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I put a spell on you – body and soul consort

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Body & Soul Consort

I Put a Spell on You

Ellen Giacone, voix & direction artistique

Label Les belles écouteuses

Traduisons : Body & Soul Consort, c’est ‘Corps et âme mariés’. C’est sans doute un clin d’œil au premier opéra religieux de l’histoire de la musique, la Rappresentazione di Anima e di Corpo, le dialogue entre l’âme et le corps’ d’Emilio de ‘ Cavalieri, qu’on appellera oratorio car il fut donné à dans l’oratoire des Philippins, adjacent à à l’église Santa Maria in Vallicella à Rome en 1600. Car ce disque est aussi savant que simplement séduisant, unissant harmonieusement en musique un sonnet de Pétrarque du XIVe siècle à un poème de Shakespeare en passant par d’autres poètes et musiciens élisabéthains, sans dédaigner des standards de jazz tirés d’opérettes, des comédies musicales américaines. Le tout avec un charme, un naturel et un art qui ne sent en rien l’artifice.

Nous avouons aimer ces jeunes, qui, refusant de se laisser enfermer dans des genres, des étiquettes, voyagent et nous font voyager dans leurs goûts, avec beaucoup de goût. Le sous-titre du disque, c’est I Put a Spell on You, ‘Je t’ai jeté un sort’, de la chanson de Jay Hawkins de 1956. Et il y a du sortilège, de l’enchantement, amoureux, dès le premier morceau, Incantation, les deux quatrains du sonnet de Pétrarque mis en musique, avec une saveur ancienne par Ellen Giacone, dont la voix semble planer sous ou sur les voûtes d’une cathédrale médiévale peinte d’azur et constellée d’étoiles d’argent des cordes sur le tapis de mousse ombreux d’un bourdon étale : PLAGE 1

         Ainsi, sans solution de continuité, sans chercher à causer des surprises faciles, à accuser des contrastes brutaux, ce disque mêle, ou plutôt harmonise, dans le bonheur d’écoute,  les langues, italien, anglais, français, et, du baroque  au jazz, des codes musicaux et des cordes d’hier, de l’ archiluth et de la viole de gambe à celles d’aujourd’hui, de la basse et contrebasse,  sans oublier les cordes vocales de  la chanteuse,  lumineux jet limpide sur la sombre douceur du cornet à bouquin, scandée des pulsations de cœur battant de la batterie. C’est une ode à la liberté de choix, d’interprétation et même d’improvisation.

Écoutons de l’Anglais John Dowland, justement surnommé « dolent », ‘souffrant’ pour la douceur dolente de ses airs d’amours toujours douloureux, un extrait de Come again, ‘Reviens’ (1597), rêvant sur les cordes éplorées comme des larmes du luth, un appel de l’amant à la bien-aimée qu’il rêve de revoir, entendre, toucher, embrasser, et de mourir (on espère de bonheur) avec elle : PLAGE 4

 Cet éclectisme de goût, de bon goût, tient sans doute à cette génération de jeunes habitués à voyager, sans frontières ni mentales ni physiques, ni artistiques. Ainsi, fondatrice de Body & Soul Consort qu’elle crée fin 2018, Ellen Giacone est italo-néerlandaise de naissance, mais a étudié le violon et le piano à Paris avant de suivre un cursus de biologie à l’École Normale Supérieure de Paris et, en parallèle, une formation de chanteuse lyrique, se passionnant pour la musique ancienne. Elle a travaillé avec les meilleurs maîtres.

Srdjan Berdovic, à l’archiluth, auteur des arrangements, des introductions et des interludes est croato-américain. Il compose pour des univers variés, allant de l’opéra de chambre au théâtre, en passant par le documentaire et le film d’animation. Krzysztof Lewandowski, cornet à bouquin, est Polonais, joue un peu partout au sein d’ensembles connus de musique ancienne mais, également, virtuose de la guitare basse, avec des groupes de jazz, de funk et d’autres musiques improvisées. Complétant cette triade de l‘est, le Serbe Srdjan Ivanovic, aux percussions, fuyant tout jeune la guerre avec son père compositeur, compositeur lui-même, a déjà couru le monde, remportant de nombreux concours, prêtant le sien à nombre d’ensembles.

Adrien Alix, viole de gambe et contrebasse, est diplômé des conservatoires parisiens et se produit dans différentes formations baroques connues. Metteur en scène, il monte L’Orfeo de Monteverdi et Dido & Æneas de Purcell avec l’équipe de recherche et pratique « Euridice 1600-2000 ». Il compose et joue au sein du collectif « Le printemps du machiniste » pour la série théâtrale en marionnettes intitulée Les Présomptions. Il prépare actuellement une thèse en littératures comparées et musicologie à propos de poésie et musique dans l’Italie du premier baroque.

Magnifique équipe de jeunes musiciens curieux et créatifs et on s’en convaincra encore avec un extrait de cet air de Stefano Landi, Non si scherza con Amore, ‘On ne badine pas avec l’Amour’, une recréation tout inventive, très jazzy d’aujourd’hui, d’un air plus que d’hier : de 1627 !  PLAGE 11

 Un anonyme français de 1609, ne manque pas à la tradition gaillarde et paillarde gauloise : « C’est un amant ouvrez la porte », espérant trouver la belle toute nue : PLAGE 7

         Parmi les grands standards de jazz, et de comédies musicales, illustrés par Ella Fitzgerald ou Frank Sinatra, on trouve Bewitched, bothered and bewildered (1940) ‘Ensorcelé, dérangé et désorienté’ ;  My favourite things (1959), ‘Mes choses préférées’, encore  It’s Oh so quiet (1949) ‘C’est, oh! tellement silencieux’.

Mais nous quittons ce disque sur le célèbre et vengeur Cry me a river, de 1953, ‘Verse-moi une rivière de larmes’ : PLAGE 3

Benito Pelegrín

 

Body & Soul Consort

I Put a Spell on You

Ellen Giacone, voix & direction artistique

 Label Les belles écouteuses

I Put a Spell on You | Cité de la Voix : 

RCF. Émission N°572 de Benito Pelegrín 04/11/2021

Rmt News Int • 21 décembre 2021


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