Exposition de la collection Cini, Trésor de Venise, à l’Hôtel de Caumont
Fra Angelico, la représentation de l’ultime
Impossible de rendre compte en un seul article de tous les feux allumés dans l’Hôtel de Caumont par la présentation de l’inestimable collection Cini d’œuvres de la Renaissance italienne.
Il est un Saint Thomas d’Aquin, de Fra Angelico, qui plus que toute autre gemme de cette exposition, éblouit le spectateur au point qu’il semble illuminer toute la salle dans lequel il figure et que l’on se demande s’il ne continue pas à briller quand toute lumière s’éteint à la fermeture du musée.
On ne peut s’empêcher d’y revenir plusieurs fois dans la visite, comme le papillon à la flamme, qui, celle-ci, ne saurait consumer aucune ailes, qu’elles soient terrestres ou célestes, Angelico oblige.
D’où vient donc cette lumière ? On scrute le retable. Pas de l’or, qui pourtant est ardent, mais qui semble plus refléter la lueur qu’il capte tout comme nos pupilles. Non, elle semble sourdre de la peinture même, la tempéra blanche ivoire qui sculpte la robe du Saint, mettant à profit chaque pli pour jaillir comme des facettes d’un diamant (tout cela ne peut se voir dans les reproductions et c’est devant l’oeuvre originale seule que cet éblouissement se produit).
Mais pourquoi Fra Angelico a-t-il mis en œuvre tant d’alchimie pour emprisonner cet éclat ? Il faut alors revenir au tableau, pour y retrouver, comme à contre-jour, la figure aux yeux ronds de bienveillance, à la moue tendre, du grand Saint Thomas d’Aquin, dominicain comme le peintre, et disparu seulement une centaine d’années avant que celui-ci naisse en 1387.
Pour le Saint, l’Homme a été créé avec des sens pour lui permettre d’accéder à la connaissance du Vrai et du Bien, qualités de Dieu qui transparaissent dans la Création. L’expérience sensorielle procure à sa raison le moyen d’approcher le Divin. Le chemin de raison, Fra Angelico nous l’indique en peignant Saint Thomas avec livre ouvert et plume (ou stylet) pour écrire, et nous nous reconnaissons, humains, dans ces attributs. Mais si l’Homme est ainsi créé capable de Dieu (Capax Dei), qu’Il peut connaître “pour soi” (per se), c’est à dire pour ce qu’Il est pour les hommes, ces derniers ne peuvent cependant le connaître “en soi” (in se), car l’Homme n’a pas la notion naturelle d’un être infini. Il y a donc un univers visible, celui des hommes, et un univers invisible, celui de Dieu, que l’on ne peut connaître qu’au travers de sa “lumière naturelle”.
Peindre l’univers dans son entier, le visible et l’invisible, c’est tout le défi que relève Fra Angelico dans ce retable où la surface peinte est l’espace des hommes et la lumière l’espace de Dieu.
Nul mieux que lui ne pouvait le faire, lui dont Vasari rapportait qu’il “n’aurait jamais touché ses pinceaux sans s’être mis auparavant en oraison”, qu’il “ne représenta jamais le Sauveur sur la Croix sans que ses joues fussent baignées de larmes” et que “ses œuvres semblaient créées au Paradis, et non de main d’homme”.
Quelle lumière pouvait-il nous donner comme étant celle émanant de Dieu ? C’est une lumière blanche que l’artiste a fait jaillir de la robe du saint. Une lumière, bienfaisante, comme celle que ceux qui sont revenus du seuil de la mort constamment décrivent, semblant irradier d’un nuage qui à peine voile le soleil.
Grâce soit rendue à Fra Angelico, qui méritait bien le titre de “patron universel des artistes » que lui avait conféré le Pape Jean-Paul II. Le même Pape l’avait deux ans plus tôt, en 1982, béatifié. Aujourd’hui, à l’hôtel de Caumont, c’est lui qui, d’émerveillement, nous béatifie. Dominique Reinhorn
Informations pratiques :
Exposition de la collection Cini, Trésor de Venise, à l’Hôtel de Caumont, centre d’art, Aix-en-Provence, jusqu’au 27 mars 2022.
Hôtel de Caumont-Centre d’Art 3, rue Joseph Cabassol 13 100 Aix-en-Provence
Tél. : 04 42 20 70 01 / www.caumont-centredart.com
Du 18 décembre au 2 janvier, entrée gratuite pour tous les enfants de moins de 18 ans !
L’Hôtel de Caumont-Centre d’Art est ouvert tous les jours y compris les jours fériés pendant toute la durée de l’exposition : 10h-18h.
Visite de l’Hôtel de Caumont-Centre d’Art + exposition : Plein tarif : 14,50 € /Tarif Senior (65 ans et plus) : 13,50 € / Tarif réduit (étudiants, demandeurs d’emploi, porteurs d’une carte d’invalidité, porteurs du pass Education – sur présentation d’un justificatif en cours de validité) : 11,50 € Tarif jeune (7 à 25 ans) : 10 € / Offre famille : 43 €
Photo de Une: Vue in situ de l’exposition – Crédit photo: Culturespaces – Eric Spiller
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