEMENT (7)

Leçons d’un confinement

Nous savons tous, désormais, qu’il y a des effets positifs de notre confinement, non seulement parce qu’il freine la course du virus,  mais aussi bénéfiques sur notre environnement : moins de voitures et, du coup, un silence merveilleux sur nos cités, miraculeux pour le sommeil  et  pour le réveil quand on réentend les oiseaux ; moins de pollution, et l’air est plus respirable ; le ciel nocturne purifié laisse revoir des étoiles qu’on avait oubliées ; des animaux que, lentement, nous avons repoussés de leurs territoires, redécouvrent un espace, autrefois à eux, que nous avons usurpé,  et ils osent, timidement, libérés du bruit et de la brutalité humaine, s’y promener un peu ; on a vu des chevreuils, des sangliers, une mère canne sur la chaussée suivie de la file dandinante de ses cannetons. Dans nos calanques, on a revu des dauphins, et même des cachalots s’y ébattre, sans risquer les hélices meurtrières des bateaux ; épargnée par le rouleau compresseur des pneus, j’ai même vu éclore, entre les rides des pavés, le rire d’une fleur et j’en ai fait un poème.

Nous avons tous vu, comme si nous étions des témoins extérieurs, ces saisissantes images aériennes de nos villes désertes, vidées d’habitants : vidées de nous.

Que notre arrogance humaine tire au moins une leçon de cette pandémie qui pourrait exterminer les hommes : nous ne sommes pas nécessaires au monde, à la terre, à la nature. Sans nous, le soleil se lève toujours, les fleurs fleurissent, les arbres verdissent, les animaux revivent en paix. Privé d’hommes, le monde existe toujours, la nature revit. La nature n’a pas besoin de nous, c’est nous qui avons besoin d’elle. Retenons cela pour la préserver, et nous protéger.

Et puisque nous savons que le saccage des forêts de Malaisie, le non-respect des frontières entre les espèces vivantes, font naître ces virus nouveaux qui risquent de nous exterminer, pleurons sur la déforestation criminelle de l’Amazonie, poumon de la planète. J’eus le bonheur de l’arpenter un peu et d’y naviguer en pirogue avec un indien, évoquons ces contrées merveilleuses du Brésil en écoutant un extrait de cette Bachiana N°5, enregistrée en 1956 par Victoria de los Àngeles, accompagnée par huit violoncelles, sous la direction du compositeur lui-même, le Brésilien Heitor Villa-Lobos (en image ci-dessus):

https://www.youtube.com/watch?v=zBZg_t4VWOo

 

JOURNAL MUSICAL D’UN CONFINEMENT (8)

 

Leçons d’un confinement

         J’avais commencé ce journal par un passage de Pascal qui estimait que tout le malheur de l’homme venait de ne pouvoir rester en repos dans une chambre. Je ne sais si tout le monde y a trouvé bonheur et repos mais à coup sûr, ce confinement, cet isolement forcé, seul ou accompagné, nous a forcés, sinon à un examen de conscience, à une prise de conscience du dedans, du dehors, ce dehors où règne le virus mortel ; conscience aussi de soi et des autres : séparés des autres, nous avons sans doute pris conscience de leur prix ; la parole pour soi, parole de la solitude, monologue, soliloque, renforce le besoin de dialogue, du partage de la parole, et même, de nos fenêtres, de balcon à balcon, partage avec des voisins inconnus des applaudissements envers nos héroïques soignants.

Je crois que, depuis la joyeuse révolution sociale de 68, où les gens, enfermés, renfermés en eux, sinon chez eux, depuis si longtemps, avaient appris, réappris à se parler, et même les murs parlaient alors, depuis 68, on n’a pas connu un tel désir de communiquer, qui est aussi communier. Comme effaçant, écartant les murs de notre logis confiné, notre confinement a créé en nous une soif de communication, a fait éclore un échange extraordinaire par internet, de poèmes, de textes et de dessins humoristiques, de vidéos qui sont autant que des récréations, de vraies créations artistiques. Une création de vie alors que nous la sentons si fragile et si menacée, pour nous mais surtout pour ceux que nous aimons.

Une fois tirés de cette épreuve, sans doute nous faudra-t-il en tirer les leçons, sûrement dures, cruelles. Mais sans doute aussi, si nous nous en tirons, faudra-t-il rendre grâce à la vie, plus forte que tout. Et c’est pourquoi je vous invite à vous laisser bercer par la douce litanie de cette chanson de la Chilienne Violeta Parra, (morte en 1967, image ci-dessus), Gracias à la vida, qui est un hymne à la vie, humble et puissant, un chant d’espoir dont je vous adapte quelques strophes :

 

Merci à la vie, qui m’a donné tant,

Qui m’a donné la gamme et donné l’alphabet,

Les mots par lesquels je pense et décline

Mère, frère, ami, et lumière éclairant

Le chemin de l’âme et de l’être aimé. […]

Merci à la vie, qui m’a donné tant,

Qui m’offrit le cœur qui bat bien plus fort

Quand je vois le fruit du cerveau humain,

Quand je vois le bon si loin du méchant,

Quand je sens ta main qui cherche ma main.

Merci à la vie, qui m’a donné tant,

Qui m’offrit le rire et m’offrit les larmes,

Ainsi, je distingue bonheur et douleur,

Les deux matériaux qui font que je chante,

Le chant de vous tous qui est le même chant,

Et le chant de tous qui est mon propre chant.

Merci à la vie, qui m’a donné tant…

https://www.youtube.com/watch?v=UkIyMxDIo_k

Rmt News Int • 10 juin 2020


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