Un voyage initiatique au travers des fables de la Fontaine revisitées

Lili, voyage au cœur des fables / Cie Prends ton envol

Durée 55 minutes/A partir de 3 ans

Scénario : Marie Bily/ Mise en scène : Dana

Comédiens : Claudia Lapisardi, Karima Safri, Ivan Gueudet

Chants, musiques : Benjamin Tessier/ Costumes : Dana, Tabita Faoro et Christian Michel

Masques : Lolapol/ Jeu marionnettique : Stéphane Lefranc

Créations lumières : Yoann Navarro

Présenté au Divadlo Théâtre les 29 septembre, 6 et 9 octobre 2021, la création de la Compagnie Prends ton envol a séduit le public venu en nombre découvrir ce spectacle musical intégrant jeu d’acteur et marionnettes. Prêts à vous immerger dans le monde fabuleux de Lili ?

Une fable dans la fable

Telle l’Alice de Lewis Carroll quand elle traverse le miroir et plonge au cœur du Pays des Merveilles, le petite Lili sombre dans un profond sommeil où elle rencontrera de bien étranges personnages, les protagonistes emblématiques de La Fontaine : une grenouille pop, une cigale tout droit sortie d’une comédie musicale, un corbeau crooner, un agneau slameur ou encore un loup rockeur, maître de cérémonie steam punk. La petite fille au fil de ses rencontres découvrira l’objet de sa quête. Il lui faut trouver la clé magique : ce Graal, permettant d’éviter l’extinction du monde animal tant redoutée par son compagnon Max le chien, est jalousement gardé par un grand méchant loup sanguinaire sur ordre du Roi Lion.

Mais, comme tout parcours initiatique, sa recherche est parsemée d’épreuves et de défis à relever. Elle devra convaincre la grenouille de s’accepter soi-même, mission qui s’annonce bien compliquée pour Lili tant la grenouille souhaite ressembler au bœuf quitte à mourir d’avoir trop mangé, à l’image des hommes et de leur insatiable envie de domination conduisant à la destruction de la planète. Après avoir apaisé la cigale, à laquelle les fourmis refusent de céder quelques graines pour passer l’hiver, en lui enseignant les bases de l’agriculture à l’instar du « Cultivons notre jardin » de Voltaire, elle rencontre l’orgueilleux corbeau et réussit à l’allier à sa cause en se jouant de sa vanité : « nous allons tous mourir et toi aussi, maître corbeau ! ». L’agneau peureux, Léon le Mouton, chassé d’une oasis par le loup teigneux, sera amené à dépasser sa peur du plus fort, la ruse et l’union l’emportant sur la force.

Arrivée presque au terme de son aventure, Lili doit se mesurer au Loup et résoudre une énigme pour entrer en possession de la clé magique, clé qui se révèlera être une porte vers la sagesse qu’elle doit trouver au fond de son cœur si elle veut sauver les animaux de leur disparition future et préserver la nature des conflits.

Une façon ludique de sensibiliser les tous petits aux questions écologiques

Dans une mise en abîme des fables de La Fontaine, ce récit détourne les défauts des personnages pour en dévoiler les qualités et potentiels afin de les mettre au service de la cause écologique, ici, l’extinction des animaux, sachant que de nombreuses espèces sont en voie de disparition. L’héroïne de cette fable, Lili, est poussée par son amour des animaux à dispenser la bonne parole et agir pour le mieux des espèces grâce au lien puissant qu’elle entretient avec son petit chien, Max.

Il s’agit plutôt d’un spectacle musical, répondant aux codes de la comédie musicale avec ses intermèdes chorégraphiés et chantés, transitions ponctuant chaque scène. Mêlant également jeu d’acteur et marionnettes, cette création -dont le tableau d’installation dure un poil trop longtemps – repose sur une mise en scène sobre où le visuel est premier : on notera la beauté du décor – une forêt stylisée joliment dessinée-, subtilement éclairé pour donner l’illusion par des jeux de clair-obscur des différents espaces occupés par les protagonistes –un étang, une oasis ou encore un arbre.

La scène très visuelle du corbeau sur son arbre perché est fort belle, les mouvements sont précis et fins, le corbeau est magnifique même si nous aurions préféré ne pas voir en fond les comédiens manipulant la marionnette, ce choix de manipulation à vue atténuant la magie des effets. Une mention spéciale est attribuée à la manipulation de la marionnette représentant Max par la comédienne ventriloque incarnant Lili et dont le jeu s’assouplit en cours de spectacle, la révélant pleinement en petite fille sautillante, joyeuse militante de la cause animale. Nous sentons ici la touche précise et délicate de Stéphane Lefranc qui a collaboré au spectacle sur le volet marionnette.

Chacun des animaux est fort bien incarné : une posture, un mouvement, un geste, un mot ou un chant caractérise immédiatement le personnage et chacun des comédiens a su saisir l’essence du trait dominant de son personnage. Léon jouant à saute-mouton, la Cigale aérienne, la Grenouille bondissante, le Loup droit dans ses bottes, tous sont justes dans leur incarnation sous leur masque couvrant en partie le visage. Hélas, il aurait fallu pousser le travail de jeu masqué pour que les interactions entre Lili et les personnages soient plus crédibles. A ce détail près, le choix des masques est judicieux et ils sont fort bien réalisés, épousant le caractère de chaque personnage à l’image des costumes forts réussis.

In fine, même si ce spectacle reste un peu trop didactique, notamment au commencement du récit où la fable de la grenouille nous est contée différemment à trois reprises, il reste néanmoins agréable à regarder et les enfants interagissent avec les personnages de bon cœur et dans la bonne humeur. Les parents présents ce jour ont également apprécié cette revisite des fables de La Fontaine qui prouvent qu’elles sont toujours d’actualité et peuvent servir à illustrer justement les problématiques écologiques de notre temps. Le tout mâtiné d’humour et de joie. Diane Vandermolina