Crépuscule Rouge de Serge Sarkissian
Mise en scène: Bernard Lanneau/Durée 1h/du 7 au 29 juillet – Relâches : 13, 20, 27 juillet à 18h50 au théâtre Le petit chien 76, Rue Guillaume Puy 84000 – Avignon
Quand la nuit tombe sur la fin d’un monde
A 18h50, jusqu’au 29 juillet (relâche mardi), Onesime2000 présente la création Crépuscule Rouge sur un texte original de Serge Sarkissian (paru aux éditions Onesime2000) au Théâtre Le Petit Chien, coproduite par le Toursky.
Dès l’ouverture du rideau, nous plongeons dans l’univers suranné de l’URSS communiste du début des années 90.
La mise en scène sobre souligne le jeu des comédiens sur fond de décor épuré : un tableau de Staline et un autre de Lénine surmontent une grande table, quelques reliques du passé sont disposées côté cours sur une commode dont un vieux téléphone à cadran, un écran en fond de plateau sert à des projections vidéos d’images d’archives de blindés qui tentent d’empêcher les manifestants pacifiques, allongés face aux tanks, de protester contre le régime dans la capitale russe.
Nous sommes dans un appartement communautaire à plusieurs milliers de kilomètres de Moscou où se déroule la protestation, Novossibirsk où vivent deux hommes et une femme, tous trois rejoints par une quatrième. Vlad, communiste convaincu que la foi n’a jamais lâché, et Azad, arménien utopiste rescapé d’un asile psychiatrique aux illusions perdues, viennent de deux mondes que tout oppose et s’affrontent dans une diatribe violente sur les bienfaits pour l’un, les méfaits pour le second, de l’idéal communiste et son délitement après la chute du mur de Berlin ayant sonné le glas de l’URSS.
« Nous mènerons d’une main de fer l’humanité vers le bonheur » Vlad
Bernard Lanneau incarne avec brio tout en dureté, froideur, et conviction ce personnage têtu et borné, droit dans ses bottes, qui s’échine à défendre l’indéfendable, justifiant sans relâche les horreurs commises par le régime, tant il a été bercé par le communisme depuis sa plus tendre enfance, aveuglé par cet idéal impossible.
Philipe Lebas est un Azad magnifique, fougueux et pourtant brisé, épuisé, si humain face à son ami Vlad, implacable: il est l’image même du dissident ayant vécu les pires choses sous le régime communiste, torturé, drogué, enfermé. Il exulte sa haine du régime, sa rage de voir son ami si aveugle et dans un déni si total des exactions commises au nom de la révolution prolétarienne. Son récit de sa rencontre avec Staline est ici poignant.
« Il n’y a pas d’essence métaphysique, il n’y a que l’essence humaine » Vlad
Sonia, quant à elle, ne s’intéresse ni ne se mêle de politique : c’est une ex-ballerine du Bolchoï, corps de ballet autrefois utilisé par les gouvernants pour montrer l’excellence du régime, sa puissance et magnificence. Elle est incarnée par Catherine Salviat qui nous émeut quand elle nous raconte ses débuts au Ballet, avant son accident à la cheville, « un accident bête comme il en arrive », qui a mis fin à sa carrière. Témoin de ce duel entre ces deux hommes qu’elle apprécie, elle tente de tempérer leurs ardeurs. Elle aura par ailleurs le dernier mot de la pièce, « et quand viendra notre heure…. Nous nous reposerons.»
La petite fille de Sonia, Macha, qui arrive tout de droit de Moscou où gronde la révolte, incarne le renouveau et l’espoir d’un monde nouveau : Daria d’Elissagaray offre la jeunesse de ses traits à l’apprentie journaliste qui rêve de changer le monde et s’évertue sans succès à faire entendre raison à Vlad qui reproche aux manifestants de vouloir faire entrer le pays dans le capitalisme.
Servi par un magnifique texte, ce spectacle poignant et actuel est un appel à la réflexion sur notre passé et notre rapport au passé, sa réécriture selon nos croyances, en regard avec l’histoire présente et ce qu’elle porte en elle de renouveau, les germes d’un avenir différent, d’un possible espoir. Diane Vandermolina
Suit Sois un homme mon fils, de et av50ec Bouchta à voir et à revoir pour le plaisir des mots à 20h30.