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The culture beyond borders

Pôvre vieille démo-crasseuse (sur un texte de Sol)

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Solo de Clown/ Mise en scène: Michel Bruzat/ avec Marie Thomas/Durée : 1h 10/Du 6 au 25 juillet – Relâches : 12, 19 juillet à 14h15 au théâtre des Carmes 6, place des Carmes 84000 – Avignon

Pauvre humanité, pauvre planète

Un clown, bavard et dégingandé, un peu clochard, arlequin dyslexique, magistralement interprété par Marie Thomas à la précision du geste toute chirurgicale et à la diction sans faille nous raconte les origines de notre humanité : la naissance du premier homme, son ennui, la venue de la première femme, leur envie de fuir ce paradis ennuyeux, le peuplement du monde, la naissance de la royauté, la révolution industrielle, l’invention de la démocratie, l’avancée des soins médicaux…

Ce  discours parfois sans queue ni tête, qui passe du coq à l’âne en un tour de mot, est drôle, désopilant, surréaliste; il frise l’absurde à la Beckett et pourtant, il est si touchant, si vrai, si libre à l’image de ce clown québécois, poète et philosophe qui pose un regard critique et décalé sur notre société.

De jeux de mots sur les homonymies (excédentaires/sédentaires ou encore sans relaxe/sans relâche) en rimes libres savoureuses, avec ses assonances et consonances, allitérations remarquables, on ne peut qu’être séduit par ce texte aux multiples lectures :

« Qu’ils soient prince sans rire,

Vicomte de dépenses,

Chancelant chancelier,

Vieux chambellan caduc,

Comte à dormir debout,

Cacochyme archiduc »

En jouant sur l’usage polysémique des mots du quotidien – citons ici la tirade sur les médecins qui sont là pour nous soulager, au figuré de nos maux, au sens propre de nos organes, l’auteur Sol nous transporte dans un monde onirique, poétique et grinçant… Un texte succulent !

La mise en scène, signée Michel Bruzat, est sobre, sans fioriture aucune, diablement efficace, parce que pleinement concentrée sur le jeu mimétique du clown et ses attitudes, sa gestuelle et son dire très particuliers (mention spéciale pour son incarnation du serpent zozotant).

Quelques accessoires (un long bout de bois fin en forme de bambou, un petit tabouret ou encore une corbeille à pique-nique) et un rideau doré en fond sont les seuls éléments de décor : ils concourent à souligner, accompagner et mettre en valeur le jeu incroyable de la comédienne. Cette dernière dont la présence scénique est lumineuse sert merveilleusement bien le texte et nous en fait entendre toutes les nuances.

Tous les ingrédients sont présents pour nous faire passer un excellent spectacle qui nous questionne en creux sur nous-mêmes, notre existence et nos aspirations à une paix « qui n’est jamais venue, dont on nous parle sans cesse dans le journal à la rétrovision, cette paix qu’on n’attrape pas, qui se fiche de nous » et qu’on « n’a jamais réussi à ficher ».

Drôle, émouvant, amusant.  Tout simplement Bravo !

Diane Vandermolina et Paola Lentini

Crédit photos Franck Roncière

Le texte de Sol est édité par Caminoverde (2021). Infos sur www.caminoverde.com

Rmt News Int • 24 juillet 2021


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