ORGUE ET HAUTBOIS, douceur d’un romantisme sans névrose
Méditation Romantique. Jean-Christophe Aurnague, orgue (Orgue Brondino Vegezzi-Bossi de l’église du Sacré-Coeur, Monaco) / François Meyer, hautbois, éditions Hortus.
En ce début de XXIe siècle, je vous le disais, l’orgue, instrument immémorial, est redevenu à la mode. Peut-être parce que les églises, les cathédrales, monuments historiques souvent remarquables, sont plus ouvertes, et redécouvertes par un public curieux, croyant ou non, sensibilisé à la richesse patrimoniale qui, à l’intérêt architectural et pictural souvent qu’elles représentent ou recèlent, ajoute aussi la fastueuse et grandiose séduction de la musique de ces grandes orgues, qui sont également des monuments par leur taille, et des œuvres d’art très souvent aussi, par la beauté de leur buffet en bois sculpté, l’impressionnant alignement titanesque de leurs tuyaux étincelant dans la pénombre. Les églises sont aussi des temples, c’est le sens étymologique du mot, ecclesia, signifie assemblée, des lieux de rencontre qui ont retrouvé leur fonction de lieu musical de réunion, je dirais, d’union, de gens qui croient au ciel et de gens qui n’y croient pas, par la grâce, la communion de la musique, bref du concert qui veut dire unir, concerter, harmoniser même des contraires. C’est le concert musical qui emblématise ce sens qui oppose pour fondre et unir dans l’harmonie une, un instrument soliste apparemment opposé, dans sa singularité, à la pluralité instrumentale d’un orchestre.
Ainsi, l’orgue, qui est tout un orchestre immobile, tonnerre trônant dans une église, géant débonnaire ; sait se faire tout petit, confidentiel pour, concerter harmonieusement avec un instrument invité à dialoguer avec lui.
Ainsi, ce disque plein de charme, qui donne pour partenaire à l’orgue immense le minuscule hautbois :
Méditation Romantique. Jean-Christophe Aurnague, orgue (Orgue Brondino Vegezzi-Bossi de l’église du Sacré-Coeur, Monaco) / François Meyer, hautbois, éditions Hortus.
Les deux musiciens Jean-Christophe Aurnague et Francois Meyer confient qu’ils se sont rencontrés depuis plusieurs années à l’occasion des concerts et des liturgies, et ont partagé avec bonheur, pour le nôtre, leur répertoire respectif pour hautbois et orgue. Ce disque en est issu. Mais, loin d’en avoir fait un disparate assemblage de morceaux d’origine diverse, c’est leur passion pour l’époque romantique qui a été le facteur unificateur de leur programme. Mais non seulement au niveau chronologique limité au XIXe siècle, puisque certains compositeurs sont largement du XXe, puisqu’ils nous offrent le plaisir de la découverte de musiciens oubliés, de compositeurs qui, à part César Franck présent ici pour une pièce et Gabriel Pierné pour deux, nous sont tous inconnus :
Théodore Salomé (1834-1896) ; Charles Quef (1873-1931) ; Reinhold Glière (1875-1956) ; Horatio William Parker (1863-1919) ; Alexandre Guilmant (1837-1911) ; Théodore Dubois (1837-1924) ; César Franck (1822-1890) ; Gabriel Pierné (1863-1937), mais rien sur John Robert Watkinson qui semble plus ancien, et Marc Cheban, Anglais, né en 1953 d’après nos recherches.
Ces morceaux, pour orgue seul, ont été adaptés pour dialoguer avec le hautbois. Cet instrument à vent, dont le nom entraîne une confusion avec le basson, qui est bien plus haut et en bois aussi, a la dimension d’une clarinette. Son timbre peut être puissant et sonore ou doux et charmeur, clair ou plein de rondeur et de chaleur. Le joueur de cet instrument est un hautboïste.
On goûtera avec volupté la Romance de Théodore Salomé : le hautbois semble s’étirer langoureusement, sensuellement, se draper, se lover amoureusement dans les plis chaleureux de l’orgue.
Le modeste hautbois n’est pas affronté mais confronté en agréable douceur avec un orgue qui sait se mesurer à son partenaire. Dans la Cantilène pastorale d’Alexandre Guilmant, on est séduit par le frais friselis de feuillage argenté de l’orgue dans l’ombre du pianissimo, qui laisse chanter la finesse du phrasé solaire du hautbois qui déroule des volutes sur ce vaporeux nappage de l’onde de l’orgue et l’on s’émerveille de l’équilibre entre ce fétu soufflé et cette masse à la soufflerie géante mais jamais écrasante.
Un disque à écouter, à méditer dans son romantisme léger, sans névrose ni spleen romanticoïde. Benito Pelegrín
Méditation Romantique
Jean-Christophe Aurnague, orgue (François Meyer, hautbois, label Hortus.