En tournée : Rimbaud en feu avec Jean-Pierre Darroussin
Jean-Pierre Darroussin, Prodigieux dans un ‘Rimbaud en Feu’ à couper le souffle au Théâtre Toursky
« Moi, Arthur Rimbaud, le roi Ubu du royaume des fous »
Le 8 octobre dernier, la grande salle du Théâtre Toursky, pleine à craquer, a chaviré de bonheur et d’enthousiasme, applaudissant à tout rompre, debout, véritable bateau ivre, à la fin de la représentation de ‘Rimbaud en Feu’, une pièce de Jean-Michel Djian, mise en scène par Anna Novion, interprétée par un Jean-Pierre Darroussin au sommet de son art.
« Je suis de toute éternité »
Des lits gigognes en fer, une table et une chaise blanche. Le décor est spartiate. Nous sommes à l’hôpital psychiatrique de la Conception à Marseille et Rimbaud est là, regard halluciné, qui jette sa vision du monde au visage de l’humanité.
Cet homme « sans semelles et sans vent » s’adresse au futur et nous met en garde.
Jean-Pierre Darroussin est Rimbaud. Jogging veste ouverte, en chaussettes dont l’une est trouée, peu de gestes, sobrement, l’acteur campe formidablement le poète dévasté. La mise-en-scène méticuleuse, attentive aux moindres détails, est à part égale dans le succès de ce seul-en-scène. L’observation du milieu psychiatrique qui enferme et conforte dans la folie, et de celui qui y est retenu, force l’admiration. Rimbaud avance à petits pas mal assurés, bras ballants. Ceux qui ont connu le monde clos des asiles d’aliénés savent que c’est l’apanage des médicaments, ces drogues obligatoires qu’on ingurgite, une à une, sous surveillance. Mais il y a aussi le flacon qu’on cache, cette absinthe qu’on boit en catimini devient salvatrice, unique témoin d’un passé qui ressurgit.
« 19 millions d’innocents sous terre – Putain de guerre –Putain de militaires »
Mais il y a les moments où l’esprit réussit à échapper au brouillard. Alors, il lit allongé sur un lit de misère, aussi froid et gris que le fer qui le compose, la seule chose qu’on lui permette de lire, ‘Le Figaro’, journal de droite, alors ouvertement opposé à la commune de Paris. Il laisse aller son cœur, son génie, sa hargne, sa tendresse. Ils sont là, tous : son infirmier, Hugo, Sartre, Paul Verlaine, Alfred Jarry, Ignace de Loyola, Léo Ferré, Boileau… Son jugement est avisé, sa tendresse infinie mais ses condamnations sans appel, même s’il faut qu’un coup de sifflet strident le ramène à l’ordre. Passé, présent, avenir mêlés, cet homme « sans semelles et sans vent » s’adresse au futur et nous met en garde.
Darroussin, Eblouissant
On ne peut qu’être stupéfié devant l’interprétation éblouissante de Jean-Pierre Darroussin, même si, il est vrai, l’acteur nous a habitués à l’excellence. Le regard perçant, la voix juste, le geste mesuré, Jean-Pierre Darroussin réussit là une gageure difficile, un seul-en-scène d’exception. De bout en bout, l’attention est tendu et ne retombe pas une seule seconde jusqu’au final, splendide, poignant. Là, Rimbaud a 17 ans mais il est de toute éternité. Il chante ‘Le temps des cerises’, droit sur scène, devant nous, l’émotion dans la voix. Et tout à coup, dans ce théâtre Toursky où l’ombre de Léo se faufile parmi les rangs, un murmure enfle, les spectateurs l’accompagnent, fredonnent, d’un bloc, en sourdine, comme un remerciement, déjà, avant le crépitement des bravos.
Danielle Dufour-Verna
Crédit photo de Une: Rimbaud en feu© JMD Production
En tournée en France :
Radiant – Bellevue, 1 Rue Jean Moulin 69300 Caluire Et Cuire le 24 novembre 2021
Théâtre Antoine – Simone Berriau, à Paris du 13 janvier au 12 mars 2022
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