Quand la culture mène le combat
Depuis un mois, les théâtres et scènes nationales, une Frac et des Opéras sont occupés par les artistes et techniciens du spectacle vivant qui souffrent d’une année d’arrêt quasi-total de leur activité, pour les raisons sanitaires que nous connaissons.
L’objet de ces occupations ne se résume pas ni à une rapide réouverture des lieux culturels (même à jauge réduite), ni à la seule prolongation de l’année blanche, comme le demandent les CDN et le Syndéac* : tous et toutes réclament haut et fort l’abrogation de la réforme de l’assurance chômage, de la loi sur la sécurité globale et un véritable plan d’aide aux précaires, étudiants inclus.
Ce sont plus de 100 lieux hautement emblématiques** qui ont ainsi été pris d’assaut par les intermittents, étudiants et précaires de la culture : ces derniers cohabitent en bonne intelligence avec les directeurs desdits lieux, sous condition de respect des règles sanitaires mises en place (jauge, distanciation, port du masque, gel hydro alcoolique….) et édictées par le gouvernement. Ces occupations ont néanmoins pour certaines subies de plein fouet le tour de vis annoncé par le Président de la République en ce début de mois d’avril avec l’instauration d’un nouveau confinement jusqu’au 5 mai, limitant les attroupements en extérieur et en intérieur à 6 personnes ainsi qu’interdisant l’achat et la consommation d’alcool sur la voie publique. Des occupants ont été sommés de quitter le lieu occupé (à Toulon, le Liberté), d’autres ont vu leur jauge réduite à 6 personnes (à Paris, la Colline), et les derniers ont vu le nombre jour d’occupation limité à deux après-midi par semaine (à Marseille, le FRAC).
Cependant, en dépit des pressions exercées par ces quelques directeurs frileux ayant reçu un appel à l’ordre de la préfecture, les occupations perdurent et les manifestations revendicatives sont encore autorisées pour peu qu’elles respectent les mesures et protocoles sanitaires instaurés en accord avec les directions et les instances gouvernementales. La liberté d’expression de ses opinions ne peut être fort heureusement contrainte par la situation de crise sanitaire et les appels des occupants des lieux culturels dont les actions se multiplient de part et d’autre de la France reçoivent un écho de plus en plus large au sein de l’opinion publique, chez les salariés et les précaires. Prenant des formes différentes (manifestations interprofessionnelles, occupations ponctuelles de rond-point, invasion de locaux dépendant du Ministère du Travail, happenings, lâchers de clowns, marches silencieuses…), elles se sont intensifiées depuis les annonces du gouvernement concernant une probable réouverture des lieux à la mi-mai, ce à quoi le monde de la culture ne croit pas véritablement, attirant dans son sillon Gilets jaunes et précaires de tout secteur (santé, éducation).
Des associations militantes (Attac), structures solidaires (l’Après M à Marseille), partis politiques de gauche et écologistes, apportent également un soutien unanime à leurs légitimes revendications contre la casse des droits sociaux. Les médias nationaux commencent enfin à donner les raisons premières de leur colère, à savoir l’abrogation de la réforme de l’assurance chômage, condition sine qua non à toute réouverture des lieux culturels.
Les revendications dépassant largement le secteur culturel ne peuvent que drainer dans leur sillage une population plus large et le mouvement, ainsi initié par les acteurs et actrices de la culture, commencer à faire tache d’huile.
Diane Vandermolina
*le syndicat des entreprises artistiques et culturelles regroupe essentiellement les structures culturelles subventionnées par et conventionnées avec l’Etat. Il ne représente pas les entrepreneurs culturels privés représentés par d’autres syndicats dont la situation est bien plus compliquée et critique.
**emblématiques dans le sens où se sont des lieux subventionnés par le Ministère de la Culture : ce sont des lieux dont les obligations de service publique sont définies par un cahier des charges défini par la tutelle de laquelle ils dépendent directement quasi-indépendamment du taux de fréquentation de leurs espaces, au contraire des lieux privés dont les recettes dépendent presqu’ exclusivement des entrées de billetterie.