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Quoi / Maintenant au Théâtre de la Joliette

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Quoi / Maintenant

Le théâtre de La Joliette nous a habitués aux pépites. C’en est une que cette compagnie TG Stan qui sertissait pour nous, les 19 et 20 novembre 2021, deux pièces, l’une d’après “Dors mon petit enfant” de John Fosse et l’autre, la “pièce en plastique” de Marius Von Mayemburg.

Nous sommes accueillis par les acteurs eux-mêmes qui marquent par leur présence hiératique l’espace scénique où ils semblent déjà scruter le lieu et ses alentours, comme à la recherche de leur place. Ils s’y tiennent debout comme des figurines d’échiquier, semblant attendre comme nous qu’il se passe quelque chose. Les spectateurs qui continuent d’arriver sont guidés par eux vers la meilleure place au moyen de grands gestes télégraphiques, somme toute bienveillants.

Le spectacle commence et nous offre le monde, notre monde, comme dans un miroir qui en soulignerait l’étrangeté. Mais la scène toute onirique qui se joue, où les acteurs interrogent le lieu et le temps par des questions dont la répétition et la reprise par d’autres acteurs amène à s’interroger sur le sens, nous rend cette étrangeté comme familière, adoucie par un humour omniprésent. C’est le génie de cette troupe de communiquer, par la délicatesse de son jeu et le tact des acteurs, ce sentiment de familiarité, de connivence avec la salle du début à la fin de la représentation.

Puis vient la seconde partie, qui nous transporte dans un foyer de bobos non moins perplexes que les figures hantées qui nous étaient tout d’abord apparues. Cette fois cependant la perplexité est autre. C’est celle de nos doutes dans un siècle où les valeurs sont bouleversées par les nouvelles consciences du tort que l’homme fait à la planète et du respect qui devrait être dû à tous, aux enfants et à leur éveil, aux femmes et spécialement celles qui font le ménage, à l’Art et ses prophètes. Les nouveaux codes ne vont pas de soi, les comportements attendus non plus. L’incompréhension, l’incommunicabilité font fuser des quiproquos en feux d’artifices, secouant la salle d’éclats de rire. Nous rions non pas seulement du comique bien réel du texte, ni non plus du seul jeu, très alerte, des acteurs, tous toujours vrais dans leur personnage, avec une mention spéciale pour Damiaan de Schrijver qui en fait vivre deux si différents l’un de l’autre mais avec tant de justesse. Nous rions de ce que ces quiproquos révèlent en profondeur de nos contradictions internes, qui sont brusquement mises à nu. Ainsi la femme de ménage est-elle une femme, qui mérite tous égards jusqu’au tutoiement, et c’est avec une pointe d’embarras qu’on lui abandonne au début les vêtement non portés, puis sans trop de façons qu’on finit par lui jeter au visage que son odeur de transpiration incommode. L’ami artiste, mais aussi employeur de l’épouse, pousse au plus loin le couple dans les contradictions de la nouvelle vertu attendue des bourgeois bohèmes et de leur bonne conscience.

Merci à cette troupe plein d’allant et que l’on découvre tellement à l’unisson de nous faire rire de nos profondes incohérences, tout en nous les révélant d’une manière si éclairante. C’est cela le théâtre et le bon, on ne s’en lasse pas.

Dominique Reinhorn

Avec : Jolente De Keersmaeker, Damiaan De Schrijver, Els Dottermans et Frank Vercruyssen. Lumière Tomas Walgrave. Costumes An D’Huys.

Crédit photo Quoi / Maintenant – tg STAN © Koen Bross.

Rmt News Int • 6 décembre 2021


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